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  • Banalités pendant l'été

    Des proches me font déjà remarquer, à demi ironiques, que j'évoque parfois les artistes, écrivains ou philosophes du passé, comme si je les avais côtoyés. C'est mon côté "nécromancien".

    Cette remarque tient au mélange de détails que je donne et, j'espère, à mes efforts pour faire des portraits concis et les moins subjectifs possible.

    Je dois répondre que, si la jouissance et le bonheur obligent à tenir compte du temps qui passe, la science, elle, ne peut tenir compte de la mode.

    Parmi les préjugés qui m'amusent chez les personnes plus marquées par l'esprit du temps que moi, l'idée selon laquelle les générations futures auront une meilleure compréhension de notre époque que nous-mêmes avons. Ce n'est pas très pratique ! C'est une idée qui reflète la connerie mathématique ou cartésienne, l'empreinte de ce raisonnement débile sur mes contemporains. Le temps n'est pas facteur de progrès.

    Un théoricien de la conscience et de l'inconscient a cru remarquer que les hommes ne veulent pas admettre volontiers qu'ils agissent inconsciemment. Ce théoricien y voit la preuve de l'attachement viscéral de l'homme à la liberté. Ce théoricien a mis à part sans s'en rendre compte toutes les élites modernes, et encore toutes les personnes qui font crédit à telle ou telle doctrine sociale plus ou moins hypocrite. Le mouvement des sociétés est inconscient - plus encore celui de la société moderne.

    Qui plus est, je justifie ma nécromancie comme ceci : les artistes, écrivains, philosophes, savants du passé, se dérobent beaucoup moins à la connaissance que la plupart de mes proches ou de mes contemporains. Il est une qualité que l'on retrouve peu aujourd'hui, c'est la naïveté. Encore moins chez les femmes, bien sûr, puisque c'est la profession des femmes de vivre aux dépends de la naïveté des hommes (ainsi les femmes n'aiment guère les hommes trop féministes, car ils sont de deux espèces : ou bien trop crédules et faibles, ou bien beaucoup trop rusés).

    Ce qui rend les femmes aussi énigmatiques, et inintéressantes par conséquent, à moins d'aimer les casse-têtes, c'est leur faculté à se mentir à elles-mêmes.

    Mes proches, pour beaucoup d'entre eux, sont des fantômes insaisissables.

     

     

  • Histoire contre économie

    J'écoute pendant quelques minutes le discours du guide suprême des Français, F. Hollande, à l'occasion de la fête nationale du 14 Juillet.

    Il est frappant de constater comme, à propos de l'Europe et du "rattrapage des Grecs" par les basques, le chef de l'Etat tient un discours sentimental. Un lycéen de classe terminale, même seulement vaguement initié aux arcanes de l'économie, peut en faire l'observation : l'Europe est un conglomérat d'intérêts industriels et bancaires, un point c'est tout. La faillite de l'Europe, son échec à former un pacte solide, tient largement à ce que ce pacte intervient à contretemps dans le processus de mondialisation de l'économie. Autrement dit, il ne reste plus qu'à espérer, c'est-à-dire à s'en tenir au degré zéro de la conscience.

    Le discours de F. Hollande est donc comparable à celui des béjaunes qui, autour du coït, brodent des tapisseries de niaiseries sentimentales, et qui, si la réalité ne vient leur botter les fesses un jour, auront vécu toute leur vie dans l'illusion, ainsi que des fantômes.

    Le terrain de l'économie est également celui où l'on remarque l'extrême condescendance de la bourgeoisie et de ses représentants à l'égard du peuple. Somme toute, l'économie n'est faite que d'actes primaires (il est aisé de prouver que l'homme descend du singe si l'on s'en tient au registre des actes économiques) : en dépit de cela, les élites se comportent comme s'il s'agissait là d'un sujet trop important pour qu'il n'échappe aux yeux du peuple, qui doit se contenter des billevesées sentimentales de son guide suprême et de ses acolytes versés dans les statistiques.

    Cette condescendance est bien sûr mêlée d'hypocrisie. Il y a lieu de croire que F. Hollande est beaucoup moins sentimental que la plupart de ses électeurs, et mieux au fait de la réalité de la guerre sans merci qui se joue à travers l'économie - il faudrait dire la guerre "totale". Parler d'économie en pleine parade militaire est, en revanche, adéquat. L'hypocrisie est faite pour ménager la place et le symbole de la démocratie, comme le discours du Tartuffe ménage dieu.

    - Des journalistes, des professeurs, des politiciens véreux, font parfois passer l'historien K. Marx pour un économiste. Mais l'un des principaux mérites de la critique marxiste est de faire valoir l'antagonisme de l'économie et de l'histoire. Marx contredit radicalement Hegel (c'est ici un point essentiel complètement occulté par la science scolastique française) et sa démonstration du progrès accompli par l'Europe depuis les "Lumières" en produisant la démonstration contraire que l'évolution brutale et violente de la société occidentale a principalement une cause économique. Exit le "sens de l'histoire" idéologique forgé par Hegel (dont la manifestation la plus familière est l'art moderne conceptuel, présenté par Hegel comme une preuve de progrès).

    Le ressort essentiel de l'économie prive donc la bourgeoisie de la conscience historique. L'étude économique de Marx incite à antidater l'essor du régime bourgeois et à ne pas tenir compte du "détail" de la prise de la Bastille, pittoresque et mystique ; dater l'essor de la bourgeoisie du XVIIe siècle, c'est tenir compte de l'éradication préalable des pouvoirs intermédiaires dans la constitution de l'Etat totalitaire bourgeois. Lénine a eu conscience a posteriori, il l'a écrit noir sur blanc, d'avoir accompli en Russie une oeuvre similaire à celle accomplie par Louis XIV.

    Marx n'est pas non plus "keynésien", puisqu'il détruit l'idée démagogique sur laquelle repose l'incitation aux politiques keynésiennes, à savoir l'encadrement de la finance par l'Etat et ses fonctionnaires. Cette démagogie est proche de la nullité où se situe ladite doctrine sociale de l'Eglise catholique en matière économique, ou encore de l'extrême-gauche syndicaliste. Le marxisme ne nie pas la configuration irrémédiablement brutale et inégalitaire des sociétés. C'est d'ailleurs ici le point de convergence entre Marx et Balzac : s'il y a une issue à l'abomination du monde, elle ne peut pas être sociale, puisque la racine de l'abomination est sociale.

    Marx n'est pas un économiste, enfin, car la critique marxiste, contrairement au stalinisme, n'oriente vers aucune thérapie économique. Marx se veut scientifique, et non un de ces économistes dont les ressources n'excèdent pas celle d'une voyante et sa boule de cristal, dont tout l'art est de faire passer leur ignorance pour un savoir.

    Le philosophe réactionnaire F. Nietzsche qualifie la culture occidentale judéo-chrétienne de "culture de mort" (d'où son féminisme). Une analyse de son économie mène au même constat. La soumission au calcul économique est une forme de fatalisme, non pas vertueux comme celui des cultures de vie païennes traditionnelles, mais indexé sur la mort. Shakespeare, dont le parrainage est indiscutable sur Marx, le dit déjà en des termes plus tranchants : la culture spéculative occidentale s'oppose en vain à la mort.

    Ce que cherche l'historien Marx, ce ne sont pas de bonnes pratiques économiques, mais bien plutôt à échapper au paradigme économique. Quelle activité peut s'exercer en dehors même du carcan de l'économie (c'est-à-dire du sexe) ? Marx répond : la science et l'histoire.