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  • Univers fini ou infini ?

    (MAJ 24 oct.)

    Astrophysicienne réputée, Marguerite Hack est interrogée par la télévision (Euronews) : - L'univers est-il fini ou infini ? Soudaine irruption à l'écran d'une question scientifique dans un monde où tout est fait pour les éviter, en raison du tort que la science peut causer à la cohésion sociale, exactement pour la même raison que l'individualisme est dangereux pour les institutions.

    "Réputée" ne veut pas dire "savante". Les scientifiques qui ont programmé la ruine du capitalisme* en rêvant de veaux, de vaches, et de couvées futures comme Perrette, étaient tout aussi réputés et couverts de prix Nobel. L'internement psychiatrique de certains de ces savants étant présenté comme le signe le plus sûr de leur génie. Société immonde qui fait l'éloge de la folie, protège les fous/politiciens en cols blancs, tandis qu'elle condamne pour se blanchir quelques fous furieux par-ci par-là.

    Si la science républicaine est d'ailleurs aussi soucieuse de sa réputation et de son honneur, c'est pour la principale raison qu'elle est maculée de sang.

    Demandez autour de vous à tel ou tel, ayant foi dans l'une ou l'autre des thèses, monde fini ou pas, de justifier sa foi par quelques arguments et non la foi. Peu disposent d'arguments, bien que cela ait une grande importance dans la condition humaine, comme l'astrophysicienne M. Hack est amenée à l'admettre dans son plaidoyer en faveur d'un univers infini.

    + Ici je pense à la remarque de la reine Christine de Suède à René Descartes. La conception mécaniste ou mathématique que le géomètre batave promeut largement, à la suite de Copernic et Galilée, a des conséquences psychologiques importantes, insiste la reine, avec laquelle il correspond.

    A vrai dire, comment la conception psychologique ou religieuse de l'univers selon Galilée, pourrait ne pas avoir de répercussion sur le plan du conditionnement humain, ou de ce que la médecine moderne appelle "l'inconscient" ? Descartes acquiesce d'ailleurs, et se contente d'acquiescer, vu qu'il a tendance à fuir tous les problèmes qui ne relèvent pas du bricolage. Descartes, typiquement Français ? C'est une thèse (de bureaucrate) aussi grossière que de dire que la France est le pays de la musique, alors que le français est une des langues les moins mélodieuses du monde.

    + Mais prenons un exemple plus précis. Le poète et savant naturaliste Lucrèce (Ier s. av. J.-C.)**,  convaincu que l'homme n'a de place et de délai que fort courts à l'intérieur du cosmos divin, dont sont issus chaque force et chaque mouvement sur la terre, se prive de motif pour cultiver les rapports sociaux ou adhérer à une religion quelconque. Interdit social ou religieux, le suicide n'est plus dans la disposition d'esprit de Lucrèce qu'une question de douleur ou de plaisir.

    Le rapport n'est pas forcément évident dans mon exemple avec le caractère limité ou illimité de l'univers, bien qu'il permet de souligner encore la fonction religieuse de l'infini. Qu'est-ce qui peut inciter Lucrèce à continuer de vivre pour, en définitive, servir de fumier aux plantes et engrosser la terre de son cadavre, en dehors du sentiment religieux exacerbé et du morne sado-masochisme de F. Nitche ? Le champ ouvert du temps au maximum et dans toutes les dimensions, jusqu'au "voyage dans le temps", résulte bien d'une nécessité religieuse et vitale. L'exploitation répétitive de ce sophisme mathématique par les industriels du divertissement, cet aspect spectaculaire confirme l'aspiration religieuse vers l'infini, ainsi que le viol de la conscience perpétré par le cinéma, plus grave encore que la violence physique.

    + Le scepticisme, non pas tant "athée" qu'antisocial ou anticlérical de Lucrèce, est assez représentatif de l'animisme savant ; tandis que la foi dans la métempsycose a probablement un but militant ou militaire. Le point de vue vulgaire, celui de l'ignorant, est donc plus religieux, en même temps qu'il est plus athée que celui du maître. Ce décalage est très instructif des raisons pour lesquelles la modernité, qui trahit une aspiration religieuse d'une puissance inédite en Occident, se passe assez facilement de dieu(x). Les doctrines sociales, paysannes ou bourgeoises, remplissent un objectif thérapeutique bien plus efficace que la foi en dieu, dont on voit qu'elle laisse le savant Lucrèce à peu près seul face au destin et aux éléments terribles.

    On pourrait dire que le flou artistique, le meilleur synonyme de l'idée d'infini, est propice aux actions religieuses ou sociales. L'infini ouvre "le champ des possibles", c'est-à-dire sur le plan technique permet la multiplication des instruments et des moyens, avec ce corollaire sur le plan moral et politique d'ouvrir la porte aux crimes et aux délits, dans le sens autodestructeur propre au mouvement politique (l'histoire étant la science de "ce qui échappe au mouvement de combustion moral et politique"). Paradoxalement, le vague conceptuel et le mysticisme des mathématiques est ce qui permet d'aboutir à la production de détails millimétrés. Si la photographie est aussi prisée des peuples disciplinés, comme disent Baudelaire et Delacroix après en avoir reniflé l'odeur macabre de très près, c'est à cause du sentiment de perfection religieuse rassurant qui émane des systèmes d'information matriciels.

    +

    Il faut dire que, tant que l'espace n'avait pas été "rattaché" au temps par le décret abusif d'Einstein, beaucoup de conceptions spéculatives du cosmos ou de l'univers étaient bancales, indéfinies dans le temps, de par l'approche opératoire géométrique des mouvements des astres, mais conservant cependant une forme inspirée de la matière. C'est le cas de la conception de Copernic et Galilée. On pourrait dire des héritiers de la science copernicienne qu'ils ne savent pas sur quel pied danser, car l'évolution de la science copernicienne est dirigée contre elle-même depuis le XVIIe siècle, contre sa logique interne défaillante, dont elle ne cesse étape après étape de tenter de corriger le paradoxe, instinctivement mue par l'ignorance qu'elle pose le principe d'un cadre entièrement théorique au cosmos. Autrement dit, ce n'est pas le cosmos qu'on peut résoudre entièrement à une source d'énergie utile (anthropologique) pour l'homme, mais le propos d'Einstein qui traduit une conception entièrement énergétique, et donc réactionnaire de la science. Un indice certain du raisonnement réactionnaire d'Einstein, d'ailleurs typique du droit et de la géométrie, qui explique pourquoi les adversaires du totalitarisme insistent sur la signalétique juridique et mathématique de l'enfer totalitaire, est la contradiction entre les termes de la démonstration statistique de la relativité. Einstein part d'un système de géolocalisation que la conclusion de son théorème empêche de tracer. De même l'Etat totalitaire nazi ou hégélien nie la famille traditionnelle, afin de passer pour un progrès par rapport à celle-ci, alors même que la notion de "personnalité morale", essentielle à l'oppression morale ou politique, est un mode d'aliénation typiquement familial. Le seul "progrès" dont l'Etat républicain totalitaire, ses scribes et pharisiens, peuvent se vanter, est, jusque à un certains point, dans l'ordre de l'organisation, tout charnier beaucoup plus soigneusement dissimulé par les régimes totalitaires que les petites dictatures, mais aussi et surtout beaucoup plus soigneusement préparé et dissimulé.

    Comme le fait remarquer d'emblée le journaliste à cette physicienne, il semble difficile de répondre à une telle question sans définition préalable nette de l'infini, idée aussi ondoyante qu'un drapeau suivant les siècles et les savants ; infini qu'un esprit profane soupçonnera naturellement de n'être, comme le point ou le zéro, que le cadre le plus large offert à la spéculation, idée propice à être prise, comme le soulignent les savants matérialistes opposés, pour l'objet même de la spéculation, jusqu'à donner un art ou une science aussi tautologique qu'une existence vouée à l'industrie et au profit capitaliste. Le profane perçoit mieux que l'experte le rapport étroit entre l'infini et la notion de définition elle-même. Exactement comme l'archer requiert le flou autour de lui pour "mettre dans le mille", l'ingénieur a besoin de ce champ opaque pour fabriquer des objets "haute définition". La comparaison par Aristote du rêveur avec un archer, permet elle aussi de comprendre à quel point la technologie est pleine d'onirisme et vide de sens réel. Un gosse plongé dans la technologie et le cinéma dès le plus jeune âge fait bien de se mettre une croix autour du cou en signe de deuil. Il est, de fait, condamné à mort par le système.

    + A cette requête de bon sens - une définition précise de l'infini - l'astrophysicienne ne répond pas directement, mais par l'argument de la vitesse supposée de la lumière.

    Premier problème : la vitesse de lumière et l'infini sont comme tenon et mortaise ; ils se justifient l'un par l'autre. L'infinie vitesse de la lumière, pour Descartes, est une expression pour dire qu'elle va très très vite (foin de l'expérience et de l'expérimentation) ; puis il fournit un ordre de grandeur, ce qui revient à dire que l'infini est... fini. A quoi rime ce micmac ? Au fait que Descartes a mieux conscience que Pascal ou Einstein de la signification théorique de l'espace et du temps. La recherche d'une définition rigoureuse de l'infini ne peut qu'aboutir à la définition qu'il n'en existe pas. L'infini est comme le dictionnaire, le récipient de définitions plus précises : une cruche. L'idée de lumière fournit aussi un cadre élargi à des tas de réflexions ou de projets artistiques plus précis (aussi bien l'eucharistie des catholiques romains que les tableaux de Monet).

    Deuxième problème : la vitesse supposée de la lumière est telle qu'elle rend l'expérimentation concrète de cette vitesse impossible ; il faut passer par des expériences... théoriques, s'appuyant sur des données astronomiques qui n'ont elles-mêmes pas pu être vérifiées de façon expérimentale, et sont donc posées comme des dogmes.

    De plus la vitesse n'est estimable que d'une manière géométrique, celle-là même qui implique la notion vague d'infini... que la vitesse de la lumière est censée concrétiser. On n'est donc pas loin du tour de magie qui consiste, pour escamoter un lapin, à focaliser l'attention du public ailleurs.

    Enfin l'astrophysicienne concède un argument, d'ordre religieux ou psychologique ; à savoir que l'infini permet de reculer éternellement la cause première et le point final, ce qui n'est, avoue-t-elle au journaliste, pas une façon moins commode de penser que la manière formelle ou qualitative des savants matérialistes, pour qui l'univers n'est pas une oeuvre d'art, mais l'art lui-même ; l'éternité sous une forme concrète et  incorruptible, non un élastique ou un ressort, une âme dilatable à l'infini.

    Ici M. Hack découvre la raison qu'avaient les Egyptiens de proposer, bien avant Copernic ou Galilée, un modèle cosmique dynastique reposant sur le calcul géométrique. C'est un instrument de domination entre les mains du clergé. La raison est donc d'ordre moral et politique, "architecturale" si on préfère.

    L'anthropologie dérive en effet des besoins humains. De nature théocratique, elle ne pose dieu ou la nature que comme une hypothèse. Plus moderne et laïcisée, mais reprenant le même raisonnement, elle réduit aussi l'univers à une hypothèse de travail.

    Quand seul pharaon ou les grands du royaume pouvaient rêver de se tenir sur un pied d'égalité avec les éléments naturels, la religion de l'homme moderne lui permet de se tenir sur un pied d'égalité juridique avec la nature. La vision matérialiste formelle d'un cosmos inaltérable, en même temps qu'elle invalide l'idée de hasard ou de fatalité, met l'homme et ses plans dans la situation d'être seuls responsables de la mort, à cause d'un excès de confiance dans la vitalité et les phénomènes énergétiques, exactement comme elle occulte dans la conscience compartimentée du polytechnicien l'appui qu'il fournit à la fabrication d'engins de mort.

    La remise en question de la mort est en effet l'attitude la plus subversive contre l'autorité religieuse ou politique, qu'elle prive de tout crédit spirituel, comme Hamlet réduit à la course au néant la civilisation/citadelle d'Elseneur. Fatalité ou hasard n'apparaît plus, alors qu'il est un liant et un mobile social très puissant, que comme un outil de sidération des masses. L'au-delà religieux, comme l'en-deça psychologique ou génétique, si propice aux calculs moraux et politiques, est ramené à un point ou une vitamine, c'est-à-dire à rien. M. Hack a bien raison de dire qu'il est plus facile pour les nations et les hommes de jeter les dés de la fortune : c'est le confort intellectuel même. La société et l'existence doivent impérativement être présentés de façon énigmatique. Le gadget nazi et pornographique de la "quête identitaire" trahit ainsi cette exigence. Le mode de raisonnement dynastique ou informatique, c'est-à-dire l'analyse de la chaîne des causes et conséquences, dont la tendance à tourner autour du pot est raillée par l'argument de "l'oeuf et la poule", ce mode peut recevoir la triple qualification d'instinctif, de religieux et de confortable... tant qu'on ne lève pas les yeux au-dessus du guidon, de l'engin de guerre ou de la chaîne de montage. L'ordinateur pense-bête, et cette intelligence spéculative artificielle est encouragée par des criminels de guerre en puissance, le plus souvent abrités derrière un humanisme frelaté.

    *"programmé" au sens propre où les mathématiques financières, enseignées dans la plupart des écoles de propagande de la foi commerciale, sous couvert d'une meilleure garantie des transactions, ont contribué à l'automatisation et l'accélération de la circulation des titres.

    **les tentatives pour faire de Lucrèce un "poète athée" relèvent de la propagande grossière, afin de remplir le calendriers des saints athées. Que Lucrèce soit irréligieux n'a pas du tout la même signification, notamment scientifique. Idéologiquement, un athée comme M. Onfray, est beaucoup plus proche du pape Benoît XVI que de Lucrèce. Etre "athée" dans l'Antiquité, ce dont Homère est sans doute le plus éloigné, serait comme nier l'effet sur l'homme de la Nature. C'est aussi invraisemblable qu'un énarque qui, aujourd'hui, se moquerait des statistiques sur lesquelles son existence est basée. Tous les philosophes antiques, dès lors qu'ils s'affirment savants, sont donc assimilables à des théologiens/astrologues.