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Mon Journal de guerre

  • Le piège Mélenchon

    L'oligarchie et son clergé médiatique sont en train de tendre aux Français avec Mélenchon le même piège que celui qu'ils leur ont tendu avec Le Pen de 1986 à 2006. L'élection de N. Sarkozy fut le signal que le piège Le Pen ne fonctionnait plus ; sans le krach de 2008, qui a semé momentanément le doute sur la capacité intellectuelle des banquiers d'affaires à diriger la France, N. Sarkozy aurait sans doute été réélu.

    Le dispositif clérical est d'ailleurs le même : le péché mortel d'antisémitisme, naguère le crime de Le Pen, est désormais celui de Mélenchon et ses partisans. Le diable a changé de visage, mais le clergé est resté le même.

    Les éructations de J.-L. Mélenchon contre le fascisme sont aussi ridicules que les efforts de Le Pen et Bardella pour prouver qu'ils sont de bons Juifs, adeptes de la méthode forte avec les Arabes.

    Les idiots utiles de la France insoumise, au demeurant jeunes et sympathiques, et que je croise souvent dans mon quartier, prêchant la bonne parole altermondialiste à la manière du pape François, sont à peu près les mêmes idiots utiles que les lepénistes de 1986 à 2006, prêchant la consanguinité et la fermeture des frontières. L'altermondialisme et la fermeture des frontières sont deux politiques impraticables. Depuis 2023, Mme G. Meloni a fait entrer 400.000 immigrés sur le sol italien et en a expulsé quelques milliers de façon spectaculaire.

    Le rôle assigné à Mélenchon par le clergé médiatique est celui d'une machine à faire gagner un type comme Emmanuel Macron, capable d'enrober la technocratie dans des mots doux aux oreilles des vieillards de France. Dans le genre loukoum-que-les-vieilles-dames-adorent, E. Macron se pose un peu là ! Il ne semble jamais aussi sincère que lorsqu'il cause euthanasie.

    Le FN, dernier parti prolétarien (au XXe siècle, les ouvriers ont soigneusement été abrutis par la télévision), a été la première victime de la désindustrialisation accélérée depuis l'an 2000 ; cela explique sans doute que ce parti plafonne. Il reste un parti de "petits blancs pauvres et complexés", tout en aspirant aux ors de la monarchie républicaine, réservés en principe aux avocats ou aux toubibs de droite.

    Le mouvement des Gilets jaunes reflète en partie la déception de l'électorat du FN, persuadé que ce parti était dirigé contre le "système". Le FN a déçu ; les syndicats ont déçu ; l'extrême-gauche (des sociaux-démocrates avec des slogans trotskistes) a déçu.

    Le mouvement des Gilets jaunes est le mouvement des Français qui en ont assez d'être cocufiés, non seulement par le monarque gaulliste, mais par tous ses courtisans, formant autour de lui un cordon sanitaire très large. Il va de soi que le roi d'une république oligarchique n'a que des pouvoirs très restreints. La crise économique de 2020 a rendu E. Macron plus utile que ses prédécesseurs, en particulier pour rassurer les vieillards inquiets qui forment une part consistante du corps électoral. N. Sarkozy avait, déjà, recueilli un nombre considérable de suffrages de personnes âgées inquiètes à propos de leurs retraites. La France ne se "droitise pas", elle vieillit. Le FN est le parti des jeunes flics, et le parti de Mélenchon est le parti des jeunes antiflics - dans les deux cas, ils sont manipulés.

    Ceux qui reprochent aux Gilets jaunes leur manque d'efficacité politique n'ont probablement pas idée de l'ampleur de l'Etat profond français. Il faut au moins aux Gilets jaune la ruse d'Ulysse pour vaincre cet Etat profond, que les petits Français sont entraînés à vénérer dès leur plus jeune âge.

    Les Gilets jaunes ont montré une chose, qui dépasse peut-être la révolution MAGA de Donald Trump : la capacité de résistance passive des Français aux projets de l'oligarchie. Ils ont fait reculer cette oligarchie jusqu'à Bruxelles. Le FN et Mélenchon pactisent manifestement en siégeant au parlement européen.

    La révolution MAGA, dans un pays où l'Etat profond est beaucoup moins puissant (il a seulement commencé à se former sous F.D. Roosevelt) n'est, pour l'instant, qu'une révolution virtuelle, sur le papier. On ne peut pas reprocher aux Gilets jaunes de n'avoir pas fait ce que D. Trump n'a pas encore fait dans un pays où le processus électoral n'est pas entièrement truqué. Trump ne fait qu'opposer une oligarchie nouvelle à l'ancienne.

    Le démagogue Le Pen a entraîné dans le piège son électorat prolétarien, désormais en voie de disparition. Mélenchon, croyant les sauver ou les protéger, risque d'entraîner les Français musulmans dans le piège électoral tendu par la racaille oligarchique. La cause palestinienne n'est pas plus une cause française que la cause sioniste. A un candidat juif, comme Zemmour, on est en droit de poser la question : - Français ou sioniste ? Idem pour Mélenchon : - Français ou Palestinien ? Les palinodies de Mélenchon sur la Palestine font penser aux palinodies de Le Pen dans un autre genre : elles font douter de la volonté politique de Mélenchon.

    Les intérêts des Français musulmans ne sont pas en Palestine, mais en France. Ils ont subi, comme une large majorité de Français, les conséquences de l'échec du projet oligarchique d'Union européenne - projet de paix et de stabilité économique que l'oligarchie essaie de transformer en projet de guerre, suivant un réflexe capitaliste conditionné.

  • Histoire et action politique

    Dire que Shakespeare est "machiavélien" veut dire que Shakespeare raconte l'histoire d'Angleterre et celle du monde pour le besoin de l'action politique.

    Sh. ajoute bien sûr à Machiavel ce que l'on qualifie aujourd'hui de "talent littéraire", dont Machiavel est moins bien pourvu.

    Politique, histoire et littérature, ce sont là trois choses contre lesquelles les Etats-Unis sont imperméabilisés. Comme l'Union soviétique le fut aussi, on peut dire que le monde est privé de ces trois choses depuis 1945, se nourrissant d'ersatz. J'ignore quelle est la situation au pays des bonzes bénins pour qui "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes" ? Comme beaucoup de révolutions (selon Shakespeare) la "révolution culturelle" chinoise revient peut-être au même ?

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  • Gilets jaunes "constituants"

    Depuis quelques semaines sont apparus sur les réseaux sociaux américains et en marge des manifestations syndicales corporatistes des Gilets jaunes qui se disent "constituants".

    Il s'agit d'une radicalisation du mouvement, comparable à la radicalisation de mouvements écologistes, lassés de pisser dans un violon depuis des lustres et persuadés de ne pouvoir obtenir gain de cause que par l'affrontement des forces de l'ordre oligarchique, tactique qui s'est avérée payante quelques fois.

    Ces mouvements de radicalisation sont idéologiquement divisés ; l'oligarchie finance depuis des dizaines d'années différents mouvements écologistes, afin précisément de diviser pour mieux régner.

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  • Karl Marx pour les Nuls

    Je ne me lasse pas de prêcher Marx dans le désert. Bien malin qui peut dire dans quel corps l'esprit anticapitaliste germera...

    La réalité prêche mieux que moi le marxisme quand s'affrontent deux tendances du capitalisme, démembré, en la personne de Donald Trump et du parti démocrate rival. Ce démembrement conflictuel du capitalisme illustre en effet la contradiction pointée par Marx au coeur du capitalisme, contradiction qui doit conduire selon lui le capitalisme à l'implosion.

    Où les économistes capitalistes croient discerner a posteriori des "cycles" (des menstruations), Karl Marx pointe une évolution paradoxale et violente ; l'économie capitaliste ne rebondit pas plus haut après chaque crise majeure, elle fuit en avant.

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  • Pourquoi je suis "Gilets jaunes" en 2025

    Lorsqu'on me demande pourquoi je rédige un essai sur les Gilets jaunes, voici ce que je réponds : - C'est le mouvement politique le plus important depuis la Libération ; la jeune génération doit en prendre conscience, et tous les Français qui ne sont pas encore "cuits".

    Quand on lit les témoignages d'anciens meneurs ou simples participants aux émeutes de "Mai 68", il y a un demi-siècle, on s'aperçoit que peu d'entre eux sont conscients de la signification des événements qu'ils ont vécus. Les plus lucides expriment le sentiment d'échec, de ne pas avoir réussi à changer la donne politique. De fait, à la couleur de la carrosserie près, le gouvernement de la France est resté inchangé. Les effets de la société de consommation, comparables à ceux d'un produit stupéfiant, sont plus visibles au XXIe siècle en France qu'ils ne l'étaient en 1968.

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  • Pourquoi je suis "Gilets jaunes" en 2025

    Donald Trump et son équipe gouvernementale semblent accomplir sous nos yeux le rêve des Gilets jaunes de démantèlement de "l'Etat profond".

    La grève des Gilets jaunes est un événement historique dans la mesure où elle a montré qu'une très large part des Français se situe à l'extérieur de l'Etat ; or cette part n'est pas la moins active de la population, au contraire. La société française se trouve scindée en deux d'une façon assez semblable à la fracture exploitée par D. Trump entre les élites de Washington et la classe moyenne sans véritable représentation politique jusqu'à la candidature de Trump en 2016.

    Le confinement suivant la grève des Gilets jaunes a montré comment les élites dirigeantes s'affranchissent elles-mêmes de "l'Etat de droit" : en décrétant l'état d'urgence. Tout juriste honnête dans ce pays devrait dénoncer la théorie de "l'Etat de droit", porte ouverte à l'arbitraire et au coup d'Etat ; ce n'est pas un hasard si les constituants de la Ve République sont eux-mêmes parvenus au pouvoir à la faveur d'une manoeuvre illégale, un coup d'Etat mou instaurant une dictature molle, à laquelle seul le mouvement de "Mai 68" s'opposa, cinquante ans avant la grève des Gilets, sans résultat probant.

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  • Vers un durcissement de la guerre ?

    Quelques mots sur la notion de "IIIe Guerre mondiale" : le découpage des guerres industrielles capitalistes en plusieurs tranches est, dans le meilleur des cas, scolaire, mais il n'est pas historique. Impossible de comprendre le XXe siècle sans comprendre le fonctionnement de l'économie capitaliste et le phénomène d'autodestruction de l'Allemagne, de 1870 à 1945 ; l'Allemagne a survécu à son suicide, dira-t-on ; en effet, mais elle est passée en quelques décennies seulement de la position de première puissance mondiale à l'état de gros cartel capitaliste qu'un commando de la CIA peut se permettre d'attaquer sans provoquer de réaction.

    Il faut donc prendre le phénomène capitaliste de la désindustrialisation en compte pour comprendre la IIIe Guerre mondiale en cours. L'usage des drones, en complément du déluge d'obus qui s'est abattu sur l'Ukraine et la bande de Gaza, en est peut-être le symbole ; de même que le rôle de conseillers techniques (SAV) joué par les "conseillers militaires" américains et britanniques auprès de l'armée ukrainienne. Un autre aspect "tertiaire" de la guerre sur le front ukrainien est le soutien financier extraordinaire de "l'Etat profond" étatsunien, pour reprendre l'expression de D. Trump, à la population civile ukrainienne.

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  • Le Coup d'Etat permanent

    La jeune génération, dont la mémoire est systématiquement effacée par les écrans de télévision, ignore que la "révolution MAGA" a déjà eu lieu en France en 1981 : "l'Etat profond", c'est alors l'Etat gaulliste et sa constitution monarchique, conçue pour annihiler la république parlementaire, accusée de la défaite française de 1940.

    Dans un ouvrage paru dans les années 60, au titre éloquent - "Le Coup d'Etat permanent" - François Mitterrand faisait le procès des institutions bonapartistes mises en place par le général de Gaulle et son constitutionnaliste Michel Debré. On note au passage le soutien du parti communiste français et des grandes centrales syndicales au régime monarchique républicain, et l'évolution du communisme vers un corporatisme ouvrier.

    Non seulement ce dispositif gaulliste-bonapartiste est antirépublicain, mais il représente selon F. Mitterrand une menace d'évolution vers un pouvoir technocratique. C'est à croire que F. Mitterrand avait lu "1984" !

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  • Voltaire ou Rousseau ?

    Avec le gaullisme, c'est l'idéologie politique de Charles Maurras qui triomphe paradoxalement en 1958 ; paradoxalement, car l'infamie attachée à son nom, depuis la sentence de trahison en janvier 1945 contre lui, n'a pas empêché l'antiparlementarisme, au coeur de sa doctrine, de s'imposer par l'intermédiaire du général de Gaulle (et le soutien du parti communiste !).

    Annihiler le parlement pour restaurer l'aura et l'efficacité du pouvoir monarchique est incontestablement un projet maurrassien. Il faut parler d'idéologie ou de doctrine à propos de Maurras, car son système politique ne s'appuie pas sur des connaissances historiques sérieuses. Ainsi le catholicisme a joué un rôle centralisateur puissant (Henri de Navarre ne s'est pas converti pour rien au catholicisme), que Maurras ignore absolument, lui préférant des thèses à la limite du complotisme.

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  • L'anticapitalisme est un humanisme

    Un correspondant catholique m'objecte que mon anticapitalisme est naïf et qu'il ne peut être cohérent car le capitalisme est tentaculaire : on ne sait où il s'arrête et où il commence.

    Ce correspondant suggère que le capitalisme compromet tout le monde, même les anticapitalistes. Selon moi, une femme arabe égorgée avec ses trois enfants par un groupe terroriste islamiste manipulé par la CIA est tout de même moins compromise qu'une publiciste qui proclame que les Etats-Unis sont "le camp du bien", et qui étaie cette doctrine par une citation de l'apôtre Paul.

    Jésus-Christ ne pose nulle part la pureté comme préalable au combat chrétien. ll y a une différence entre être pécheur et faire l'apologie du péché ; cette différence permet de tracer une frontière assez nette entre les capitalistes et les anticapitalistes entraînés malgré eux dans ce mouvement de corruption à l'échelle mondiale, et qui portent sur eux "la marque de la bête".

    La métaphore de la pieuvre est assez juste, et guère éloignée de la métaphore biblique du léviathan. Les chrétiens shakespeariens savent grâce à Shakespeare de quoi est faite la tête du poulpe : du pacte judéo-chrétien, passé entre les marchands chrétiens de Venise et le Juif Shylock. Ils se méprisaient et se haïssaient mutuellement, mais néanmoins ils ont passé entre eux un pacte fondé sur la chair.

    Ainsi les chrétiens lecteurs de Shakespeare, et même les païens, reconnaissent-ils très facilement les judéo-chrétiens babyloniens et leurs oeuvres.

  • Mérites et limites des Gilets jaunes

    (Rédaction en cours d'un essai sur les mérites et les limites du mouvement des Gilets jaunes - à paraître bientôt).

    L'importance de la très longue grève perlée des Gilets jaunes se mesure à la réaction du pouvoir oligarchique, à la fois surpris que l'on puisse s'opposer au cap fixé par la technocratie franco-bruxelloise, et assez inquiet pour déployer des moyens policiers extraordinaires, qui ont éberlué le monde entier, même si des mouvements analogues à celui des Gilets jaunes ont éclaté aux Etats-Unis et dans toute l'Europe depuis le krach de 2008.

    Dans quelle mesure la pandémie n'a pas été une aubaine pour le système oligarchique aux abois, en lui fournissant une raison sanitaire de transformer la France en prison à ciel ouvert ? La crise sanitaire aura été l'occasion, on l'espère, pour de nombreux Gilets jaunes, de lire ou relire George Orwell, en prêtant attention au rôle qu'il attribue à la peur dans la constitution de l'Etat totalitaire. Big Brother est un Etat paranoïaque. En même temps qu'il a ressoudé l'Etat derrière l'institution médico-policière, le confinement a accru dangereusement la dette de cette Etat.

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  • François, le dernier pape ?

    Commençons par dire pourquoi l'acharnement thérapeutique, dont le pape François à l'agonie a fait la promotion, n'est pas évangélique : le Messie, envoyé de Dieu pour corriger le clergé juif, sachant qu'il allait être torturé et mis à mort, a réclamé à son Père d'éloigner de lui la coupe des supplices et des souffrances.

    L'Amour pédérastique (Roméo & Juliette) est d'ailleurs le fils caché de ce masochisme insane.

    L'Eglise romaine est-elle à l'agonie, comme son chef, le pape François ? N'est-elle pas en train de mourir étouffée dans ses nombreuses contradictions, dont la plus flagrante est que le catholicisme, comme son nom l'indique, n'est pas un occidentalisme ?

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  • Le grand bluff de Donald Trump

    Les caricaturistes qui représentent Donald Trump en joueur de poker ont un regard marxiste sur l'actualité géopolitique. La vulgarité de Trump elle-même est celle du joueur, tantôt palpant ses gains, tantôt faisant la moue face à ses pertes.

    L'Europe n'est pas en reste, car la longévité du président Emmanuel Macron s'explique largement par son talent de bluffeur. On rit encore de la façon dont il a convoqué les crétins gauchistes et les crétins droitistes aux urnes en leur faisant avaler que ça changerait quelque chose aux règles fixées à Bruxelles, sur lesquelles il n'a pas plus de prise qu'un joueur sur la Banque.

    "Emmanuel Macron régna sur un peuple de boursicoteurs", diront les chroniqueurs de ce temps.

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  • Ma théorie du genre

    Les féministes (fondamentalistes) introduisent le sexisme dans la littérature en voulant réécrire les oeuvres du passé au féminin, pour y ajouter une sensibilité féminine qui ferait défaut aux oeuvres d'un passé obscurantiste.

    Pour ma part j'ai tendance à croire que le manque de sensibilité des femmes explique qu'elles soient sous-représentées dans la littérature ou dans les arts. Tâchons d'être plus précis : la résilience, qualité que l'on prête à juste titre plutôt aux femmes et aux enfants, constitue un handicap sur le plan artistique.

    Prôner la capacité d'adaptation comme le principe d'amélioration de l'espèce, c'est faire l'éloge des escrocs, disait humoristiquement Alphonse Allais, car ils sont les mieux adaptés à toutes les circonstances sociales ; c'est aussi faire d'une qualité féminine le moteur de l'Histoire. Charles Darwin est peut-être le théoricien le plus féministe ; il n'y a rien d'étonnant à ce que certaine féministe ait déduit du darwinisme une théorie de la supériorité du sexe féminin.

    Le sentimentalisme est l'expression la plus commune de cette insensibilité. Les femmes-artistes ou les femmes de lettres sont ordinairement peu sentimentales. En lisant il y a quelques années "Autant en emporte le vent", pour me faire ma propre idée sur ce roman décrié, je notai à quel point il était peu sentimental. Je me fis la réflexion qu'un homme aurait pu l'écrire, non pas parce que l'héroïne est une vraie garce, mais parce qu'il dissout le sentimentalisme petit-bourgeois qui s'est développé comme un prurit aux Etats-Unis au XXe siècle, inondant le monde par le biais du cinéma, qui n'a que rarement le goût amer des bons romans.

    A propos d'Hannah Arendt, femme-philosophe, je ferai une remarque un peu différente. Son propos est très éloigné du slogan "La femme est l'avenir de l'homme.", qui traduit ou reflète l'esprit moderne totalitaire (dans la mesure où il s'impose de façon dogmatique) ; non pas tant à cause du plaidoyer d'H. Arendt en faveur de l'autorité (l'Etat totalitaire n'est pas un Etat autoritaire car la domination sadique et la manipulation ne sont pas l'Autorité), qu'en raison de son plaidoyer pour la "praxis", que cette helléniste oppose à la "poiésis".

    Cette remarque sur la disparition de la "praxis" au stade totalitaire - c'est-à-dire de l'action politique - est exactement celle que fait Orwell dans "1984", avec d'autres mots, montrant que Big Brother est entièrement occupé par une production poétique très petite-bourgeoise. Or, tandis que les Muses régnaient sur la "poiesis", représentant ses différentes formules, Ulysse incarne chez Homère la "praxis" : il est animé par l'intérêt général, et non par un rêve de gloire comme Achille.

  • Ordalie capitaliste

    Tout le monde connaît l'ordalie suivante : - Que feriez-vous si vous gagniez 100.000 euros au loto ?

    Le capitaliste de droite se précipite au casino pour essayer de doubler la mise, car c'est un type qui a de l'ambition. Le capitaliste de gauche se précipite chez son patron pour lui donner la somme en espérant ainsi sauver son usine au bord de la faillite, car c'est un type qui a du coeur. L'usine, qui fabriquait des produits démodés, mettra quand même la clef sous la porte quelques mois plus tard. Son patron l'avait pourtant prévenu qu'il n'y avait rien à faire !

    L'anticapitaliste, lui, ne joue pas au loto, car il est trop attaché à sa liberté. Non, pas comme Diogène ; lui, c'est à sa tranquillité qu'il est attaché, comme un moine à son monastère.

  • Le nazisme en 2025

    Le nazisme, en 2025, c'est V. Poutine et sa tentative de « blitz » en Ukraine, selon V. Zélenski et les Etats-Unis qui le soutiennent ; pour V. Poutine et le peuple russe, au contraire, il ne fait pas de doute que l'Ukraine de V. Zélenski représente le néonazisme. Mais encore, pour certains, le nazisme c'est l'islam révolutionnaire ou terroriste qui voudrait renverser l’Occident et prendre sa place ; tandis que d'autres voient dans l'élimination de plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens par Israël et les Etats-Unis une preuve que le sionisme est un néonazisme.

    Le nazisme en 2025 est à la fois partout et nulle part. Traiter le parti adverse de nazi, compte tenu de l’infamie qui s’attache à ce courant politique, est devenu un moyen de diffamation courant, proche de l’usage des termes « juif » ou « communiste » utilisé par la propagande du parti nazi. C’est ici le plus bel hommage rendu à J. Goebbels, quoi qu’il soit indirect.

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  • Pourquoi le cinéma est fasciste

    Le critique artistique Walter Benjamin, réfugié à Paris à la fin des années 1930, avant de devoir fuir en Espagne en raison de la défaite française, a expliqué pourquoi le cinéma est un art fasciste. A l'instar du fascisme, dit-il en substance (dans "L'Oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique"), le cinéma a pour fonction d'empêcher la "conscience de classe" de se répandre dans les classes subalternes. C'est ici le rôle du fascisme en période de crise capitaliste, quand la menace révolutionnaire est accrue - dans ce cas la bourgeoisie sociale-démocrate est contrainte de renoncer aux apparences de la démocratie.

    De fait, la mystique totalitaire de "l'unité nationale", qui masque les conflits plus ou moins ouverts entre les différentes classes sociales, qui se tiennent en respect mutuellement, cette mystification est largement cinématographique. Un Français qui lit des bouquins d'Histoire, quelle que soit la classe sociale à laquelle il appartient, sait que "l'unité nationale" relève de la propagande nationaliste, indispensable pour mobiliser des troupes et l'opinion publique en temps de guerre. S'il y a une chose particulièrement abjecte et décadente dans le régime de Vichy, c'est sa propagande, non pas seulement parce qu'elle est antisémite, mais parce qu'elle est conçue pour abuser tous les citoyens systématiquement.

    La propagande européiste (1960-2025) s'encombre aussi peu de la réalité des conflits sociaux, cette fois à l'échelle internationale, que les discours nationalistes précédant le conflit mondial.

    Hollywood a joué un rôle décisif au XXe siècle afin de constituer une propagande nationaliste-fasciste dans une nation -les Etats-Unis-, culturellement assez hostile à l'idée nationale, et plus soudée autour de l'idéal démocratique, idéal qui ne s'est jamais concrétisé dans toute l'histoire moderne, dans le cadre d'une "nation".

    George Orwell n'aurait pas contredit W. Benjamin, d'autant moins que ce dernier pointe particulièrement les "actualités cinématographiques filmées", moyen de sidération particulièrement efficace et qui contribua à diffuser l'antisémitisme en Europe. Les actualité filmées sont, bien plus efficacement que la presse écrite, un moyen de falsifier en temps réel l'actualité politique - à la manière de CNN lors du conflit opposant les Etats-Unis à l'Irak. Avant que le complotisme ne prenne de l'ampleur, Orwell a illustré dans "1984" qu'il constitue une brèche dans le mensonge d'Etat.

    Orwell fulminait en outre contre la ligue de football britannique, bien avant que le football ne devienne un genre cinématographique à part entière, à l'échelle mondiale, remplissant parfaitement la fonction fasciste qui consiste à maintenir la plèbe au niveau sentimental. Ici on peut vérifier l'équivalence posée par Orwell entre le fachisme, le communisme et la démocratie-libérale, idéologies très proches en dépit de la haine qui les sépare.

    W. Benjamin caractérise le cinéma capitaliste comme un cinéma fasciste, en raison de son mode de production antirépublicain. Il souligne de cette façon que le discours et l'art nationaliste sont liés au capitalisme. La peinture fasciste de Marinetti se distingue par l'effort de cet artiste pour donner l'illusion du mouvement à des totems du capitalisme, tels qu'une locomotive ou une automobile.

    On constate que le patriotisme, l'attachement à une région délimitée, qui n'est pas nihiliste, a été éclipsé par le nationalisme au stade du développement industriel capitaliste. Dès le début du XXe siècle, la propagande nationaliste est indissociable de l'économie capitaliste. Certaines oeuvres littéraires patriotiques, souvent taxées de "régionalisme", ont persisté au-delà du fascisme, du nazisme, du stalinisme ou du discours impérialiste américain soutenu par Hollywood. La poésie nationaliste est dépourvue de caractère patriotique, dans la mesure où elle est adaptée aussi bien au Japon qu'à l'Allemagne, la Corée du Nord ou la France.

    Il est intéressant de noter que Benjamin fait une exception pour le cinéma de Charlie Chaplin, le cinéma burlesque d'une manière général ; pourquoi ne le qualifie-t-il pas de "fasciste" ? Le cinéma de Chaplin ne contribue pas à créer un sentiment illusoire de communion nationale, il est irréligieux. Quiconque a vu "Les Temps modernes" (1936) comprend aisément pourquoi Chaplin est le moins moderne des cinéastes, loin d'adhérer à la phénoménologie de l'esprit du cinéma fasciste ou fascisant. Chaplin ne dissimule rien du statut de l'ouvrier dans l'économie capitaliste, entériné par l'Etat de droit bourgeois. "Les Temps modernes" illustre le propos de Karl Marx sur la transformation de l'être humain en objet par le travail capitaliste ; la liberté, fruit du travail promis par le nazisme ou le libéralisme, n'est autre que la mort.

    Le cas du "Dictateur" (1940) est plus discutable, car Chaplin, volontairement ou non, conforte avec ce film la propagande totalitaire qui fait de la folie criminelle d'A. Hitler une explication du déclenchement et du déroulement de la seconde guerre mondiale, négationnisme sans doute grossier, mais très efficace. Hitler n'était pas plus fou que Napoléon Ier.

    Le ridicule, souligné par Chaplin, n'est pas propre à Hitler, et cela bien que le goût pour les parades de toute sorte soit très développé en Allemagne, il est inhérent à la démagogie, ce qui explique qu'une bonne partie du cinéma fasciste américain semblera à la fois ridicule et mortellement ennuyeux à qui est insensible à son charme ; les films de super-héros ne sont pas moins "kitsch" que les parades nazies ou soviétiques. L'Etat totalitaire est notre père, et il nous oblige à avoir un comportement et des goûts infantiles. Le renoncement à devenir un adulte est caractéristique des régimes totalitaires ; tous ces aspects ont été très bien soulignés par A. Huxley aussi dans sa contre-utopie.

    Les exemples sont sans doute assez rares au cinéma de ce que Shakespeare fait avec le théâtre, à savoir le dynamiter de l'intérieur et priver le spectateur de divertissement. Le cinéma macabre d'A. Hitchcock peut dégoûter du cinéma, car la caméra d'Hitchcock est semblable à l'oeil d'un voyeur et donne au spectateur le sentiment qu'il est lui-même une sorte de maniaque. C'est ici encore un lien avec le fascisme, qui repose largement sur la fascination pour la violence de foules apathiques, soudain enflammées par la vitalité émanant de tel ou tel leader charismatique. Le fascisme n'enflamme jamais qu'un terrain préparé par la bourgeoisie sociale-démocrate.

    La censure n'est pas si importante au stade totalitaire que le contrôle des moyens de diffusion et de production du cinéma par la bourgeoisie capitaliste. On le voit à l'heure où Youtube et des canaux de diffusion moins contrôlés permettent à des cinéastes amateurs de publier leurs films ; si la plupart imitent servilement le cinéma fasciste-illusionniste, il arrive que certains fassent preuve d'imagination, chose très rare au cinéma, qui est le genre artistique le moins imaginatif (le plus codifié).

    Qu'il soit "fasciste", "trotskiste" ou "sioniste" importe peu : un démagogue tel que Donald Trump sait qu'il doit faire main basse sur Hollywood, au même titre qu'il doit mettre au pas la CIA ou le FBI. L'Etat totalitaire n'existe pas sans contrôle du cinéma.

    Pour W. Benjamin, un cinéma socialiste antifasciste devrait révéler aux classes subalternes toute l'illusion contenue dans la mécanique et la technologie modernes - l'idée, par exemple, qu'une automobile est AVANT TOUT un cercueil roulant... avant même d'être un moyen de locomotion pratique, ce qu'elle n'est que très secondairement. Comme l'art bourgeois s'opposait à la "culture de vie" des peuples barbares, un art socialiste devrait s'opposer à la "culture de mort" des temps modernes barbares (technocratiques).

    Aux arguments de W. Benjamin pour qualifier le cinéma de fasciste, Hannah Arendt en ajouta un, ultérieurement (au début des années 50) : le cinéma édulcore presque systématiquement les oeuvres littéraires dont il tire parti, réduisant et amoindrissant leur portée. Cet argument souligne l'effet de nivellement culturel du gouvernement par la nouvelle aristocratie de l'argent ; celle-ci encourage le philistinisme, qui est le meilleur terreau du fascisme. De fait, les meilleures adaptations cinématographiques du théâtre de Shakespeare, les plus fidèles, ont tendance à occulter sa dimension tragique... sans parler de sa dimension parodique, quasiment omniprésente.

    W. Benjamin aurait probablement été consterné par le triomphe du cinéma hollywoodien s'il l'avait connu. Celui-ci semble accomplir la prédiction d'Huxley du bonheur-divertissement, ou du bonheur-stupéfiant, à quoi l'on peut résumer l'Occident au XXe et XXIe siècle, réduit à un songe aussi creux que le fascisme.

  • Le projet capitaliste européen

    On sait depuis une longue enquête publiée le 23 novembre 2024 dans le "Spiegel" allemand que l'attentat contre le gazoduc NordStream, c'est-à-dire contre l'Allemagne, moteur industriel du projet européen, est l'oeuvre d'un commando de soldats ukrainiens piloté par la CIA. On sait, ou plutôt "le grand public est autorisé à le savoir", car les enquêteurs du "Spiegel" étaient au parfum plusieurs mois avant de publier les résultats de leurs investigations.

    Le chef du commando opérant à partir d'un petit port polonais, Roman Tscherwinsky, justifie son action de sabotage en expliquant qu'il voulait frapper l'économie russe ; le gazoduc NordStream était en effet le plus gros au monde, fournissant aux industriels allemands la moitié du gaz qu'ils consommaient ; mais la Russie n'a pas tardé à trouver d'autres acquéreurs pour son gaz. Si la CIA voulait empêcher le rapprochement de l'Allemagne et de la Russie, elle a visé la bonne cible. Cependant il n'est pas difficile de savoir quel usage l'extrême-droite nationaliste allemande (AfD) peut faire de cette information.

    Et le projet européen dans tout ça ? L'Europe est responsable de la guerre en Ukraine et ses dizaines de milliers de victimes inutiles, tant du côté de l'Ukraine, appuyée par les Etats-Unis, que de la Russie de V. Poutine.

    Les dirigeants européens qui ont fait la promotion de l'Europe pendant des années en arguant de son rôle pacifique doivent être regardés par les citoyens français comme des criminels de guerre ; la guerre n'est pas seulement le fait des soudards, mais aussi de ceux qui lui laissent libre cours en amont.

    Et, en même temps, l'Europe n'est pas responsable, car les Etats-Unis et la Russie, depuis la Libération, ont tout mis en oeuvre pour que l'Europe ne recouvre pas son indépendance perdue. Les efforts des services secrets soviétiques et américains pour peser sur la politique française au cours de cette période ne sont pas une rumeur complotiste, ce sont des faits établis, systématiquement dévoilés au grand public avec dix ou vingt ans de retard. Ici c'est la mise en action concrète du processus totalitaire d'occultation des faits en temps réel décrit par George Orwell dans "1984".

    Si l'on ne tient pas compte du fait que l'Europe est un projet capitaliste avant tout, on ne tient pas compte de la raison qui a poussé tous les démagogues "souverainistes" à renier leurs engagements souverainistes une fois élus - Mme Georgia Méloni est la dernière d'une longue liste. Mme M. Le Pen a pris soin de trahir son discours souverainiste avant même d'être élue, afin d'obtenir le soutien de l'oligarchie, sans lequel elle devrait se contenter de distraire la galerie.

    Il n'y a pas de solution juridique à la tutelle de la Commission européenne sur la politique française, allemande, ou italienne, car cette tutelle n'est pas juridique, elle est capitaliste. La Grèce a recouvré sa souveraineté juridique par le moyen des urnes en 2015, mais nullement sa souveraineté effective. Idem pour le Royaume-Uni : tout en ayant voté pour la sortie de l'Union à la majorité, les citoyens britanniques demeurent captifs du paradigme européen capitaliste, dont la Guerre froide fait partie. C'est si vrai que la Suisse elle-même, petit Etat possédant une constitution souverainiste et une armée capable d'assurer sa défense, la Suisse a été contrainte ces dernières années de céder devant les raisons de la guerre capitaliste à outrance entre blocs impérialistes.

    La méconnaissance des rouages (mathématiques) de l'économie capitaliste est un handicap aussi important que d'ignorer où se trouvent les canots de sauvetage du "Titanic" au moment où tout le monde à bord prend progressivement conscience que le navire était piloté par une bande d'imbéciles arrogants.

    Rêver d'un "Titanic" tout neuf qui fendrait les eaux comme du temps du général de Gaulle, ce genre de conte de fées n'est pas pour les Gilets Jaunes, c'est-à-dire pour tous les Français, en particulier la jeune génération, qui voudrait exercer des responsabilités contre le cours du capitalisme qui dissuade le plus grand nombre d'en exercer, incitant plutôt à l'onanisme culturel.

    La révolution libérale MAGA aux Etats-Unis est un conte de fées, une illusion du même acabit que la nostalgie du gaullisme. Pour croire que le bitcoin peut remédier aux problèmes engendrés par le capitalisme étatique, il faut être un zozo anarchiste.

    Le problème du capitalisme étatique le plus flagrant est la financiarisation de l'économie - les 700 milliards d'emprunts de la banque centrale européenne en sont un exemple frappant, en même temps que l'épée de Damoclès suspendue désormais sur les citoyens français, transformés par décret en débiteurs.

    Le bitcoin est un pur produit financier, entièrement détaché de la réalité économique (à peu près comme l'or) et qui devrait, chez les entrepreneurs capitalistes, rencontrer le mépris, a fortiori chez ceux qui ne le sont pas.

    S'opposant à l'analyse de Karl Marx, Joseph Schumpeter fut bien obligé de concéder que la financiarisation de l'économie capitaliste, prédite par Marx, était un phénomène apparemment inexorable et menaçant. Le bitcoin ne fait que révéler la nature antisociale profonde du capitalisme, élucidée naguère par Marx.

    L'histoire du capitalisme depuis la fin du XIXe siècle est l'histoire de la financiarisation accélérée de l'économie capitaliste. Les guerres mondiales n'ont fait qu'accélérer le phénomène.

    Le truc du bitcoin illustre l'inconséquence des partisans du néocapitalisme façon D. Trump et E. Musk, qui jouent un double jeu (Trump n'est pas assez ignorant pour méconnaître que son projet néocapitaliste est du bluff).

    Le projet capitaliste européen est non seulement dirigé contre la citoyenneté française elle-même, mais une entreprise capitaliste au bord de la faillite.

  • Misère de la sociologie

    Le but de ce billet est de faire voler en éclats une idée largement répandue par la sociologie et les sociologues, une idée centrale de cette discipline, l'idée que "le protestantisme est l'esprit du capitalisme".

    Le sociologue français Emmanuel Todd a remis cette thèse à la mode dans un ouvrage à succès récent où il constate et déplore la mort de l'Occident capitaliste, "que n'anime plus le souffle du protestantisme". En effet E. Todd prédit l'effondrement prochain de l'empire nord-américain, comme il avait prédit l'effondrement de l'Union soviétique dès 1976 sur la base d'une analyse démographique. Comme on est en temps de guerre, cette thèse défaitiste a valu à son auteur d'être ostracisé par l'oligarchie française.

    Comme l'Union soviétique a changé de nom et de drapeau, mais non fondamentalement de structure politique et économique, on doit dire ici que le pronostiqueur n'a eu qu'à moitié raison ; l'empire américain remporta contre l'URSS une bataille il y a un peu plus de trente ans, mais non la guerre, puisque la Russie n'a pas tardé à se relever. On peut expliquer cette défaite économique par une croissance trop rapide de l'empire soviétique ; l'outil d'évaluation du sociologue peut mesurer un symptôme tout en laissant sa cause dans l'ombre. Ici E. Todd se présente surtout comme un pronostiqueur plus fiable que les économistes.

    Quid de la multitude des sectes protestantes nord-américaines en activité, c'est-à-dire d'une bonne partie des actionnaires de la première puissance mondiale capitaliste ? Pourquoi leur esprit protestant ne ferait-il pas vivre un capitalisme nouveau, suivant la promesse de ses promoteurs fraîchement élus ? La manière dont E. Todd tranche ce paradoxe est sans doute emblématique de la méthode sociologique. Réponse de l'anthropologue : - Les protestants américains ne sont pas de vrais protestants.

    La démonstration prête d'autant plus à sourire qu'E. Todd avoue une préférence pour le modèle politique et social russe contemporain. Les bolcheviques auraient-ils introduit dans un Etat orthodoxe quasi-médiéval, peu prédisposé au libéralisme, l'esprit protestant du capitalisme ?

    La réalité qu'Emmanuel Todd exprime indirectement ou inconsciemment, c'est la dimension principalement religieuse du capitalisme ; on peut l'énoncer ainsi : en ce début de XXIe siècle, un chrétien est un capitaliste, et un capitaliste est un chrétien, y compris lorsqu'il s'agit d'un Chinois athée.

    Il convient de préciser ici pourquoi la critique marxiste est radicalement antimoderne et, pour cette raison, peu compatible avec les développements ultérieurs de la sociologie qui se réclament parfois du marxisme (ce n'est pas le cas d'E. Todd). Contrairement aux idéologues modernes libéraux, sociaux-démocrates, nationalistes, soviétiques... K. Marx ne met pas le travail humain sur un piédestal ; la ruse esclavagiste conduit à le faire, selon Marx.

    La révolution marxiste, imaginée par Marx plutôt que théorisée, consiste à confier l'organisation du travail aux esclaves, c'est-à-dire à la classe la moins susceptible de réduire en esclavage le reste de la population. Marx a-t-il sous-estimé le désir des esclaves d'être esclaves ? Ou bien l'efficacité de la classe bourgeoise à faire accepter l'esclavage ? Le problème ne se pose pas ici : à aucun moment Marx ou Engels n'ont fait passer le travail pour le Messie, position qu'il occupe à peu près dans le christianisme/capitalisme. Quand un représentant de la classe bourgeoise parle de la "valeur travail", il parle d'une valeur rédemptrice.

    On pourrait parler de la "modernité", toutes idéologies confondues, comme d'une "civilisation laborieuse" ; quiconque a travaillé au sein d'une fourmilière humaine, qu'il s'agisse d'une multinationale ou d'un quartier d'affaires animé soudain à l'aube par l'agitation de milliers d'êtres humains déshumanisés, a déjà respiré le parfum de la modernité, que les idéologies les plus modernes comme le fascisme, la démocratie-chrétienne ou le communisme ont exalté à travers leur art.

    La modernité a même conçu, pour ses élites esclavagistes, des loisirs et des divertissements laborieux, eux aussi déshumanisés, que les derniers moralistes, pas forcément marxistes mais nécessairement antimodernes, ont observés avec consternation, cherchant parfois à fuir cette fête sans joie par le suicide, pour les plus sensibles d'entre eux.

    Nichée au coeur du capitalisme, on trouve cette idée, que l'argent fait des petits, c'est-à-dire qu'il travaille. La dignité du travail rejaillit sur celle de l'argent, et celle de l'argent sur le travail. Palper l'or, c'est palper Dieu en personne, et les coffres-forts sont comme des tabernacles.

    La fable de Perrette et son pot de lait nous dit que c'est une idée déjà très ancienne, mais c'est Marx qui a, dernièrement, signalé le danger d'une économie axée sur l'investissement spéculatif, d'une économie à qui perd gagne.

    La théorie sociologique revient donc à poser l'équation du protestantisme et de la modernité, que les intellectuels modernes assument,  qu'ils soient papes, anthropologues ou conseillers fiscaux.

    Le protestantisme serait à l'origine de la sanctification du travail, tandis que les catholiques en seraient restés à prier le Dieu des eaux du ciel pour faire tomber la pluie sur leurs semences. L'idée que le protestantisme est progressiste et le catholicisme archaïsant est une idée qui repose sur une méconnaissance de l'histoire des différents courants chrétiens.

    *

    Le protestantisme n'est pas tant une doctrine religieuse chrétienne, qu'un phénomène culturel, dont il n'y a pas de raison valable d'exclure les différentes sectes américaines, et qui s'est produit à l'intérieur même de l'Eglise romaine, bien avant les grands schismes politico-religieux du début du XVIe siècle.

    On peut parler de ce phénomène comme d'un effritement progressif du dogme catholique romain, lié à l'alphabétisation croissante de la population et de la formation d'une élite civile cultivée ; celle-ci s'est emparée de la Bible et a fait sauter les scellés latins qui étaient posés dessus. Le délitement du dogme a commencé bien avant le XVIe siècle à l'intérieur même de l'Eglise romaine, qui n'y a pas réagi bêtement, sans quoi elle serait morte il y a longtemps. Les protestantismes luthérien ou calviniste ne sont que des protestantismes parvenus à maturité politique.

    Les philosophes des Lumières sont-ils protestants sous prétexte qu'ils opposent aux jésuites les écritures saintes afin de les placer face à certaines de leurs contradictions ? Oui, dans la mesure où le protestantisme est un tel phénomène, non dans la mesure où la démarche des philosophes des Lumières est surtout politique (Rousseau mis à part) : il s'agit de discréditer les jésuites en les plaçant en contradiction avec leur propre Foi. L'Etat français et son gouvernement ont préservé les apparences catholiques bien au-delà de Révolution de 1789. Quel souverain fut à la fois plus capitaliste et plus catholique que Napoléon III ?

    La thèse sociologique a de nombreux inconvénients, dont le premier est de fournir une cause ésotérique au développement du capitalisme : l'esprit protestant. On ferait bien de se demander si la sociologie n'est pas entièrement ésotérique : c'est généralement ce qui se produit dans les sciences ou les arts qui accordent une part trop belle aux mathématiques.

    Le raisonnement d'E. Todd se dirige tout droit vers cette conclusion aberrante que les protestants, qu'il décrit comme des lecteurs plus sérieux de la Bible que leurs rivaux catholiques, seraient les derniers à se rendre compte que celle-ci n'accorde aucune valeur rédemptrice au travail, auquel la condition humaine astreint l'homme. L'esprit protestant consisterait par conséquent à lire la Bible la tête à l'envers.

    La démarche plus intuitive que scientifique d'E. Todd véhicule un certain nombre de préjugés (favorables) à propos de l'économie capitaliste, qu'il n'est pas inutile de relever ici, puisque le capitalisme équivaut pour certains aux décrets de la Providence.

    - L'instruction (spécialité "protestante" selon E. Todd), serait favorable au développement du capitalisme en formant des ouvriers qualifiés. Le lien entre la qualification professionnelle et le capitalisme est un cliché qui a de quoi faire sourire un artisan. Moins ignare que Todd en matière économique, J. Schumpeter a décrit les intellectuels comme des ennemis potentiels du capitalisme, incapable de leur procurer un emploi ; si le journalisme et la propagande capitaliste ont absorbé un bon nombre de ces intellectuels, ainsi que d'autres tâches dont il ne vaut mieux pas trop sonder l'utilité sociale, il n'en reste pas moins vrai que le capitalisme embauche surtout des esclaves et du personnel peu qualifié. Cette affirmation gagnerait à être nuancée suivant les pays, mais le cours du capitalisme et celui de l'instruction divergent.

    On peut même soupçonner un lien entre le déclin culturel et éducatif des Etats-Unis et leur fonctionnement économique, qui n'exige qu'un faible niveau d'instruction ; il est probable que les Américains autochtones les plus qualifiés (non des mercenaires recrutés à l'étranger), travaillant dans des secteurs en lien direct avec le capitalisme (et non dans l'artisanat ou le commerce de détail), sont ceux qui exercent les jobs les plus parasitaires. On peut citer un contre-exemple de job indispensable au fonctionnement de l'économie capitaliste et qui réclame un niveau d'études relativement élevé : le job de publicitaire. C'est sans doute une exception à la règle, qui n'est pas très éloignée de celle du journaliste payé à chanter les louanges du capitalisme dans la presse capitaliste.

    - Le préjugé sociologique d'E. Todd réduit aussi l'économie capitaliste au développement industriel. Or, l'expansion du capitalisme n'est pas seulement industrielle, elle est aussi coloniale. Sur ce terrain on ne peut pas affirmer la prévalence d'un "esprit protestant" sur un "esprit catholique". Et de quel côté situer les Britanniques ? Du côté de l'esprit protestant ou de l'esprit catholique ? L'anglicanisme est un esprit hybride.

    L'Allemagne (en partie) protestante et industrielle accusait un retard sur le Royaume-Uni et la France, voire le capitalisme belge qui s'empara du prolifique Congo. Le colonialisme a joué notamment un rôle dans le développement du capitalisme bancaire, d'abord au Royaume-Uni, puis en France au XVIIe siècle.

    Si le capitalisme est animé par un esprit protestant, alors on aurait dû voir les Eglises adverses s'insurger contre le capitalisme. Cela n'a pas été spécialement le cas. Il y a bien eu un socialisme chrétien, qui a tenté de contenir les abus du capitalisme, ignorant la démonstration de Marx que le Capital est essentiellement inique et esclavagiste, mais ce socialisme chrétien n'est pas plus protestant que catholique ; quant au nationalisme, que l'on peut considérer comme la partie éminemment criminelle du capitalisme, il a mobilisé de très nombreux catholiques et protestants.

  • La religion de Donald Trump

    Suivant le dispositif laïc des Etats-Unis, plus voltairien que le nôtre, Donald Trump est affilié à une petite Eglise épiscopalienne que l'on qualifierait volontiers de "secte" en France, où tout ce qui n'est pas supervisé par l'Etat est suspect de déviance.

    Je dis plus voltairienne la laïcité aux Etats-Unis, car les Quakers puritains sont le modèle religieux prôné par Voltaire ; en effet ceux-ci refusaient de se mêler des affaires de l'Etat, aux antipodes par conséquent des jésuites honnis qui n'avaient de cesse de s'en mêler. Les jésuites constituèrent une sorte de franc-maçonnerie avant la franc-maçonnerie, très semblable sur le plan de l'organisation et du but (d'influence politique discrète).

    Evidemment la frontière entre la sphère privée et la sphère publique est très incertaine, sauf pour les casuistes. Les chrétiens puritains ont très tôt réclamé au représentant légal du pouvoir politique des droits, milité pour la fermeture des théâtres publics en Angleterre, et suscité la première révolution d'une longue série en Europe occidentale, la révolution des "têtes rondes" en 1649.

    S'il n'y a pas de religion d'Etat à proprement parler aux Etats-Unis comme en France, où la culture laïque s'est substituée à la religion catholique à la fin du XXe siècle, il y a une sorte de projet apocalyptique commun à de très nombreuses sectes, par-delà la variété des pratiques rituelles. Pour beaucoup d'Américains, le président des Etats-Unis n'est qu'une sorte d'assesseur ou de vicaire du Christ. La différence n'est pas si grande avec l'Ancien régime monarchique, qui exposait le monarque au régicide à motif religieux. On peut imaginer que le jeune criminel qui a tenté d'assassiner D. Trump était un chrétien fondamentaliste soupçonnant D. Trump d'être un imposteur, pour ne pas dire un suppôt de Satan déguisé en prêtre chrétien.

    D'autant plus que -ce n'est pas une blague-, l'Eglise épiscopalienne de D. Trump est connue pour prêcher "l'évangile de la prospérité". Le terme de "prospérité" est assez vague : si on l'entend comme synonyme d'accumulation de biens, la prospérité trouve peu de justifications dans la Bible. Il est probable que cet évangile de la prospérité et son éthique propice au business soient une réaction à un puritanisme plus austère (que Shakespeare a comparé au pharisaïsme).

    Cette religion du ticket de loto gagnant peut prêter à sourire, sous cette forme américaine un peu stéréotypée. En réalité elle est très proche de l'esprit du capitalisme, et donc très répandue dans le monde occidentalisé où le capitalisme a fait de la Fortune sous diverses formes, religieuses ou séculières, le grand Guide suprême qui plie les existences en deux ou en quatre, suivant le cercle de l'enfer où on évolue.