Je voudrais dire ici, en peu de mots, pourquoi il est logique pour un chrétien de proclamer : "Vive l'euthanasie !"
Tout d'abord il me faut revenir sur le propos grotesque, pour ne pas dire ubuesque, du pape Jean-Paul II, mettant sur le même plan l'avortement et l'euthanasie !? Il traduit l'ignorance radicale des lois de l'économie. L'avortement de masse, pratique typiquement occidentale (industrielle et capitaliste), ne saurait être mis sur le même plan que l'euthanasie : la vie d'un enfant potentiel n'a certainement pas la même valeur économique que celle d'un vieillard agonisant.
Il est important de noter ici le défi lancé par Jean-Paul II à la raison naturelle, c'est-à-dire au bon sens paysan - tout en relevant au passage que le consentement à l'avortement de masse révèle un aspect fondamental du capitalisme : c'est une économie mystique, une "culture de mort". Un chrétien ne saurait se soumettre au capitalisme pour cette raison qu'il est une religion de morts-vivants.
(...)
L'aversion pour l'euthanasie est assez générale en Occident, peut-être plus encore aux Etats-Unis qu'en France, qui fut naguère le pays du "savoir-vivre" (et donc du "savoir-mourir"). On préfère généralement abandonner les vieillards dans des mouroirs, plutôt que de les achever. Les vieillards sont en outre employés à des fins d'expérimentation industrielle, comme les foetus. Cette hypocrisie fait penser à l'hypocrite prohibition de la peine de mort.
En France on s'adonne aux petits plaisirs pervers du capitalisme à travers le filtre de l'Etat ; on découvre soudain le cancer quand le filtre, saturé, n'opère plus ; en effet l'acharnement thérapeutique, c'est-à-dire le bout de la lorgnette par où l'on doit regarder le problème économique de l'euthanasie, cet acharnement n'est possible qu'en raison d'une dépense publique débridée. L'acharnement thérapeutique est bien, comme l'avortement de masse, typique de l'économie capitaliste.
Pour ceux qui n'auraient jamais ouvert les Evangiles : bien sûr la "vie humaine" n'est pas "sacrée" du point de vue évangélique. Jésus-Christ n'a jamais empêché quiconque d'aller en Enfer s'il le souhaite, comme Don Juan. La colère de Jésus-Christ vise ceux qui prêchent de fausses doctrines en son nom, et ceux-là seuls. Il est parfaitement clair que, selon Jésus-Christ, la vie ne vaut pas d'être vécue à l'écart de l'Amour. Jésus n'est pas une machine à distribuer la rédemption !
L'idée que "la vie humaine est sacrée" résonne de façon tellement étrange du point de vue philosophique (jonglerie de paradoxes sartriens mise à part), qu'il est difficile de ne pas rattacher ce slogan à l'éthique capitaliste, et son "humanisme" truqué (les "droits de l'homme" n'ont rien à voir avec l'humanisme historique de la Renaissance, ni même avec les Lumières).
Pour ne pas faire trop long, disons que ce slogan est une idée voisine de l'éloge totalitaire de la "valeur travail" ("Arbeit macht frei"), véhiculée aussi par le communisme et la démocratie-chrétienne.
- Certains approuvent l'avortement de masse (sans forcément connaître ses modalités industrielles), tout en déclarant paradoxalement que "la vie humaine est sacrée" et en militant pour que toutes les nations interdisent la peine capitale.
- Certains s'élèvent contre l'euthanasie, tout en justifiant paradoxalement le combat nationaliste suicidaire, à l'issue et au but incertains, de dizaines de milliers de jeunes soldats Ukrainiens ou Russes, armés par des impôts payés par des chrétiens anabaptistes, catholiques, orthodoxes, etc.
Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d'autres du paradoxe totalitaire, dont G. Orwell a montré qu'il anime les citoyens d'Océania, en quelque sorte voués à la mort, et se berçant de mots en guise d'éthique.