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jacques lambert

  • Théâtre surréaliste

    Petit extrait de la bio de Jacques Lambert, un témoignage déjà cité par Adry de Carbuccia (In : "Du tango à Lili Marlène").

    C'est Céline et Gégène en goguette chez les Boches. Céline et Gen Paul (et le peintre Zuolaga) se sont rendus à l'invitation de Fernand de Brinon à la Délégation générale allemande à Paris afin de rencontrer les diplomates Scheller et Aschenbach (1942).

    "- Trêve de pommade, s'écria brusquement Céline. J'ai fait de l'antisémitisme lorsque c'était mal vu. Maintenant que la chasse aux Juifs est religion d'Etat, vous ne voudriez quand même pas que je passe dans les classiques. Je retire mes billes.

    (...) Le ministre Scheller eut un violent sursaut, le conseiller Aschenbach lui fit signe de patienter, essaya de ramener l'harmonie.

    "- C'est convenu, reprit Céline, je peux dire ce que je veux ?

    A contrecoeur, le ministre fit un signe d'acquiescement. Aschenbach essaya de détourner la hargne de Céline par des amabilités.

    "- Ca va, reprit Céline, pas de bobards entre nous. Dites donc, ça ne marche plus chez vous ? Vous ne seriez pas foutus ?

    Le ministre, qui dégustait un excellent bordeaux, s'étrangla.

    "De quoi parlez-vous, monsieur Céline ?

    - De la défaite, nom de Dieu... Pas des tapineuses du coin... Vous commencez à vous tirer sérieusement... Vous n'allez plus être capables de vous arrêter...

    - Tu vas nous faire mettre en tôle, Louis-Ferdinand, l'interrompit Zuolaga.

    - Il n'en est pas question, protesta Aschenbach, mais nous ne pouvons laisser tenir de tels propos. Les mouvements des armées sont voulus par l'état-major. Bientôt, vous assisterez à une contre-offensive.

    - Récite pas ta note d'orientation, mon pauvre pote, interrompt Céline. Ca ne prend plus.

    (...) La conversation languit pendant le café. Commençant à s'ennuyer ferme au milieu de ces lambris dorés et de ce salon solennel, Céline proposa d'égayer l'assistance à condition, bien sûr, de jouir de la liberté promise. Dépassé, le ministre fait un vague geste.

    "- Vas-y, Gen Paul, fais leur voir ce que tu sais faire.

    Gen Paul sortit de sa poche une petite moustache, la colla sous son nez, rabattit une mèche sur son front et, sans le moindre complexe, se mit à hurler des sons gutturaux. Son imitation était parfaite.

    "- Bravo Gen. Tu n'as jamais été le meilleur, clamait Céline.

    Les diplomates allemands suffoquaient. Brinon restait sans voix. Zuolaga s'empressa de pousser ses amis vers la sortie.

    "- Je n'ai nulle envie, dit-il en guise d'adieu, d'aller coucher au Cherche-Midi."

     A cent lieues de Sartre qui intriguait pour que ses pièces soient agréées par les autorités allemandes... Et, question surréalisme, Céline se pose un peu là ! Il fait passer tous les "Dadas" & Co pour des boutiquiers, des détaillants de farces et attrapes à côté.