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  • Lire Lénine en 2025 (1)

    Je lis Lénine pour le besoin de la cause des Gilets jaunes ; Lénine et Orwell sont sans doute les deux plus grands hommes politiques du XXe siècle. Tous les autres n'en ont que les apparences ; tous les autres sont en réalité des "hommes d'Etat", c'est-à-dire des cornacs plus ou moins habiles à mener l'éléphant, qui finissent souvent écrasés sous la bête comme A. Hitler ; l'Histoire n'en gardera trace que comme "phénomènes".

    Orwell explique le risque que représente l'Histoire de faire chuter l'éléphant ("Mon Reich de mille ans pour un éléphant !", aurait crié Hitler avant de se suicider avec sa secrétaire). Le ministère de la Vérité travaille 24h/24 a écrire et réécrire le roman national.

    Quelque décennies séparent Lénine d'Orwell, ainsi que l'échec de la révolution bolchévique à mettre fin à "la dictature de la bourgeoisie". Lénine indique que toute la bourgeoisie n'a pas intérêt au dispositif dictatorial imposé par la très grande bourgeoisie (on parlerait aujourd'hui de bourgeoisie "oligarchique"). La très grande bourgeoisie a aussi la capacité financière, observe Lénine, d'acheter une partie du prolétariat. C'est ce qu'elle a fait en France entre 1950 et aujourd'hui, en achetant les grandes centrales syndicales ; les Gilets jaunes ne sont pas dupes de cette mystification, ce qui explique en partie leur grève générale, débordant non seulement les partis inféodés à la Commission allemande, mais aussi les syndicats, démasqués.

    En parlant de l'échec de la révolution léniniste, on doit immédiatement ajouter que la révolution française de 1789 échoua précédemment à instaurer les idéaux républicains dont elle se réclamait. Staline était "communiste" comme Napoléon Ier fut "républicain".

    Mais on doit aussi -et surtout- parler de l'échec du processus démocratique aux Etats-Unis, tel que Tocqueville l'appelait de ses voeux. La guerre civile dite "de Sécession" a très tôt sonné le glas de l'espoir démocratique libéral tel qu'il est formulé par Tocqueville. Autrement dit, les Etats-Unis ne sont pas plus "démocratiques" que le régime de Staline ne l'est.

    G. Orwell était conscient de l'équivalence de ces échecs. "1984" est par conséquent aussi subversif en 2025 que le léninisme en 1905.

    Les Gilets jaunes "constituants" sont des Gilets jaunes "libéraux" (au sens de Tocqueville) : la lecture de Lénine ou Orwell les informerait utilement de l'inconvénient majeur de "De la Démocratie en Amérique" ; si Tocqueville ne donne pas prise au gouvernement oligarchique (réputé intolérable depuis l'Antiquité), pour autant son essai n'est d'aucun secours pour comprendre la mécanique oligarchique, par exemple le détournement de la science à des fins d'oppression par la bourgeoisie oligarchique. Lénine était beaucoup plus conscient que T. que la très haute bourgeoisie ne reculerait devant aucun moyen pour garantir sa position dominante.

    Lénine se posa en 1917 la même question que les Gilets jaunes et Donald Trump se posent cent ans plus tard : - comment démanteler un Etat profond ? La tâche de Lénine et des bolchéviks était ardue ! En effet, lorsque Lénine évoque l'Etat profond, il ne parle pas tant de la monarchie russe que de l'Etat prussien qui domine alors l'Europe. Lénine n'ignorait pas que la monarchie russe devait à sa propre bêtise et à la fragilité de sa structure, surtout militaire, de s'être effondrée sur elle-même. La monarchie russe était bien plus inadaptée que n'importe quelle autre à l'essor du capitalisme. L'Etat profond est donc, aux yeux de Lénine en 1917, l'Etat allemand.

    Le contexte de l'insurrection des Gilets jaunes est aussi un contexte de gouvernement de l'Union européenne par l'oligarchie allemande ; la constitution gaulliste dictatoriale de 1958 n'est plus qu'une illusion ; elle s'est effondrée sur elle-même, comme la monarchie russe. Les oligarques français se tamponnent de la constitution gaulliste comme de l'An 40, ou comme ils se tamponneraient d'une VIe République. Emmanuel Macron est un PDG, un président japonais, qui applique à la France une politique de redressement économique inefficace. Le rendre responsable de la situation serait, de la part des Gilets jaunes, ignorer leur propre responsabilité politique historique. On ne règle pas le problème du naufrage du "Titanic" en balançant le capitaine par-dessus bord.

    Comment démanteler l'Etat profond ? Il n'y a pas de réponse constitutionnelle à ça, mais seulement une réponse politique imparfaite. E. Macron lui-même avait peut-être des velléités de démanteler l'Etat profond, avant de se retrancher derrière ses piliers : la police, l'Education nationale, les grandes centrales syndicales et l'industrie nucléaire (on oublie parfois que le monopole de l'Etat sur la fourniture d'énergie est l'un des principaux atouts de l'Etat profond - certaines dictatures oligarchiques reposent entièrement sur ce moyen).

    Les constitutions sont toutes "platoniques", c'est-à-dire sans rapport avec la vie politique, comme l'amour platonique se tient à l'écart de la sexualité (on peut déceler dans le constitutionnalisme de Tocqueville son puritanisme). Ce qui plaît tant aux femmes dans les régimes totalitaires - ça c'est Orwell qui le fait remarquer -, c'est leur apparente pureté. La République de Platon est nulle et non avenue, car c'est une République entièrement faite de mots et de concepts. Platon est un anarchiste qui s'ignore.

    Donald Trump entend démanteler l'Etat profond, tout en restaurant la prospérité capitaliste : cela s'appelle scier la branche sur laquelle on est assis, car la domination de l'empire américain sur le monde n'aurait jamais eu lieu si F.D. Roosevelt (le Goebbels étatsunien) n'avait suscité un Etat profond aux Etats-Unis.

    L'échec des Soviets n'est pas si loin, car ils ont essayé de démanteler l'Etat bourgeois profond, tout en faisant la guerre. La dictature du prolétariat, qui est une dictature défensive, a été entraînée dans l'engrenage de la guerre. Pratiquement la seconde guerre mondiale a eu pour effet de convertir l'Union soviétique au capitalisme et pour effet de convertir les Etats-Unis au dirigisme d'Etat.

    La chance des Gilets jaunes (que les manifestants de "Mai 68" n'ont pas eue, et dont F. Mitterrand et ses partisans n'ont pas su profiter), est d'avoir vu une brèche s'ouvrir dans l'Etat profond. L'oligarchie a dépensé mille milliards au bas mot pour colmater cette brèche depuis 2018. Les actionnaires de l'Etat profond, au sens large, ne savent rien faire d'autre que cornaquer l'éléphant. Les Gilets jaunes ne peuvent que compter sur eux-mêmes, comme Lénine et ses partisans.

  • L'euthanasie, une "rupture anthropologique" ?

    On peut poser le principe que toute réforme "sociétale", depuis la fin de la Seconde mondiale, est AVANT TOUT un moyen pour l'Etat profond de faire diversion et de susciter des polémiques médiatiques à l'échelle nationale. La réforme sociétale dissimule l'absence de réforme politique. L'Etat profond se heurte en 2018 au mouvement historique des Gilets jaunes, dix ans après une crise financière mondiale qui a révélé que le "Titanic" était piloté par des incapables, et que la "méritocratie" française est une illusion dangereuse. La méritocratie française fait penser à la marine de guerre française, totalement imbue d'elle-même, alors qu'elle a pour seule fonction d'être une publicité pour la construction navale.

    Quand fut promulguée la loi Simone Veil dépénalisant l'avortement en 1975, la société civile française y était préparée, selon le témoignage ultérieur de S. Veil ; elle s'attendait à une vigoureuse opposition, en particulier des autorités religieuses catholique, protestante, juive... mais ne rencontra aucune opposition, à sa grande surprise.

    Selon K. Marx, l'économie capitaliste façonne les moeurs : c'en est fini du patriarcat et du "jus naturalis" en France dès 1850, en dépit des apparences. Les réformes sociétales ne font donc qu'entériner et refléter l'évolution de la société de consommation. Le lobby gay ? Une association de consommateurs avant tout, qui réclament des droits équivalents à ceux des autres citoyens-consommateurs. Si le mobile social principal est la consommation, pourquoi le mode de vie "gay" serait-il marginalisé, alors que le pouvoir d'achat des homosexuels n'est pas inférieur à la moyenne ?

    Parler de "rupture anthropologique" dans le contexte capitaliste n'a pas beaucoup de sens.

    La mythomanie du "combat pour l'avortement" fut donc démentie par celle-là même qui incarne ce combat à titre posthume, et qui a témoigné que ce combat n'avait pas eu lieu. Il est probable que S. Veil n'aurait pas admis la revendication de certaines féministes, un demi-siècle plus tard, de la "propriété de leur corps" : on se situe ici au niveau du délire anthropologique : sans Etat technocratique, pas d'avortement à l'échelle industrielle. L'intention claire de S. Veil était de réduire le nombre des avortements et non de faire passer l'avortement et le commerce d'enfants à naître dans les moeurs.

    L'échec de la loi Veil au regard des intentions du législateur illustre que la société de consommation est la modalité du contrôle des moeurs par l'Etat profond  ; ce que Aldous Huxley décrit précisément en 1932, empêchant ainsi de voir dans les réformes sociétales une rupture anthropologique.

    Le lien entre l'avortement de masse et l'euthanasie est, bien sûr, la technocratie. Le système technocratique ne rencontre plus en France de résistance consistante depuis 1900 - ce qui n'empêche pas tel ou tel groupe ou groupuscule social de se soustraire à tel ou tel de ses aspects (la télévision, par ex., interface indispensable entre les élites technocratiques et leurs administrés). Orwell nous montre que Winston Smith s'efforce de reconquérir sa dignité d'homme contre la morale nihiliste de l'Etat profond. Le prestige de Big Brother exige l'humiliation de chaque citoyen d'Océania. Les Gilets jaunes ont dit "stop" à l'humiliation.

    La résistance consciente à l'Etat profond aux Etats-Unis, de la part d'une minorité active de la population (grosso modo les sectes évangéliques), s'explique par la constitution tardive de l'Etat profond (vers 1940), et sa consolidation encore plus récente.

    De quoi mourraient les vieillards avant l'avènement de la médecine technocratique, qui permet de maintenir en vie artificiellement des personnes dont les organes vitaux ne fonctionnent plus de façon autonome ? Ils mourraient le plus souvent lentement d'anémie, dans les campagnes et même dans les hospices en ville, car nourrir un vieillard incapable de s'alimenter par lui-même est très difficile, voire impossible. Il est probable qu'une âme charitable interrompait parfois cette lente agonie avec les moyens du bord.

    La médecine technocratique, qui permet l'acharnement thérapeutique et le maintien en vie à l'aide de machines, est-elle un progrès ? Dans ce cadre technocratique, les patients sont souvent traités comme des cobayes, sur lesquels les chirurgiens, les cardiologues, les oncologues, les néphrologues, les vaccinologues, etc. se font la main. La rupture anthropologique, en médecine, remonte au moins à 1932, c'est-à-dire la date à laquelle A. Huxley montre l'implication du corps médical technocratique dans le maintien de l'ordre totalitaire.

    Il faut être débile, comme certains parlementaires l'ont fait, pour mettre sur le même plan l'avortement thérapeutique et l'euthanasie. Le capitalisme incite à voir la vie humaine comme un "potentiel" abstrait. Ce potentiel est à la fois relatif (tous les êtres humains n'ont pas le même potentiel) et absolu (même la vie d'un riche vieillard à l'état de légume a de la valeur). On peut dire de l'éthique totalitaire qu'elle est "algébrique".

    Dans le monde paysan traditionnel, la vie d'un enfant à naître est beaucoup plus grande que celle d'un vieillard impotent, voire gâteux, que l'on continue d'entretenir par respect, tout en espérant qu'il ne pèsera pas trop longtemps sur l'économie familiale. Au stade de la société de consommation, du "citoyen-consommateur", la vie d'un vieillard vaut beaucoup plus en moyenne que celle d'un enfant à naître. Même au stade végétatif, l'entretien et le soin des vieillards est un business lucratif, tant que ces vieillards disposent de ressources suffisantes pour payer leur pension.

    Au stade du capitalisme productif, la vie d'une femme vaut celle d'un homme, et la vie d'un Arabe celle d'un Français de souche, du point de vue industriel : leurs forces de travail sont à peu près interchangeables, suivant les secteurs de l'industrie.

    On doit faire remarquer aux parlementaires anarcho-capitalistes, qui prêchent la propriété de la femme sur son corps, qu'il n'y a plus aucune Française dans le milieu de la prostitution "bas de gamme" au XXIe siècle : il n'y a plus que des Asiatiques, des femmes importées des pays de l'Est ou d'Afrique ; les Françaises de souche "propriétaires" de leurs corps font monter les enchères : sans la médecine technocratique à laquelle elles sont abonnées, leur business et leur "propriété" n'existeraient même pas. L'anarcho-capitalisme n'est pas une "rupture anthropologique", mais l'abomination capitaliste dans toute sa splendeur. Revendiquer la propriété sur son corps (sous protection technocratique) revient à encourager le proxénétisme barbare en Afrique ou en Asie. L'anarcho-capitalisme est le sentimentalisme répandu dans le peuple par les élites barbares ; on ne naît pas anarcho-capitaliste, on le devient au contact de la culture de masse.

    Dans les nations capitalistes, la prostitution est sacrée : c'est ici une véritable rupture anthropologique, comparable au fascisme qui, lui, portait aux nues le soldat.