Je ne peux pas m'empêcher de jeter régulièrement un oeil dans l'hebdomadaire "Famille Chrétienne". C'est le dernier organe d'expression de la démocratie chrétienne, une idéologie en voie de liquéfaction. La plupart des démocrates-chrétiens sont devenus des démocrates tout court, des démocrates banals, sauf "Famille chrétienne" et de petits bulletins comme "La Nef", l'"Homme nouveau".
Mais la démocratie chrétienne a joué naguère un rôle historique non négligeable, elle a même eu un homme fort en la personne du général De Gaulle.
On écrira plus tard le tort que la démocratie chrétienne a causé au catholicisme en le compromettant avec le libéralisme et la démocratie. Il y a bien eu au XIXe des écrivains catholiques réactionnaires de talent pour s'opposer à cette trahison, Louis Veuillot et Léon Bloy en tête, et même un pape, Pie IX, mais en définitive ils ont perdu cette bataille, l'appui de la bourgeoisie libérale a permis aux démocrates-chrétiens de triompher.
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J'étais surtout curieux de voir comment "Famille chrétienne" jugerait le cirque de Cécilia et Nicolas Sarkozy, qui ont transformé la politique française en mauvaise pièce de boulevard, ce bovarysme politique, alors que "Famille chrétienne" s'obstine à promouvoir le cadre familial comme le rempart le plus solide contre à la décadence des moeurs modernes, la famille que le Président de la République et sa deuxième épouse ont ridiculisée.
La réaction du rédacteur en chef de l'hebdo, Philippe Oswald, la voici : "La rupture d'avec l'esprit de Mai 68 fut un leitmotiv de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Force est de constater qu'on reste loin du but (...). Car les esprits restent prisonniers de cette révolution libertaire qui érige les désirs et les satisfactions individuelles en norme du bien.
Quel redressement espérer pour notre société, si chacun, jusqu'au sommet de l'Etat, s'enferme dans la recherche du souci de soi et en fait profession publique ? A cette sincérité-là, on préférerait, à tout prendre, cette bonne vieille hypocrisie qui savait, dans son vice, rendre hommage à la vertu."
Assez comique, je trouve, cet hommage du démocrate-chrétien à l'ancien régime. En gros Philippe Oswald s'estime trahi par Sarkozy. Cette blague ! C'est plutôt les lecteurs de "Famille chrétienne", s'ils avaient deux sous de catholicisme, qui devraient se sentir trahis par Oswald et son magazine qui a fait campagne en faveur de Sarkozy.
Et puis il n'y a pas de "révolution libertaire", ni d'"esprit de 68", c'est un mythe complet. Il y a au contraire une continuité du pouvoir et le terme de "manif de consommateurs frustrés" est plus adapté. Cohn-Bendit, un révolutionnaire ? Foutaises !
Alors, une prise de conscience de la part d'Oswald et des démocrates-chrétiens ? Non, car "Famille chrétienne", sur le fond, est une véritable incitation à regarder la télévision, ne cesse de faire l'apologie du cinéma yanki le plus niais, d'Harry Potter, les plus étronimes sottises ; des prêtres psychologues navrants, Tony Anatrella par exemple, dispensent leurs conseils "zen" à deux balles sous couvert de "modernité"... Bref "Famille chrétienne" dégouline d'existentialisme chrétien. Et Oswald prétend faire de la politique ?? Toute l'hypocrisie démocrate-chrétienne est contenue dans cet édito d'Oswald ("Famille chrétienne", 27 oct.-2 nov.).