Le sentimentalisme est le trait de caractère par lequel l'homme s'abaisse au-dessous de l'animal et court à sa perte.
En effet, tandis que l'amour libère, les sentiments aliènent. Tandis qu'un individu intelligent ne souffre pas d'être gouverné, les personnes sentimentales, au contraire, requièrent un garde-fou, un chef qui les rassure, des élections aussi inutiles et somptuaires soient-elles, une perspective, une identité, un avenir, bref : tout le fatras religieux.
Il n'y a pas de complot totalitaire nazi, soviétique, libéral ou autre, au sens où, étymologiquement, la politique est un complot, dont Shakespeare a montré qu'il s'achève nécessairement en drame pour ses acteurs. Mais il y a des stigmates du totalitarisme, et le sentimentalisme en est un.
Disons en quoi le sentimentalisme est lié, paradoxalement, à la doctrine du surhomme de Nitche. Pourquoi les super-héros nitchéens (tous superflics) émeuvent les gonzesses.
Non pas pour s'acharner sur le cadavre de Nitche, mêlé depuis longtemps à la poussière de ses aïeux hyperboréens, mais parce que la doctrine du surhomme est la plus susceptible de s'insinuer comme un poison dans le coeur d'un adolescent.
En somme la doctrine du surhomme joue le rôle des anciennes croisades, prônée par un clergé non moins satanique que Nitche auprès des jeunes gens pour se débarrasser de leur encombrante présence, contraire à la prospérité bourgeoise.
Le lien entre Nitche et le sentimentalisme (ou la brute, dont le fétichisme traduit bien le sentimentalisme) est dans cette idée, développée par Nitche, de "morale pure". Pour la mieux comprendre, on peut la traduire par l'"idéal social". Tandis que les vieillards ont appris à s'accommoder d'un épicurisme tranquille, les jeunes gens savent rarement se satisfaire d'une société dépourvue d'idéal ; ils tombent donc facilement dans la religion, qui exerce sur eux une fascination équivalente à celle des drogues.
On pourra trouver dans tous les comportements sociaux qui ne participent pas directement de la vie économique ou pratique, des exemples de "morale pure". Divertissements, sentiments, carnavals républicains, "droits de l'homme", etc.
Ainsi la sublimation des moeurs conduit-elle au sentimentalisme, dans le cas des jeunes filles et des hommes efféminés (comme on peut en voir dans la publicité, -art ô combien nitchéen-, déclarer leur flamme à telle donzelle, parce qu'elle porte telle marque de serviette hygiénique plus souple).
Comment Nitche a-t-il pu passer à côté du fait que l'Eglise romaine, en christianisant le mariage païen, a oeuvré avant lui bien plus efficacement dans le sens de la morale pure, faisant d'une institution civile, gouvernée par le régime de la propriété (se métamorphosant au gré des mutations du droit de propriété), un idéal, contre la dissuasion du Christ de voir dans le mariage un remède possible au mal ?
Nitche se retrouve ainsi plus près des moines capucins imbéciles que de Shakespeare, accusant ceux-ci d'avoir contribué à la folie furieuse sentimentale de Roméo et de Juliette.
Bien sûr le grand théologien anglais, dont l'esprit plane sur l'inconscient de l'Occident moderne, n'ignore pas que la trahison du Christ au nom de la morale de ces capucins est loin d'être la première.
La morale pure conduit à la violence et à la brutalité plutôt qu'à la rêverie et au sentimentalisme dans quelques cas virils plus rares. Sade est une sorte de Nitche doté d'énergie sexuelle, conscient qu'en matière de bonheur ou de vie heureuse, chaque personne, chaque peuple est parfaitement légitime de voir midi à sa porte. Il n'y a rien de plus personnel que le plaisir ou le bonheur. Pour quoi, pour qui l'entraverait-on ? Ces cas sont plus rares, passent souvent par la manipulation ou l'argent, moyens de possession plus discrets ; mais cela ne doit pas occulter l'aisance des personnes sentimentales à se métamorphoser en brutes, sous l'effet d'un aiguillon quelconque, comme la morale et la politique savent en inventer cent. Croisade et amour courtois sont liés. Seul le tartuffe prônera l'un et pas l'autre. Homère et Shakespeare nous font voir qu'Achille et Ajax, dans le fond, sont des niais.
Nitche ne propose pas de surmonter la pitoyable trivialité réelle de la morale bourgeoise, comme le christianisme, Shakespeare ou Marx, mais de la fuir. Voie sans issue.
On peut d'ailleurs observer que, si le capitalisme n'accomplit jamais le bonheur terrestre, il ne peut se passer de le promettre sans cesse ; et qu'il compte pour faire cette promesse sur des moralistes imbéciles tels que Nitche.
Commentaires
Dans les notions de perspective et d'avenir, est caché le refus de la "fatalité" divine. Les "bonheurs" n'accouchent que de l'arrogance et la prétention grotesque d'être sauveur, créateur, et ainsi se survivre à soi-même. Quant à ceux songeant au destin de rédempteur, ils pêchent par le même aveuglement, promeneurs obnubilés par leur mirage glorieux. En témoigne la sécularisation de la science qui, d'outil de compréhension du monde, devint une fin en soi.
"En effet, tandis que l'amour libère, les sentiments aliènent."
Là où la drague (donc un sentimentalisme caché et une affirmation de soi) est efficace à long terme (donc à grande échelle), l'amour ne s'en accommode pas; puisque étant incapable de tricher. D'ailleurs, même les animaux savent draguer et parader. L'amour libère par son opposition au calcul égoïste, le couple d'amour se distingue d'ailleurs souvent du couple d'intérêt (peur de la solitude, attirance mimétique, désir de normalité au regard de l'anormalité du célibat, attirance au regard de l'originalité d'un protagoniste) par son rapport au monde, moins grégaire.
Correction : "même les animaux ect..." sans "d'ailleurs" devant.
- Nitche accepte au contraire l'idée de "fatalité divine" et affirme ainsi une conception à la fois anticlassique, antichrétienne et antimarxiste.
- Votre défense de la "fatalité divine" vient sans doute de l'islam, macp ? Vous devriez observer à quel point cette idée fait les affaires du clergé, qui se retrouve en position d'être seul à détenir les clefs de cet énigmatique "hasard". Insinuée dans le christianisme, l'idée de hasard a donné les plus baroques hypothèses, parfaitement discordantes avec la lettre et l'esprit évangélique : la prédestination (janséniste ou protestante), la définition de dieu par Pascal comme un... point. Par le biais du hasard, le christianisme est devenu au XVIIe siècle la religion des pharaons.
- Je connais assez mal l'islam ou les islams, mais je crois y déceler l'influence délétère de Platon, et à travers celui-ci de Pythagore. Afin d'imposer leur conception mécaniste du cosmos, Pythagore est d'un grand service aux barbares horlogers et techniciens pour conduire le monde droit en enfer.
Le "couple d'amour" est une invention moderne aussi puérile et trompeuse que "l'égalité républicaine" (deux utopies qui possèdent un arrière-plan patrimonial dissimulé).
C'est tout le mérite de Shakespeare de souligner la part de responsabilité du clergé catholique dans cette funeste invention.
Maintenant si vous me montrez des couples d'amoureux vivant d'amour et d'eau fraîche, je changerai sans doute d'avis.
La bourgeoise capitaliste moderne a autant intérêt au "couple d'amour" que la femme musulmane a intérêt au tchador.
J'ai trop vu de jeunes types qui auraient fait de bons combattants spirituels s'enliser dans le "mariage d'amour" et y perdre toute virilité, macp, pour abonder dans votre sens. Ou bien voyez Luther AVANT son mariage, et le type qu'il est devenu APRES.
Mais pourquoi bon dieu a-t-il créé la femme? Il vit que l`homme était seul et que ça n`était pas bon, alors? suite a la seconde alliance et la venue du Christ, il y eut Marie qui écoute et Marthe qui brasse, et la femme adultère (Marie Madeleine?) que Jésus lâche avec la seule recommandation de ne plus pécher. Serait-ce dans le but de nous montrer le cote délétère des sentiments? La pitié n`est-elle pas un sentiment qui peut mener a la révélation? Faut-il comprendre que c`est le culte des sentiments qui mène a la catastrophe et non pas les sentiments eux-mêmes quand ils sont guides par un cœur pur et un esprit lucide?
Un pasteur protestant fait scandale aux Etats-Unis en déclarant que le créateur est Satan ; aux réactions des juifs indignés, il rétorque que le créateur est Satan selon l'Ancien Testament lui-même. Il est vrai que l'Ancien Testament emploie différents vocables pour signifier le nom de Dieu.
C'est la résurgence d'une ancienne théologie jadis popularisée en Europe par les Albigeois ou Bogomiles, dits "cathares".
Le chanoine Crampon, commentateur assez prudent et avisé de la Bible, pas le genre comme Jean-Paul II à bêtifier sur le mariage dans un élan de ferveur paysanne, osant le comparer au mystère du mariage du Christ et de l'Eglise, ce chanoine signale ce problème de la traduction du nom de Dieu dans la Genèse.
L'occultation de Satan est d'ailleurs un trait constant de la culture paysanne, ou bien la béatification de la Nature (cf. Hitler et Nitche récemment) ; or le catholicisme romain aujourd'hui se résume à un sentiment de nostalgie de l'Ancien régime paysan.
Toutes ces raisons incitent à étudier la question du créateur-démiurge de plus près.
- Lapin, je ne suis pas musulman, et le fait même que vous le pensiez me fait sourire (c'est d'ailleurs la deuxième fois). Je vous rassure, je ne suis pas en train de balbutier "Inch Allah" après chaque coup dur.
La "fatalité" divine que j'avais placé entre guillemets pensant que vous me liriez avec évidence, s'entendait par l'existence probante de Dieu, existence qui n'échappe pas aux évolutionnistes béats mais qu'ils nient tout simplement, sous le poids de l'arrogance du savoir cumulé. Lisez des types, qui après avoir assistés à des colloques sur la bio ingénierie, avaient l'impression de sortir d'un asile d'aliénés où des chercheurs annoncent la création d'un nouvel humain, en prenant l'air inspiré d'un raëlien. Intéressez-vous à d'anciens de la commission interministérielle contre les sectes, qui claquèrent la porte après avoir entendu qu'il faille, je cite, "trouver le moyen scientifique d'ôter l'idée même de Dieu du cerveau humain". Devant pareil délire, vous comprendrez mieux combien, pour ce genre de dangereux gugusses (voyez ce que fit Nietzche sans fric et sans pouvoir alors imaginez les mêmes avec leurs bailleurs de fonds), la fatalité divine (sans guillemets cette fois) c'est à dire l'existence à leurs yeux d'un créateur, est insupportable. Je ne crois pas au hasard Lapin, je crois au libre-arbitre et à la finalité de l'apocalypse.
Quant à voir dans la fatalité une complice des hiérarques, je dirais qu'ils s'accommodent de tout. Les guerres ou "l'esprit d'entreprise", si chers aux pharisiens de toutes religions en étant le parfait contre-exemple.
- Je ne vous ai jamais dit que le mariage était uniquement acte d'amour. L'amour est la capacité même d'aimer. Le mariage est, dans la plupart des cas, une accession grégaire à l'usufruit de l'autre. La bourgeoise (état d'esprit qui colonise bien au delà du simple positionnement social) est bien évidement incapable d'amour, puisque recherchant avant tout une bonne copine comme partenaire, donc une fiotte (fiotte intégrale ou fiotte virile). Comme l'état d'esprit bourgeois tend à coloniser tout ou presque des âmes, de mariage d'amour Lapin, il n'y a plus ou peu, bien que la trouille de la solitude donne à cette forme d'union une vigueur statistique; rassurez-vous.
"Maintenant si vous me montrez des couples d'amoureux vivant d'amour et d'eau fraîche, je changerai sans doute d'avis." ??
@Fodio :"Faut-il comprendre que c`est le culte des sentiments qui mène a la catastrophe et non pas les sentiments eux-mêmes quand ils sont guides par un cœur pur et un esprit lucide?"
Rien à redire.
- Le coït est une nécessité, pas l'amour.
- On peut tout démontrer et son contraire à l'aide des mathématiques, que l'homme descend de l'amibe ou qu'il y retourne.
Je vois que nous sommes à peu près d'accord, macp, inch Allah ! (J'ignore pourquoi je vous colle cette étiquette, si ça se trouve vous n'êtes même pas du Sud de la Loire.)