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Lapinos

  • Notre-Dame ou la putain universelle

    "Puis l'un des sept anges qui portaient les sept coupes vint me parler en ces termes : "Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur les grandes eaux, avec laquelle les rois de la terre se sont souillés, et qui a enivré les habitants de la terre du vin de son impudicité." Et il me transporta en esprit dans un désert." (Apocalypse XVII, 1-3)

    Les chrétiens du monde entier ont assisté à une cérémonie étonnante le samedi 7 décembre 2024 dans la cathédrale gothiqueputain universelle,or,notre-dame,paris,apocalypse,jean,patmos,grande prostituée,babylone,ishtar Notre-Dame de Paris restaurée, cérémonie animée par le chef de l'Etat Emmanuel Macron et suivie par la reprise du culte catholique (mystagogie platonicienne).

    Emmanuel Macron s'inscrit dans une longue tradition française ésotérique de confusion entre le pouvoir politique temporel et la religion, tradition qu'il a lui-même mentionnée dans son discours. Les tenants de la République laïque peuvent être surpris par une telle cérémonie : ils méconnaissent l'histoire de la République et le maintien de cette tradition ésotérique par les républiques successives.

    Cet ésotérisme ou ce culte identitaire prêché par E. Macron a, bien sûr, du point de vue de la Foi chrétienne, un parfum de satanisme. Il n'y a pas de pire péché pour un chrétien que le détournement de la parole divine à des fins temporelles.

    On peut voir dans l'Evangile que les Romains (païens) ne comprennent pas la signification spirituelle du "royaume du Christ", qui n'est pas temporelle et théocratique. Les Romains prennent donc le Christ pour un illuminé. Je lisais récemment sous la plume d'un représentant de la démocratie-chrétienne française que "Jésus-Christ a fondé la laïcité" en refusant de cautionner la théocratie romaine. C'est oublier un peu vite que la démocratie-chrétienne restaure cette théocratie à travers le culte des droits de l'Homme et du suffrage universel, équivalent moderne du "droit divin" romain.

    L'Empire romain était conçu pour durer éternellement ; la démocratie-chrétienne s'efforce de le prolonger.

    On peut se demander si la trahison de Judas Iscariote n'est pas due à une déception : la déception que Jésus-Christ, considéré comme le  Messie annoncé par les prophètes, ne restaure pas la souveraineté temporelle d'Israël ; dans ce cas Judas était un "Juif charnel", c'est-à-dire un Juif identitaire. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que les onze autres apôtres ne comprennent pas non plus le dessein spirituel de Jésus. Il se contentent de suivre le Messie comme des enfants.

    L'idéologie démocrate-chrétienne est discrètement impérialiste ; elle maintient, derrière les références au christianisme de ses dirigeants, une idéologie politique et des valeurs romaines typiquement providentialistes, concrétisées par la puissance financière du Capital. Le dollar est le véritable dieu des démocrates-chrétiens. E. Macron a fait une discrète allusion à cette spiritualité truquée. Rome n'est plus, mais l'idéologie romaine persiste à travers la démocratie-chrétienne.

    Ce qui est nouveau dans la cérémonie de Notre-Dame, c'est l'échelle mondiale de celle-ci. Les journaux les moins chrétiens, battant le rappel des fidèles, présentent d'ailleurs cette cérémonie de réouverture comme un culte sollicitant une ferveur mondiale, pas très éloignée de celle des Jeux olympiques.

    La connotation chrétienne étonne certains Français laïcs ou athées, mais le nazisme laïc a été vaincu par le communisme laïc au XXe siècle, qui a lui-même été dominé par la démocratie-chrétienne laïque ensuite. Il n'y a rien d'étonnant à ce que la démocratie-chrétienne, qui domine actuellement le monde, impose sa marque et son style politico-religieux.

    La présence de nombreux chefs d'Etat démocratiquement élus est à rapprocher du symbole des "grandes eaux, avec lesquelles les rois de la terre se sont souillés".

    L'évêque de Rome le pape François n'a pas souhaité se joindre directement à la cérémonie ; on peut penser que le contexte de guerres violentes entre certaines nations occidentales et des pays en voie de développement plus pauvres, où son Eglise compte de nombreux fidèles, l'a dissuadé de s'afficher aux côtés de potentats perçus comme des oppresseurs dans ces pays opprimés. Le pontife romain est lui-même né dans une nation asservie par le dieu Dollar. L'évêque de Rome est pris au piège de la mondialisation démocrate-chrétienne, qui s'avère être un régime d'oppression à l'échelle mondiale.

    Le procédé d'asservissement capitaliste, bien que les dirigeants capitalistes préfèrent parler "d'employés", est d'ailleurs celui de la prostitution. Karl Marx, qui arracha leurs masques aux dirigeants européens à la veille de la guerre civile européenne, qualifiait à bon droit le capitalisme de "règne de la putain universelle".

    Parler de "valeur travail" revient à poser l'équation du travail et de la prostitution, et l'on peut même dire que le capitalisme a rétabli une forme de prostitution sacrée en Occident, de "culture de vie" païenne.

    La prostituée décrite dans l'Apocalypse aux versets suivants du même chapitre (3-6) est une déesse babylonienne, revêtue d'une apparence chrétienne. Ce camouflage provoque la surprise de l'apôtre visionnaire. De fait, Notre-Dame de Paris passe pour "un temple chrétien" ; ce qui saute d'abord aux yeux, c'est le caractère somptuaire de cet édifice.

    La prostituée de la prophétie évoque Ishtar, divinité babylonienne majeure, qui est à peu près la Vénus des Romains, avec de surcroît des attributs martiaux.

    Le symbolisme des sept têtes, des sept montagnes, des sept rois et des dix cornes est politique : il nous permet de situer le règne de la prostituée dans le temps qui précède la fin du monde sous l'emprise de Satan. Une prostituée passant aux yeux du monde pour "chrétienne" évoque forcément le capitalisme (démasqué par Shakespeare dès le début du XVIIe siècle).

    La prophétie dit en effet que cinq rois, c'est-à-dire cinq empires, sont déjà tombés au temps de la vision, et qu'il y en aura un, bref, suivant la déchéance de la prostituée. Nous vivons actuellement, depuis le début du Moyen-Âge, au temps du sixième empire.

    "Et les dix cornes que tu as vues sur la bête haïront elles-mêmes la prostituée ; elles la rendront désolée et nue ; elles mangeront ses chairs et la consumeront par le feu." (XVII, 16)

    Le règne de la prostituée n'est donc pas ultime ; ici j'émets l'hypothèse de la chute de l'Occident démocrate-chrétien satanique derrière le symbole du "retour de la bête de la terre". J'avoue être influencé par le constat de la haine de Jésus-Christ que la prostituée et les potentats qui la vénèrent inspirent dans le tiers-monde, en raison de leur barbarie et leur sournoiserie (le piège diabolique des droits de l'Homme). Les démagogues nazis et communistes n'ont pas eu de mal à provoquer la haine des peuples opprimés contre les banquiers occidentaux, juifs, les riches koulaks faisant usage du message évangélique à des fins esclavagistes.

    Cette barbarie moderne stimule la naissance et le développement de cultes fanatiques ouvertement néo-païens, dont on peut considérer F. Nietzsche comme le précurseur (en Europe). On voit d'ailleurs que le vernis chrétien des élites politiques démocrates-chrétiennes est très superficiel.

    Au sein de la marée humaine, obéissant souvent à des mouvements instinctifs (aucun régime politique dans l'histoire de l'humanité n'a été doté de moyens de propagande aussi sophistiqués et aussi fascinants que ceux dont dispose la démocratie dite "chrétienne"), les "fidèles" sont assurés par le messager de Dieu de la "victoire finale de l'Agneau". La Foi est leur seule arme, qui leur sert à la fois à se prémunir des séductions de la prostitution et des faux sermons identitaires chrétiens.

    L'Apocalypse délivre un message d'espérance aux chrétiens fidèles à la fin des Temps, afin qu'ils ne se tournent pas vers le Veau d'or comme le peuple hébreu apeuré fit dans le désert, en l'absence de Moïse.

    Illustration : représentation de la prostituée de l'apocalypse, image de l'Eglise chétienne infidèle, telle qu'elle est décrite au chapitre XVII de l'Apocalypse, par l'artiste-peintre allemand Hans Burgkmaier (actif au début du XVIe siècle). La vision comporte une représentation alternative complémentaire de l'Eglise fidèle au Christ, une femme à la tête couronnée de douze étoiles.

  • L'Etre et le Néant

    Comme un ami s'étonnait récemment de mon franc mépris pour la philosophie allemande de Jean-Paul Sartre, je lui répondis que cette philosophie étant diamétralement opposée de celle de Shakespeare, mon mépris était inévitable.

    La philosophie réactionnaire trouve quelques éléments qui la confortent dans le théâtre à vocation universelle de Shakespeare. La philosophie moderne, aucun. Les talibans sont plus modernes que Shakespeare. Le théâtre de Shakespeare procède impitoyablement au massacre des philosophes modernes, comme si Shakespeare avait prévu le nombre infini de leurs victimes.

    L'entreprise de censure "cryptocatholique" de J.-P. Sartre se limite à dénigrer une poésie hérétique française (Baudelaire, Flaubert...) car le rayonnement de Shakespeare est très faible en France ; on sabotera Molière beaucoup plus utilement (on peut s'amuser à regarder les mises en scène françaises du théâtre de Shakespeare comme un sabotage systématique, le plus souvent inconscient. Je ne suis pas certain qu'Anouilh ait fait exprès d'amputer "La Nuit des Rois" des scènes qui permettent de comprendre que Shakespeare n'est pas Marivaux).

    Le détournement de Shakespeare par Victor Hugo et Paul Claudel me paraît plus malin ou intentionnel. Victor Hugo est le prototype de celui qui n'aime rien parce qu'il aime tout. Le rapport de Victor Hugo à la littérature et à l'art est le même que son rapport aux femmes, il est pantagruélique.

    Dès les premières pièces, Shakespeare désacralise la littérature et la culture, sapant ainsi complètement la modernité. C'est ce qui a plu à Nietzsche, et pourquoi il a cru être Shakespeare réincarné pendant un certain temps... avant de déchanter car "L'Eternel retour" n'est qu'une philosophie de bonne femme selon le "grand Will". Si la philosophie réactionnaire plaît tant aux femmes, c'est parce qu'elles savent bien qu'elles l'ont inventée.

    Shakespeare montre que l'Amour et l'Argent sont les deux agents principaux de décomposition du corps social. Courir après l'Argent, c'est courir après le Néant. Cela explique, par exemple, pourquoi des personnes multimillionnaires, ont la sensation au soir de leur vie d'avoir gâché leur existence et que leur fortune ne s'oppose pas aux Néant ; on peut les voir s'adonner alors à des activités encore plus puériles, comme courir après l'Amour ou entamer une collection de timbres, aller visiter la lune en fusée.

    Il me semble que c'était mon état d'esprit quand j'étais au collège, et que j'avais effectivement l'impression de me mouvoir au ras du Néant, comme le marin sur son bateau. Par chance j'ai pu découvrir assez tôt dans ma vie -expérimentalement- que le marin aspire au Néant, c'est-à-dire à disparaître de la surface de la terre sans laisser de traces - j'explique de cette façon que la culture japonaise soit une culture de mort et que les Japonais se soient convertis aussi facilement à la barbarie occidentale moderne.

    C'est, à peine quelques années plus tard, en observant que toutes les lycéennes alphabétisées de mon lycée lisaient Sartre (un vrai piège à filles), que je me suis demandé : - Qu'est-ce qu'elles peuvent bien trouver à ce machin allemand ? Et alors j'ai lu Sartre. J'ignorais qu'il était laid et qu'il avait trouvé le moyen d'y suppléer en jonglant avec les mots, comme font la plupart des pasteurs en chaire le dimanche pour le plus grand bonheur des dames, suivant une observation déjà ancienne (de La Bruyère).

    L'Amour et l'Argent, porte-parole du Néant, sont de très vieux démons : la philosophie antique les avait déjà vaincus, dira-t-on. Ce n'est pas si sûr ; il n'est pas certain que l'Antiquité avait compris Homère et la victoire d'Ulysse sur "la bête de la terre", comme les disciples d'Homère les plus sagaces comprennent son "Iliade" et son "Odyssée" aujourd'hui.

    D'autre part Shakespeare montre comment la bourgeoisie et la philosophie moderne font du Néant, ce à quoi l'Antiquité n'avait pas pensé, un usage politique, de telle sorte qu'on peut comparer la philosophie moderne avec "un livre des Morts".

    Je me demande si Karl Marx avait saisi la monstruosité de la bourgeoisie moderne dans toute son étendue ? La charogne n'est pas seulement "belle", selon le mot de Baudelaire (qui en dit un peu trop au goût du censeur Sartre), c'est le plat quotidien du charognard moderne, dont il se repaît jusqu'à dévorer ses propres enfants en cas de disette.

  • Pourquoi le sionisme est un satanisme

    Le sionisme est un satanisme pour la même raison que la démocratie-chrétienne l'est. La démocratie-chrétienne est un satanisme car elle fait passer ses ambitions et ses calculs avant le royaume de Dieu. Elle renouvelle la faute de Simon-Pierre, qui se voit avec ses frères à la droite de Jésus-Christ, régnant sur un royaume qui n'est pas celui que le Christ annonce. Le sionisme n'est qu'un accessoire de la démocratie-chrétienne.

    Voyez l'hypocrisie des démocrates-chrétiens : ils condamnent les croisades ; a posteriori, ils disent : nous n'avons rien à voir avec cette entreprise infâme, guidée par l'esprit de conquête et qui transformait la Foi en prétexte fallacieux. Et, à la première occasion, ils vont chercher dans les évangiles des justifications à leurs crimes odieux, perpétrés d'une manière qui peut choquer des assassins de métier (je ne parle pas de soldats mais de types qui perçoivent le prix du sang pour salaire). Ils se déclarent popriétaires de la "Terre sainte" ou garants de cette propriété au nom de la Bible !

    Je pense en particulier aux Américains et leur couplet sur la Rome satanique, mère de toutes les impudicités ; leur couplet sur la vieille Europe qui a engendré Hitler, le communisme, etc. A leur tour ils se sont lancés dans une croisade odieuse, une "purification ethnique" d'une barbarie extraordinaire - pour reprendre le terme qu'ils emploient à propos de l'Allemagne nazie. Ils se croyaient plus forts que Satan, les voilà tous possédés ou presque.

    Il ne fait pas de doute que certains Américains sont consternés et horrifiés par la vengeance d'Israël, dotée des armes américaines, et dirigée par un soldat qui semble se prendre pour le Messie.

    Il reste que la nation américaine entière est compromise, et la Foi chrétienne une fois de plus traînée dans la boue. Simone Weil, qui voyait dans la condamnation à mort de Jésus-Christ par la foule, excitée par les pharisiens, la première expression du suffrage universel, ne se trompait pas !

  • La Guerre (mondiale) des Sexes

    Il n'est pas une semaine qui passe sans que l'actualité ne fournisse une illustration à la guerre des sexes. J'en citerai deux exemples récents : - le procès truqué des "violeurs de Mazan", et la campagne pour les élections présidentielles américaines, du moins telle qu'elle est rapportée par les médias européens atlantistes.

    Pourquoi le procès des "violeurs" de Mme Pélicot est-il truqué ? 1. Parce qu'il est médiatique et médiatisé : il s'agit à travers ce procès-spectacle de dire aux Français les plus faibles d'esprit quoi penser. 2. Parce qu'il élude soigneusement le problème de la misère sexuelle, inhérente à la société de consommation. Les violeurs de Mazan sont des consommateurs de produits illicites (c'est plus excitant), et Mme Pélicot a épousé une sorte de maquereau-dealer-sociologue tout à fait dans le coup (le profil parfait d'un candidat à la députation).

    C'est loin d'être la première fois que les médias se servent d'une affaire judiciaire - en particulier d'une affaire de moeurs - pour endoctriner l'opinion publique française.

    Le second exemple est plus intéressant que ce procès immoral, qui ne fait pas avancer la justice (la violence à l'égard des femmes n'est pas moins grande dans les pays dotés d'une législation féministe) :

    Lle vote en faveur de D. Trump est présenté comme un "vote masculin", et le vote en faveur de Kamala Harris comme un "vote féminin" par certains journalistes européens. Aussi ridicule soit cette présentation, elle traduit une forme de diabolisation de l'homme qui n'est pas spécialement le fait du sexe féminin (les mouvements féministes sont très peu représentatifs), mais qui est typiquement cléricale, multiséculaire.

    Le féminisme qui cherche à s'imposer à travers les médias de masse est une éthique étatiste. D. Trump a su habilement faire de l'appareil d'Etat une cible, et fédérer un électorat chrétien évangéliste, par principe anarchiste et anti-impérialiste (isolationniste). Cet électorat a pris conscience, il y a déjà plusieurs décennies, de la nécessité de s'organiser contre l'appareil d'Etat, afin de ne pas se voir imposer les réformes "sociétales" des technocrates de Washington.

    L'électorat de D. Trump n'est pas moins composé de femmes que d'hommes. L'hostilité aux valeurs familiales n'est pas plus féminine qu'elle n'est masculine. Le féminisme contemporain est  une variante de l'égalitarisme, dont le démagogue D. Trump est bien obligé, lui aussi, de prendre en compte. Ce qui fait du discours égalitariste un discours totalitaire, c'est son absolutisme. L'Etat capitaliste est le plus égalitariste, en même temps qu'il est le plus inégalitaire (on retrouve-là le dispositif paradoxal mis à jour par G. Orwell dans "1984").

    Les jeunes "masculinistes" (sic) ont tort de s'en prendre aux femmes : l'incrimination des hommes est en réalité le fait d'une sorte de doctrine bureaucratique, dont Sandrine Rousseau se fait la porte-parole.

    La contribution des "masculinistes" à la guerre des sexes fait le jeu de l'Etat totalitaire. Ce sont des idiots utiles, la preuve requise par le clergé totalitaire que le diable existe bel et bien.

    Pourquoi le féminisme du parti démocrate américain est-il un cléricalisme ? Parce que l'Etat moderne totalitaire exige une légitimation religieuse - c'est un Etat non-pragmatique. Il entend régenter la vie sexuelle des citoyens en les incitant à procréer dans certaines circonstances (besoin de main-d'oeuvre ou de soldats), ou au contraire à ne pas procréer (main-d'oeuvre surabondante dans des régions du monde désindustrialisées).

    La guerre des sexes est donc dans l'intérêt de l'Etat ultra-moderne ; il est difficile pour la jeune génération de s'en affranchir, car, en Europe, l'Etat est omniprésent et appuyé par toutes les sortes de clergé ou presque ; c'est probablement encore pire au Japon, où beaucoup de jeunes Japonais font le choix radical de renoncer à la sexualité, tant le couple représente une source de conflit et d'échec social. La "valeur travail" modèle la sexualité au stade totalitaire : cela aussi, "1984" le montre.

    Cette renonciation forcée n'est pas loin de la misère sexuelle révélée par le procès Pélicot et dissimulée par les médias et leur discours sur la "culture du viol".

    Les sectes évangélistes soutenant D. Trump, dans une nation où l'emprise de l'Etat est moins large et plus récente, paraissent donc le dernier rempart en Occident de la famille. Il n'est pas rare de voir chez des défenseurs européens de la famille... un poste de télévision ! Le chrétien évangéliste américain, lui, est un peu plus sérieux : il sait parfaitement que la famille et la télévision sont incompatibles.

    Mais le renoncement de ces sectes à l'anarchisme souligne l'illusion sur laquelle leur démarche repose. En effet l'Etat capitaliste est nécessairement impérialiste et colonial. Le parti démocrate de Kamala Harris est le parti de la justification de l'impérialisme, mais le moyen de cet impérialisme est le capitalisme.

    L'égalitarisme totalitaire, les "réformes sociétales" sur le dos du tiers-monde, ne font que refléter l'économie capitaliste. La Chine moderne est le meilleur exemple que l'on puisse citer de la complémentarité de l'Etat totalitaire et du capitalisme. Mais la Chine est aussi l'illustration de la fragilité de l'Etat totalitaire. La soumission et le conditionnement totalitaire des masses n'est pas inéluctable ; la sidération des masses par les écrans de télévision, les divertissements bas de gamme, les récompenses pavloviennes, absorbent une bonne partie des forces de cet Etat : c'est là en grande partie l'explication de la faillite de l'Education nationale française, tombée au niveau des mathématiques : instruire et éduquer au-delà du niveau de l'intelligence artificielle est contre-productif pour un Etat totalitaire.

    D. Trump est donc, lui aussi, un parfait hypocrite : la dépénalisation de l'avortement est typique d'une économie capitaliste au stade tertiaire, où la production est largement déléguée à des esclaves dans le tiers-monde. La neutralité de l'Etat, neutralité "hobbésienne", dont rêvent les électeurs de Trump aux yeux desquels l'Etat centralisé incarne Satan, est une illusion semblable à celle du bolchevisme ou du marxisme-léninisme.

    Deux mots sur la "culture du viol", la vraie. Elle est inhérente à la guerre, de sorte qu'il n'y a pas de guerre, antique ou moderne, sans viols, plus ou moins brutaux, qui sont des rituels de soumission aux vainqueurs ou aux forces d'occupation. Les femmes qui couchent par dizaines de milliers, voire centaines, avec les forces d'Occupation allemandes, sont-elles consentantes ? Oui et non. Nul ne peut prétendre sérieusement qu'il se plie de son plein gré aux lois de la Nature.

    Les quelques exemples de femmes incorporées dans des armées modernes démocratiques ont montré qu'elles sont aussi capables de sévices sexuels et de tortures. Quiconque prône la guerre, prône en même temps la culture du viol.

    Ceux qui parlent de "guerres propres" ou de "guerres éthiques", de "frappes chirurgicales", on les appelle communément "pharisiens".

  • Totalitarisme et Inconscient

    Je relis "1984" en prenant des notes pour le besoin d'un petit essai que je suis en train de rédiger, intitulé "Orwell et les Gilets jaunes".

    Orwell montre clairement que le totalitarisme -qu'il ne peint pas comme un complot des élites- a pour effet d'ôter aux citoyens toute conscience morale et politique. Les citoyens d'Océania n'ont plus que des réflexes de haine et d'amour, et l'idéologie leur tient lieu de conscience politique. Cette idéologie s'impose par le biais d'un conditionnement culturel, et plus on s'élève au sein de l'appareil d'Etat, où le ministère de la Culture occupe une place prépondérante, moins on est croyant et fanatique (O'Brien incarne ce type intelligent, qui séduit Winston Smith au début de la fable, car il a un regard plus humain).

    Je note que le parti républicain de D. Trump exerce le même genre d'attrait que la "Fraternité" de Samuel Goldstein dans "1984". L'objectif affiché de D. Trump n'est-il pas de détruire "l'Etat profond" et d'émanciper les Américains d'un Etat qui a trahi l'idéal démocratique de cette nation ? Le lecteur de "1984" est averti que l'idéologie libertarienne de Trump n'est qu'un leurre, comme la Fraternité de Goldstein.

    Quel est le rapport entre l'inconscience (collective) dans laquelle sont plongés les citoyens d'un régime totalitaire par le biais de la culture de masse, notamment, et la théorie freudienne de l'inconscient ? Y a-t-il un rapport entre l'aliénation des citoyens d'un régime totalitaire et la théorie psychanalytique ?

    On doit rappeler ici ce qui oppose la médecine allemande de Sigmund Freud à la religion juive. Le propos de Freud tend à nier ou à abolir la notion de péché, centrale dans le judaïsme, et à l'assimiler à une culpabilité maladive qui bride le désir et la volonté ; la conscience du péché est, a contrario, le point de départ de la morale juive (et probablement de l'éthique grecque) ; la conscience du péché est, en effet, ce qui élève l'homme au-dessus de la bête qui, elle, n'en a pas conscience et tue en toute innocence. Le judaïsme est une religion "spéciste", et très réticente à admettre sans preuves scientifiques solides que la conscience du péché est le résultat d'un processus d'"adaptation". La conscience du péché ne va pas dans le sens de l'adaptation.

    "La Guerre c'est la Paix ! La Liberté c'est l'Esclavage ! L'Ignorance c'est la Force ! A ce moment-là, la foule tout entière s'enfonça dans une profonde et lente mélopée rythmée. C'était en partie un hymne à la sagesse et à la grandeur de Big Brother, mais plus encore un mécanisme d'auto-hypnose. Winston eût l'impression que ses entrailles se refroidissaient. Il ne pouvait pas s'empêcher de communier à ce délire général, mais cette mélopée infra-humaine le remplissait toujours d'horreur." (1984 - Partie I)

    L'abaissement des citoyens d'Océania au niveau du comportement animal est un thème récurrent chez Orwell. Le totalitarisme est, selon lui, le gouvernement de l'humanité considérée comme une espèce. Tout ce qui est propre à l'homme est éradiqué : l'humour, l'écriture, la science (dissoute dans la technologie), l'art (réduit à la propagande ou au divertissement). Il n'y a pas plus éloignés que Huxley et Orwell des diverses formules du "darwinisme social", que l'on retrouve à l'arrière-plan de la plupart des politiques technocratiques au XXe siècle.

    On retrouve cela au plan de la "novlangue" ; celle-ci réduit le langage à un outil de communication comparable à celui dont les animaux disposent ; la novlangue est conçue pour asservir les citoyens d'Océania à Big Brother, comme les espèces animales sont soumises aux cycles naturels. Simone Weil avait fait cette observation dans "Les causes de l'oppression" que l'Etat totalitaire moderne reconstitue les causes de l'oppression naturelle.

    On pense ici bien sûr au nazisme, mais aussi à la société de consommation libérale, derrière laquelle se profile l'apologie de la prédation ; le surhomme libéral a un fort pouvoir d'achat, il n'est pas beaucoup moins ridicule ni moins dangereux que le surhomme nazi...

    L'éthique des citoyens d'Océania est, par ailleurs, une éthique puritaine, c'est-à-dire une culture de mort. Ici encore, comme l'idéologie est plus enracinée chez les soutiers du régime que ses dirigeants, exactement comme la croyance dans le droit divin monarchique et ses pouvoirs magiques était plus ancrée dans le petit peuple que dans l'aristocratie, la culture de mort puritaine se retrouve au bas de l'échelle sociale.

    La bestialité d'O'Brien est aristocratique et sadienne, et Winston Smith ne peut s'empêcher d'être subjugué. Ici Orwell décrit le pouvoir de séduction du luxe et du raffinement culturel des élites dirigeantes sur la classe moyenne.

    Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la théorie freudienne a subi une altération significative ; le propos de Freud a fortement été dénaturé sur un point important : tandis que "l'inconscient" n'est pas, en soi, une chose positive pour S. Freud -il peut contribuer à entraver la jouissance normale-, il est devenu, au cours du XXe siècle, presque synonyme d'imagination. Cette "trahison" de Freud par les freudiens, au profit de la folie, s'accorde parfaitement avec le conditionnement de la société de consommation ; celle-ci a atteint son apogée au cours des "Trente Glorieuses", épisode de barbarie libérale resté invisible aux yeux des citoyens d'Océania.

    De même "le rêve américain" est-il la formulation politique d'une aspiration puritaine, très proche de l'aspiration bolchevique à la fraternisation populaire (dans le cas des Etats-Unis comme de l'URSS, l'Etat a émergé de façon "accidentelle", à la faveur de la guerre civile).

    La société de consommation est donc la formule du conditionnement totalitaire libéral, en apparence moins coercitif que le conditionnement communiste, mais en réalité seulement plus insidieux ; la société de consommation prospère sur la stimulation de l'instinct du bas peuple, comme le nazisme. Impossible de dire si la Chine contemporaine est "communiste" ou "libérale" : en revanche la pandémie de coronavirus a fait peser une menace très sérieuse sur la société de consommation chinoise, c'est-à-dire sur le principe du mouvement totalitaire.

    A la question posée au début, de savoir si Big Brother peut être décrit comme une sorte de "surmoi" freudien, on peut répondre "oui et non". Oui, car la volonté des citoyens d'Océania est bel et bien troublée, altérée : ils n'ont pas de volonté propre, déléguant à Big Brother la faculté de vouloir à leur place. Winston et Julia pèchent et se savent "corrompus" de vouloir jouir égoïstement ; cette jouissance les projette hors d'une société qui proscrit la jouissance comme une chose antisociale. La jouissance est réduite au stade totalitaire à la récompense pavlovienne.

    Mais la psychanalyse freudienne est sans doute le point d'où le totalitarisme est le moins visible. La façon dont Winston et Julia bravent momentanément Big Brother n'a pas grand-chose à voir avec la méthode psychanalytique. Comme Adam et Eve, Winston et Julia enfreignent l'Interdit suprême ; comme Adam et Eve la transgression de Winston et Julia se termine mal : l'illusion que partagent Winston et Julia de pouvoir échapper à l'emprise de Big Brother n'était, comme l'amour et comme la Fraternité de Samuel Goldstein, qu'une illusion.

    L'Etat totalitaire est une forme d'aliénation que Freud est loin d'envisager. On ne peut, du point de vue freudien, concevoir le progrès de l'humanité que comme un processus biologique évolutionniste ; or, du point de vue historique d'Orwell, le progrès passe par un éveil de la conscience du peuple, maintenu au niveau de l'instinct par la culture totalitaire.

  • Chrétien à l'insu de son plein gré ?

    Peut-on être chrétien sans même savoir qu'on l'est ? A priori, l'affirmation de l'Apôtre Paul selon laquelle "Seule la Foi sauve" s'y oppose. Comment pourrait-on être chrétien sans connaître la Foi ?

    Il faut tout de même remettre l'affirmation de Paul de Tarse dans son contexte anticlérical pour mieux la comprendre : le clergé juif avait étouffé la Foi sous un tas de rituels ecclésiastiques. "Seule la Foi sauve" veut dire : la Parole de Dieu, et non les sacrements et les rituels des prêtres, qui peuvent se tromper au point de ne pas reconnaître dans Jésus-Christ le fils de Dieu, et le condamner à mort.

    Si les évangiles ne condamnent pas absolument le besoin social de rituels, ils soulignent que ce besoin s'ancre dans la Terre et non dans le Ciel ("Laissez les morts enterrer leurs morts !" Lc 9-60). Féminin ô combien, le goût des rituels : ne dit-on pas d'un homme qui manque de simplicité qu'il est une sorte de femme ?

    (Le rituel catholique du mariage est un tout autre problème, largement traité par Shakespeare, car il porte directement atteinte à la Foi.)

    La Foi protège donc le chrétien des errements humains terrestres. Mais Augustin d'Hippone propose cette métaphore limpide pour décrire l'état du chrétien qui possède la Foi "sèche" sans la Charité : il dit que le chrétien qui n'a que la Foi est "comme un homme assis dans le bon chemin, qui n'avance pas dans ce chemin."

    Il y a déjà un chrétien qui ignore qu'il est chrétien dans les évangiles, c'est le bon Samaritain, dont Jésus-Christ explique qu'il se comporte comme un Juif devrait, alors même qu'il ignore les commandements de Iahvé.

  • Un malentendu à propos de Karl Marx

    Il est un malentendu persistant à propos de Karl Marx, entretenu par le régime des Soviets, puis par les intellectuels communistes en France, un malentendu tel que l'on peut dire que le marxisme n'a pas essaimé en France*.

    Ce malentendu consiste à prendre Karl Marx pour un "utopiste". Le projet clairement affiché de Marx et Engels était de vacciner le prolétariat contre le romantisme révolutionnaire, c'est-à-dire l'utopie. Lénine, qui n'était pas illettré, savait très bien qu'il inventait quelque chose qui n'avait qu'un lointain rapport avec la critique marxiste.

    Si, donc, la critique marxiste n'a rien perdu de son utilité, c'est en raison des ravages persistants de l'utopie, sans doute le principal obstacle au progrès.

    Si on prend la peine de lire Marx, on verra qu'il ne démolit pas seulement l'utopie du ruissellement libéral, avant que l'Histoire n'ait illustré la puissance génocidaire de cette utopie -cousine germaine du communisme-, dont l'égalitarisme n'est autre que l'expression juridique ; l'illusion du ruissellement rejaillit sous la forme de l'illusion de l'égalité parfaite.

    Marx démolit aussi l'utopie des "droits de l'homme" virtuels : dès la fin du XIXe siècle, bien avant G. Orwell, Marx a défini la démocratie-chrétienne comme un Etat de non-droit (anarchique).

    Marx démolit encore l'utopie de l'Etat providentiel hégélienne, architecture néo-gothique derrière laquelle on devine l'Etat totalitaire ultra-moderne. L'Etat soviétique omnipotent est, en réalité, une architecture hégélienne. Le clergé communiste s'est employé, pour cette raison, à réhabiliter la philosophie de G.W.F. Hegel, dont Marx avait démontré qu'elle ne tenait que par des syllogismes.

    On peut ici parler de "clergé" car l'Etat hégélien est une institution analogue à l'Eglise romaine. Le tour de passe-passe de Hegel consiste à intégrer le processus historique dans l'Etat, tandis que l'Eglise romaine était structurée autour du "droit naturel". Dans les deux cas, qu'il s'agisse du "sens de l'Histoire" hégélien ou du "droit naturel" catholique romain, il s'agit de PURE RHETORIQUE. L'Etat totalitaire hégélien repose donc sur une théorie de la providence, la plus destructrice du progrès véritable ; la liberté et la démocratie brillent comme des idoles au fronton des régimes totalitaires.

    George Orwell prolonge bien K. Marx quand il décrit "Big Brother" comme une idole, réclamant l'amour des citoyens et non seulement le respect et la crainte comme un Léviathan ordinaire (tel que Hobbes l'a théorisé et qui n'a jamais vu le jour).

    Orwell prolonge encore Marx puisque "1984" est une contre-utopie. La religion des régimes totalitaires est l'utopie, qu'elle soit nationale-socialiste (utopie biologique), communiste (hégélienne), ou libérale (ruissellement de la richesse). En affinant l'analyse, on démontrerait que ces trois utopies ne diffèrent que par des détails.

    Si la critique du capitalisme apparaît moins nettement dans "1984" que dans la satire d'Huxley où la plus immonde société de consommation est admise par 99% des citoyens ("Brave New World"), la raison en est que ce sont les ruines de l'Europe industrielle qui ont servi de décors à Orwell. "1984" est concentré sur le dernier pouvoir auquel s'accroche Big Brother - celui des mots. La ruine est, quoi qu'il en soit, où l'économie capitaliste conduit systématiquement, cycliquement.

    Marx n'est pas un utopiste : il croyait à la capacité de l'humanité de s'extraire de la logique autodestructrice de l'économie capitaliste, quoi que ce ne soit pas dans l'intérêt des élites dominantes de s'extraire d'un tel mode de gouvernement, car leur domination en dépend, et qu'elles ne connaissent pas d'autre moyen que l'esclavage.

    *Si la critique marxiste avait exercé une influence en France, il n'y aurait pas autant de Français à croire que le suffrage universel est un "instrument démocratique".

  • La misogynie comme péché

    Traiter le thème de "la misogynie comme péché" est une manière de décoder la culture contemporaine, que la sociologie et les sociologues s'emploient au contraire à chiffrer. Précisons que mon propos n'a pas grand-chose à voir avec celui d'E. Zemmour, qui ne prend pas en compte le bouleversement des moeurs résultant de l'économie capitaliste, ce qui revient à ignorer l'élément liquide quand on écrit un traité sur la navigation en mer.

    L'éthique occidentale est désormais structurée autour de l'inculpation de la virilité. Cela ne veut pas dire, en pratique, que tous les hommes l'admettent - certains mêmes se rebiffent -, mais cela veut dire que l'argument féministe est un concentré de l'éthique occidentale : "Je suis féministe, donc je suis Occidental." La misogynie est devenue un péché.

    C'est pourquoi le féminisme a autant d'écho, bien que les militants féministes ne représentent qu'une petite minorité de femmes et d'hommes ; le féminisme a, par ailleurs, perdu toute signification univoque. Je lisais récemment le témoignage d'une jeune femme, militante d'une organisation féministe luttant contre la prostitution, expliquant qu'elle avait été agressée physiquement par d'autres féministes, luttant au contraire pour faciliter la prostitution (on retrouve là les deux formes d'anarcho-capitalisme "de gauche" et "de droite").

    L'Occident impérialiste ne s'avance plus "au nom du christianisme", mais "au nom du féminisme", c'est-à-dire d'un christianisme sécularisé. Cet aspect de la propagande est d'autant plus évident en cas d'invasion d'une nation ou d'une région où la paysannerie n'a pas encore dit son dernier mot. Dans le cas de l'affrontement médiatique de deux hommes, V. Poutine et V. Zélenski, la propagande occidentale n'a pas manqué de caricaturer V. Poutine en despote viril, bien que l'Ukraine soit moins moderne sur le plan économique que la Russie.

    Ainsi l'on voit que le christianisme, s'il peut paraître avoir régressé sur le plan religieux en Occident, reste largement dominant, de fait, sous la forme d'une culture féministe qui conserve sa fonction de diabolisation. Autrement dit, les anarcho-capitalistes de droite comme de gauche sont des chrétiens qui s'ignorent, et cela pour une raison simple : l'anarchie est inconcevable en dehors du contexte chrétien (F. Nietzsche en a fait la démonstration, tout en occultant que l'anarchie vient des élites chrétiennes, tentant de persuader qu'elle est une "morale des faibles".)

    Le féminisme s'impose d'autant plus comme un argument impérialiste que les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale au cours de la seconde moitié du XXe siècle ; la France républicaine n'a jamais eu besoin de cet argument-là (la misogynie républicaine 1790-1940 est anticatholique).

    Le cas Donald Trump mérite qu'on s'y attarde, car c'est un objet politique difficilement identifiable vu de France.

    Il faut dire d'emblée que la propagande de D. Trump vise un électorat isolationniste : le féminisme n'a donc, sur le plan rhétorique, aucun intérêt pour le candidat républicain, qui sait parfaitement que la majorité des femmes ne sont pas des militantes radicales. Trump ne drague pas comme son adversaire des minorités ethniques et religieuses éparses, mais l'Américain "moyen". Le parti républicain ne se targue pas d'exporter la civilisation, comme le parti démocrate. La civilisation, pour D. Trump, se résume à l'argent et au ruissellement de celui-ci. Du point de vue européen, l'idéologie politique trumpiste est proche du néant.

    Contrairement au catholicisme et au protestantisme en Europe, pratiquement dissouts dans la démocratie-chrétienne, le protestantisme américain demeure religieusement vivace sous la forme de sectes évangéliques, parfois substantiellement différentes les unes des autres, mais qui ont en commun une organisation ecclésiastique où le père de famille et le prêtre ne font pratiquement qu'un. Le débat fait rage aux Etats-Unis pour cette raison entre Républicains et Démocrates sur le changement sociétal - un débat parfaitement stérile dans le contexte capitaliste, mais qui mobilise deux camps manipulés par leurs leaders respectifs, prêts à en découdre.

    D. Trump a entrepris habilement de fédérer cet électorat contre le changement sociétal qui, c'est là la contradiction profonde de son discours, est une évolution des moeurs qui porte la marque du capitalisme. Il n'est pas impossible que cette contradiction soit perçue comme une ruse diabolique par certains fondamentalistes évangéliques illuminés de son propre camp.

    Hannah Arendt s'est trompée en disculpant le christianisme et en accusant les seuls régimes communiste et nazi d'être des régimes totalitaires. La notion de "monde libre" appliquée au Etats-Unis, si on pouvait encore l'admettre quelques années après la fin de la Seconde guerre mondiale et du choc titanesque entre l'Allemagne et l'Union soviétique, a perdu très vite son sens au cours de la Guerre froide, qui a suscité deux nouveaux monstres badigeonnés en hâte d'arguments humanistes, répétant les méthodes de l'Allemagne nazie. A. Huxley, en revanche, ne s'y est pas trompé, incluant les "valeurs judéo-chrétiennes" dans sa satire d'un monde sans pitié pour les plus faibles et en désignant la technologie comme le culte commun aux trois totalitarismes nazi, communiste et démocrate-chrétien.

    H. Arendt s'appuie pour sa démonstration sur l'analyse de "La Cité de Dieu" (d'Augustin d'Hippone). Mais cette doctrine qui tend à désacraliser le pouvoir politique romain est très peu représentative du pouvoir chrétien tel qu'il a été exercé au cours du dernier millénaire, que ce pouvoir soit catholique ou même protestant. Si la théocratie est facile à déceler dans la vieille monarchie catholique défunte, elle perdure dans la démocratie-chrétienne où la monnaie, le dollar, a une valeur et une fonction eucharistiques. Comme le droit divin monarchique renforçait la puissance publique monarchique, le dollar soutient la démocratie-chrétienne américaine.

  • Alain Soral, idiot utile ?

    Le combat dAlain Soral et de son comparse Dieudonné contre le puissant lobby sioniste est un exemple de bravoure ; mais Don Quichotte ne manque pas de courage non plus

    Le lobby sioniste est-il un moulin-à-vent ? On peut penser en effet que ce groupe de pression na pas dautre grain à moudre que lantisionisme, quoi qu'il semble exercer une surveillance rapprochée de la classe politicienne ; mais avant de développer cet argument, je voudrais expliquer en quoi le propos dAlain Soral rejoint celui de George Orwell, et en quoi il sen éloigne.

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  • Le Chrétien et le Capital

    Commençons par dire pourquoi la "taxation des riches" et l'augmentation du SMIC ne sont pas des programmes d'inspiration marxiste. K. Marx s'opposa sur ce point aux socialistes français, pour une raison bien précise : la revendication d'un salaire minimum par les partis socialistes signifiait que leurs dirigeants n'avaient rien compris à la démonstration du "Capital" - démonstration que la "plus-value" implique la spoliation des travailleurs salariés.

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  • Proust ou Waugh ?

    « A Handful of Dust » (1934), du romancier britannique Evelyn Waugh, approximativement traduit par « Une Poignée de Cendres » (dust = poussière) est un chef-doeuvre du genre comique cest-à-dire dun genre difficile à composer. Flaubert sua sang et eau sur « Bouvard & Pécuchet », quil ne parvint pas à terminer tout à fait avant de mourir - en comparaison « Salammbô » lui fut une récréation.

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  • Orwell et le wokisme

    J'ai déjà rédigé quelques notes sur ce blog expliquant combien la culture identitaire française est dangereuse, en l'absence de souveraineté économique, militaire et diplomatique de la France.

    Le "gaullisme" est peut-être la formule la plus répandue de cette culture identitaire imbécile. Imbécile car il faut être plus que naïf pour ne pas comprendre pourquoi François Hollande ne fait pas un discours, en ce moment, sans exalter les institutions gaullistes de la Ve République : elles représentent la meilleure protection juridique de la caste oligarchique à laquelle F. Hollande appartient, avec la garde prétorienne de 35.000 CRS.

    Et celui qui écrit ces lignes n'est pas "révolutionnaire" pour une bonne raison : ce sont les élites oligarchiques qui le sont, dont les représentants les moins rusés n'hésitent pas à le dire publiquement (J. Attali, Bruno Le Maire...).

    L'Histoire du XXe siècle selon George Orwell est, ça va de soi, antigaulliste, mais elle est surtout contre-révolutionnaire. Lire "1984", c'est comprendre pourquoi le préfet Lallement, représentant de l'ordre oligarchique, se réclame de Trotski ; ou pourquoi les banquiers capitalistes rendent hommage, lors de la cérémonie d'ouverture des JO à... Louise Michel. Pas de totalitarisme sans exaltation de l'idéal révolutionnaire.

    Il est sans doute plus conforme à l'identité française de pencher du côté de la Russie de V. Poutine, puisque le poutinisme n'est autre qu'une sorte de gaullisme (c'est-à-dire de bonapartisme), mais pencher du côté de la Russie est parfaitement stérile. Le chef de l'Etat a semblé marquer une hésitation diplomatique au début du conflit ukrainien, vouloir maintenir le dialogue avec la Russie : mais un chef d'Etat sans armée est un chef d'Etat impuissant. E. Macron n'est, au demeurant, pas plus maître de l'arsenal médiatique français que F. Mitterrand ne l'était, et que tous les monarques républicains avant lui.

    Le pouvoir d'E. Macron est très largement réduit à son pouvoir symbolique, ce qui est aussi le cas de Big Brother ; le culte de la personnalité est la preuve qu'il n'y a pas de démocratie, ni même de République (celle-ci exclut forcément la fascination), mais aussi que l'acteur qui incarne le pouvoir absolu de l'Etat n'est qu'une sorte d'interface.

    Certains commentateurs insinuent qu'E. Macron serait fou : il n'est pas plus fou que D. Trump ou que quiconque introduit un bulletin dans l'urne en pensant faire un geste politique ; il se produit, au stade totalitaire, un phénomène de cristallisation amoureuse entre le candidat et l'électeur, si bien que l'on peut presque déduire la perversion sexuelle d'un individu en fonction de son bulletin de vote. E. Macron s'accroche à son pouvoir inexistant comme une femme s'accroche à l'amour, c'est-à-dire à quelque-chose qui n'existe pas.

    Il est bien plus utile pour un dissident de se forger une conscience politique, puisque les citoyens d'Océania baignent dans l'inconscience, et ne sont mus pour ainsi dire que par des réflexes conditionnés. "1984" est pour cela un excellent outil - par exemple un outil d'analyse du wokisme et du trumpisme, qui sont comme tenon et mortaise, et que l'on aurait tort d'opposer suivant l'explication contenue dans cet article.

  • La Religion des Jeux olympiques

    Décortiquons, démystifions un peu la religion des Jeux olympiques, dont les rituels se déroulent à Paris tandis que la Guerre froide fait rage entre le bloc russe et le bloc OTAN.

    - Le sport n'est plus, dans les JO modernes, qu'un prétexte. Le spectacle l'emporte largement sur le sport, et ce spectacle n'est pas spécialement sportif ou physique. On est plus près des jeux du cirque romains que de la pratique sociale du sport par les élites grecques. La santé physique et mentale des compétiteurs eux-mêmes importe peu.

    - La performance est le noyau central du sport de compétition : la religion des JO est donc une religion technologique ; il y a entre le sport moderne et le sport antique à peu près la même différence qu'il y a entre l'industrie et l'artisanat. La part non-pragmatique de l'artisanat, c'est l'art ; la part non-pragmatique de la production industrielle, c'est la théorie mécanique.

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  • La faute à Bacon ?

    L'indice NASDAQ est l'indice vedette de la Bourse de New York car c'est l'indice des valeurs technologiques. Elles ont pris, au stade de sa désindustrialisation, une importance prépondérante dans l'économie américaine. Il est trop tôt pour dire si le développement de l'intelligence artificielle sera la poule aux oeufs d'or que les médias annoncent, mais d'ores et déjà les investisseurs inondent de leurs milliards les entreprises spécialisées dans le développement de cette technologie.

    Il n'est donc pas tout à fait exact de dire que la technologie a, au cours du XXe siècle, entièrement colonisé la notion de Progrès, transformant celui-ci peu à peu en une sorte de religion animiste du gadget technologique, religion qui a englouti l'Art au passage.

    Le développement technologique débridé, au point de doter le foyer bourgeois moyen de deux ou trois voitures, n'est pas un développement technologique : il obéit à une logique d'investissement capitaliste, ce qui explique que le bilan ne soit jamais fait de tel ou tel "progrès technologique".

    Bien que les preuves abondent a posteriori de l'inefficacité de la nouvelle technologie vaccinale ARN pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, aucun bilan médical sérieux n'est fait : non seulement cela entamerait définitivement la crédibilité des politiciens qui en ont fait la panacée universelle, mais encore cela risquerait de brider les futurs investissements dans l'industrie pharmaceutique. Qui a le plus à gagner à la confusion de la science et de la science-fiction ? Les banques d'investissement, qui jouent nos vies aux dés.

    L'étouffement de l'Art, son ensevelissement sous la production industrielle et la culture de masse, a suscité en France, dès la fin du XIXe siècle, des réactions dans les milieux culturels et artistiques. Le destin de l'Allemagne industrielle et son culte de la technologie a donné raison à ceux qui voyaient dans la bourgeoisie industrielle un retour de la barbarie. Est-ce qu'une nation s'est plus enivrée de progrès technologique que l'Allemagne nazie ?

    Quelques penseurs réactionnaires néo-païens, à commencer par Nietzsche, ont essayé de mettre la barbarie moderne, le "règne de la quantité", sur le compte de la culture chrétienne prométhéenne. On peut soupçonner la mauvaise foi de la part de Nietzsche, ou au moins le dilettantisme, car il prétendait avoir lu F. Bacon.

    Or Bacon démontre doublement que le christianisme est une religion prométhéenne (qui ne s'oppose pas à l'élucidation des processus physiques, à la dissection de la Nature) ET que les découvertes technologiques ne sont qu'un fruit, secondaire, de la philosophie naturelle (la science).

    Mieux que cela, Bacon a pris soin de prévenir ses disciples du danger de la cupidité humaine, qui sur le terrain de la science peut avoir des effets catastrophiques aussi.

    Bacon aurait-il vu dans le catastrophique et barbare XXe siècle une ère prométhéenne ? Certainement pas, puisque la technologie a échappé à l'homme au cours de ce siècle, comme la créature du Dr Frankenstein lui échappe ; loin de maîtriser la technologie, l'Allemagne nazie s'est retrouvée sous un déluge de feu mortel. Qui sait si la Chine, en usant et abusant de l'eugénisme, ne s'est pas suicidée sans le savoir ?

    "Le pouvoir n'est pas corrompu en soi, c'est l'homme qui l'est.", dit Bacon ; il en va de même du pouvoir technologique.

    Notre époque paraît bien plutôt "épiméthéenne", non seulement à cause de la résurgence de l'islam, mais en raison de la passivité extrême des masses, rassemblées sous le nom de "grandes démocraties", et qui cultivent le progrès sous la forme du gadget et de la performance. Rien de plus épiméthéen que le confort intellectuel.

  • Relire Karl Marx ?

    Je dois dire d'abord que c'est mon séjour aux Etats-Unis, il y a deux décennies environ, qui m'a incité à lire Karl Marx pour essayer de comprendre cette anticivilisation dominée par les femmes. Un Français éduqué dans l'amour de l'art ressentira en effet que les Etats-Unis sont une anticivilisation, à moins de prendre le cinéma pour un art ; les Etats-Unis sont une nation où la mécanique remplace l'art - pas seulement la mécanique automobile. Les états-uniens qui aspirent à l'art et au savoir-vivre émigrent d'ailleurs le plus souvent en Europe, en Italie ou en France, de façon provisoire ou définitive.

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  • Politique-spectacle

    Jean-Luc Mélenchon est de loin le meilleur tribun de la plèbe, depuis que Jean-Marie Le Pen a pris sa retraite. Mélenchon et Le Pen ont le don de déplaire aux femmes, à cause de leurs signes extérieurs de virilité.

    Au contraire Emmanuel Macron plaît beaucoup au sexe, avec son air de sortir du séminaire ; il ne faut pas beaucoup le prier pour qu'il prononce un sermon, de préférence un éloge funèbre.

    De plus les femmes capitalistes sont prédestinées à aller au paradis, tandis que le sort des hommes est plus incertain. Vous ne me croyez pas ? Regardez la carte du vote Macron ; en dehors des beaux quartiers de Paris qui votent avant tout CONTRE les Gilets jaunes par réflexe de caste, ce sont les régions où le sexe féminin est le sexe fort qui disent "amen" à Macron, qui a distribué son vaccin miraculeux comme des hosties.

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  • Machiavélique, Macron ?

    Quelques observateurs de la vie politique soupçonnent le chef de l'Etat d'avoir tendu un piège à Jordan Bardella et son parti, en lui permettant de gouverner grâce à des législatives anticipées dont le résultat était prévisible. Les fantasmes sécuritaires des électeurs de J. Bardella risquent en effet de se heurter à un certain nombre de réalités économiques, dont celle de la dette-covid, contractée à la suite du confinement sanitaire.

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  • Marx contre Mélenchon

    Le capitalisme se présente à peu près comme un nouveau destin, un phénomène sur lequel le discours politique n'a pas de prise. Deux ou trois générations de Français et d'Allemands ont été bernées par le discours écologiste, et continuent de l'être puisque l'irrationalité de l'économie capitaliste interdit une gestion raisonnable des ressources humaines et naturelles. Le discours écologique se présente donc comme une ruse capitaliste.

    En même temps que la critique du capitalisme a disparu du débat public, le nombre de ses victimes n'a fait que s'étendre : la classe moyenne française ne peut plus ignorer que cette économie ne repose pas seulement sur l'exploitation de travailleurs chinois, indiens, ou africains, elle a en outre des conséquences antisociales dans les pays développés. On peut traduire le large mouvement des Gilets jaunes comme un mouvement de ras-le-bol du capitalisme ; la diversité d'opinion des manifestants ne fait que traduire la diversité des sensibilités ; ainsi, les "antivax" sont particulièrement sensibles aux effets délétères de l'économie capitaliste sur la santé publique.

    La critique marxiste n'a donc rien perdu de son actualité, un siècle et demi plus tard. Je viens d'en donner un exemple : elle permet de déceler facilement que l'écologie politique est une grossière supercherie ; le primat irrationnel de l'énergie nucléaire porte la marque de l'économie capitaliste ; précisons, pour les Gilets jaunes qui n'en auraient pas conscience, que le développement de l'énergie nucléaire s'accorde le mieux avec le principal irrationnel de croissance à l'infini.

    Venons-en au sujet qui justifie le titre de ce billet : l'éradication par les partis populistes de la critique marxiste. Il me semble inutile de s'attarder sur la rhétorique simpliste de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui consiste à poser l'équation de la critique du capitalisme et du communisme révolutionnaire. Le parti de Le Pen, depuis ses premiers succès il y a une trentaine d'année, est celui des idiots utiles du Capital : le qualifier de "fachiste" serait oublier que le fachisme est une conséquence avant d'être une cause de catastrophe politique. Si la critique marxiste du roman national républicain a été censurée, ce n'est certainement pas à cause des idiots utiles du Front national.

    On connaît les modalités de défense de la classe moyenne par les partis subventionnés par des oligarques pour tenir en respect la classe moyenne : elles consistent à confier le destin de la classe moyenne à la Commission européenne, elle-même sous tutelle de l'OTAN.

    Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont moins hostiles a priori à la critique marxiste que ceux de Le Pen ou Macron, mais ils l'ignorent absolument, pour une raison que l'on peut élucider d'emblée : J.-L. Mélenchon est d'abord le représentant de la fonction publique, et non de la classe moyenne. Cette dernière subit les conséquences de l'incapacité de l'Etat capitaliste à se réformer, que les fonctionnaires ont tendance à ignorer, comme si l'Etat capitaliste totalitaire se limitait à la police et l'armée ; la logocratie, dont G. Orwell a fait le thème central de sa dystopie, se présente avant tout comme une police de la pensée.

    Le thème de la "souveraineté populaire" et du "suffrage universel", qui font partie de la rhétorique de LFI, participent de cette police de la pensée, tout comme la théorie révolutionnaire de conquête du pouvoir par les urnes, dont le cousin grec de J.-L. Mélenchon, A. Tsipras, a naguère démontré l'inefficacité.

    Le parti de J.-L. Mélenchon se présente comme le principal moyen de censure d'une critique marxiste qui n'épargne pas l'Etat républicain et ses institutions bonapartistes. Le gaullisme ou la Ve République se présentent du point de vue marxiste, comme un phénomène de sclérose bonapartiste : en effet les élites françaises, autoproclamées "libérales", n'ont pas su mettre à profit la période des "Trente glorieuses" pour assouplir l'absolutisme de l'appareil d'Etat, que seuls justifiaient les désordres consécutifs à la Seconde guerre mondiale.

    On a bien entendu parler de "mammouth" à propos de l'Education nationale monopolistique, mais rien n'a été fait concrètement pour la réformer. L'absence de liberté politique a été dissimulée derrière l'alternance "gauche-droite", principale cause du mouvement des Gilets jaunes, qui s'opposent à cette pseudo alternance comme "Mai 68" s'opposa au régime gaulliste.

    Ce sont le plus souvent des militants de Mélenchon, abrutis par de pseudo-économistes, que l'on entend dire que "la dette n'est pas un problème" : ils sont, sur ce plan, plus capitalistes que les oligarques capitalistes eux-mêmes. En effet, si l'endettement n'est pas un problème, alors le capitalisme n'en est pas un, puisque l'endettement à l'infini EST le b.a.-ba du capitalisme financier, tout comme le "bitcoin". Il faut préciser que ce sont là deux modalités financières, à la fois extra-économiques et purement mathématiques.

    Le capitalisme étatique, qui est la doctrine antimarxiste de J.-L. Mélenchon, est une sorte de cigarette dotée d'un filtre : elle retarde peut-être l'effet du cancer, mais elle a l'inconvénient de le dissimuler mieux qu'une cigarette sans filtre.

    Disons pour conclure pourquoi la critique marxiste s'oppose au "partage équitable des richesses" : non seulement elle permet de comprendre pourquoi la théorie d'un Etat honnête régulant un Capital malhonnête est une leurre, mais la critique marxiste s'oppose à la théorie totalitaire du bonheur quantique, proportionné aux revenus du Capital.

    L'égalitarisme n'est autre que la formulation juridique du bonheur quantique totalitaire. La critique marxiste rejoint sur ce point Orwell : l'illusion égalitariste est un mirage capitaliste - pire, un nihilisme déguisé en idéalisme : c'est le chiffon rouge agité par le toréador pour mieux planter ses dards dans le taureau : le peuple, réduit à une masse.

    Bien mieux que J.-L. Mélenchon qui s'assied dessus, la critique marxiste est propice à restaurer l'esprit critique des Français, face à un régime oligarchique qui s'époumone en discours démagogiques divers et variés. La dissolution de l'Assemblée n'est pas une tactique du chef de l'Etat seul : c'est un moyen constitutionnel typique d'une institution bonapartiste, cautionnée par l'ensemble de la classe politique et au-delà. Le risque de "guerre civile" vient du sommet de l'Etat, et cela depuis Napoléon III, qui la déclencha.

    Mélenchon et ses militants antifachistes romantiques feraient mieux de se souvenir que, si les massacres de la Commune de Paris sont imputables à Napoléon III et aux industriels qui le soutenaient, la Commune était vouée à l'échec, un échec dont le petit peuple de Paris a payé le prix, exactement comme la ligne de défense ukrainienne paie le prix de la rivalité sinistre entre le bloc russe et le bloc OTAN.

    Les Gilets jaunes ont montré l'exemple bien plus utile d'une résistance passive aux injonctions de l'oligarchie et ses employés. En participant aux élections européennes, les partis de Le Pen et Mélenchon ont rétabli la Commission dans ses droits et piétiné la défiance utile répandue par les Gilets jaunes.

    Mélenchon et Bardella se plaignent des maléfices d'un système qu'ils contribuent à alimenter : ils entraînent une partie de l'opinion publique sur le terrain de la tactique électorale où l'oligarchie et ses employés n'ont de cesse d'entraîner les Français.

  • Simone Weil au bac

    Les élèves de terminale devaient composer cette année, lors de l'épreuve du baccalauréat de philosophie, sur un thème de prédilection de Simone Weil (1909-1943) : l'Etat ou la science, ou encore la condition ouvrière (commentaire d'un texte).

    Simone Weil n'a pas produit comme Shakespeare une pensée philosophique complète ; mais son indépendance d'esprit et son anticonformisme méritent d'être salués, et ce d'autant plus que les profs de philosophie sont désormais aplatis devant l'Etat, prêchant la bonne parole des cartels sur les plateaux de télévision ; de cette valetaille, Simone Weil fut l'antithèse.

    Son meilleur essai (le plus cohérent), "Réflexion sur les Causes de la Liberté et de l'Oppression sociale" (1934) est le plus "orwellien". L'auteure y met en évidence la force oppressive de la Culture, en lieu et place de la Nature. La tyrannie moderne incite, de fait, à se prosterner devant la Culture. Sans théoriser la "société du spectacle", Orwell a montré que Big Brother est un Etat absorbé par la production d'une culture bas-de-gamme, au niveau du confort intellectuel ; la "novlangue", conçue par les linguistes, est aussi une production culturelle conçue pour éradiquer l'esprit critique. Le terrorisme intellectuel a changé d'étiquette plusieurs fois en France depuis les années 1950, mais il est constant, prenant des formes plus ou moins subtiles.

    L'Etat moderne totalitaire est un instrument d'oppression du peuple par les élites dominantes : Simone Weil explique pourquoi et comment cette fonction est liée à l'illusion d'une domination de la Nature par la technologie.

    Cependant la critique du marxisme par S. Weil me paraît incompréhensible et hors sujet. Non seulement K. Marx a annoncé la destruction des cultures traditionnelles sous l'effet de l'économie capitaliste (ce qui n'est pour Marx ni une mauvaise chose, ni un progrès, mais un phénomène historique), mais il a prédit la "réification" de l'être humain. Marx a même démontré l'inaptitude du droit à réduire les inégalités, éventant ainsi le subterfuge de la sociale-démocratie, qui se double malheureusement souvent d'une ruse chrétienne (on pense ici en particulier à la ruse de la "doctrine sociale de l'Eglise catholique", ou à la ruse des supporteurs chrétiens de D. Trump).

    Dans sa critique de la physique quantique, adjacente à celle de l'Etat totalitaire, Simone Weil n'est pas loin de définir ce discours scientifique comme un "newspeak" défiant l'entendement. Malheureusement incomplète, la critique de Simone Weil a le mérite de souligner la démission de la philosophie face à un des aspects les plus dangereux de l'Etat totalitaire technocratique, et l'hypocrisie des prétendus "comités d'éthique scientifique".

    Sur le plan religieux, Simone Weil n'est pas loin du célèbre hérétique Marcion, qui croyait le christianisme fondé sur le rejet du judaïsme, quand la véhémence du Christ est dirigée contre le clergé juif, c'est-à-dire la trahison de l'esprit de la Loi de Moïse.

    L'hérésie de S. Weil est plutôt un errement : la méfiance de S. Weil vis-à-vis du clergé catholique peut se comprendre, dans une époque où il est s'est fait le complice de la barbarie capitaliste et de l'esclavage des ouvriers dont la condition lui semblait, comme à Marx et Engels, inhumaine ; le sentiment de culpabilité d'une partie du clergé catholique a d'ailleurs engendré en son sein un mouvement de prêtres-ouvriers (à un stade de la division du travail où l'esclavage le plus dur avait déjà été délocalisé en Chine ou en Inde).

    Athée et socialiste, tout comme Orwell, S. Weil n'était pas beaucoup moins dégoûtée que lui par le personnel ecclésiastique ; mais elle a été conquise par la doctrine pacifique de Jésus-Christ, qui contraste singulièrement avec la violence barbare de la bourgeoisie judéo-chrétienne.

    Le rejet de la religion juive, sous prétexte de la violence de l'Ancien testament, est surprenant de la part d'une helléniste comme Simone Weil, car la sagesse grecque passe aussi par des fables et des récits violents. Les héros grecs subissent la violence des éléments sataniques, mais ils exercent eux-mêmes souvent une violence symbolique, y compris Ulysse ; il ne faut pas oublier non plus la colère du Christ contre les Juifs et ses propres disciples, quand ceux-ci trahissent la Parole - colère qui prolonge celle de Moïse face aux Juifs idolâtres.

  • Au coeur des ténèbres

    Il faut remercier les romanciers qui nous entraînent au coeur des ténèbres : L.-F. Céline, V. Gheorghiu, et bien d'autres ; je cite deux romanciers que j'ai eu la chance de lire alors que j'étais encore adolescent. Les romanciers britanniques ont la capacité de vous entraîner au fond du gouffre, tout en faisant preuve d'humour, ce qui est sans doute shakespearien. En effet le tragédien a fait éclater la bombe de l'humour au beau milieu d'une époque extrêmement violente elle aussi, où des chrétiens faisaient brûler d'autres chrétiens au nom du christianisme.

    Contrairement aux films montrant l'horreur de la Shoah, ces oeuvres ne désignent pas d'autre coupable que la bêtise humaine. En diabolisant Hitler, on lui a fait une publicité inutile ; rien n'est plus séduisant que le diable, d'ailleurs, tandis que le catéchisme est ennuyeux.

    Les romanciers qui nous entraînent au coeur des ténèbres du XXe siècle ont le mérite de ne pas dissimuler l'ampleur du mal ; on ne s'attaque pas au mal en traitant son voisin de fachiste ou de communiste.

    Huxley et Orwell sont les plus dissuasifs de croire que la barbarie occidentale prend fin en 1945, suivant la légende dorée. Hannah Arendt a expliqué pourquoi le crime d'Eichmann était banal (il est étatique, et l'Etat moderne totalitaire abolit l'éthique), et certains propagandistes sionistes ou communistes ont tenté de la censurer par calcul.

    Bien sûr on peut préférer l'opium, un opium quelconque permettant d'ignorer le trou vertigineux de la bêtise humaine ; ou on peut le colmater avec Dieu ou le Hasard, Allah, toutes les religions épiméthéennes, dans leurs versions traditionnelles ou chimiques - le trou béant n'en est pas moins là, menaçant pour tout le monde.

    Montrer, exhiber la bête humaine est donc salutaire.

    J'ai connu un type qui revenait tout droit de l'enfer : il n'en avait pas une connaissance livresque, mais bien réelle ; il y avait été plongé subitement à l'âge de l'innocence, comme un enfant voit soudain ses parents volatilisés par un tir de roquette. Le temps avait fait son effet cicatrisant, mais pas complètement : la joie le mettait très mal à l'aise ; je crois qu'elle lui paraissait un mensonge, de la pacotille en comparaison de l'or noir des ténèbres, dont l'éclat s'était fixé dans sa mémoire.

    Ceux qui ont voyagé jusqu'au bout de la nuit, et qui en sont revenus pour nous avertir du danger, sont donc nos frères.