Le mouvement des Gilets jaunes fera date. Les historiens peuvent d'ores et déjà le rapprocher de la prise du pouvoir par Donald Trump aux Etats-Unis, quelques années après le krach financier de 2008 qui a déstabilisé l'organisation politique oligarchique de ce qui était encore la première puissance mondiale.
Si le mouvement des Gilets jaunes n'a pas de programme politique défini, le programme MAGA d'anéantissement de "l'Etat profond" reste pour l'instant quasiment à l'état de voeu pieux.
On peut légitimement soupçonner D. Trump, compte tenu du soutien que lui fournissent quelques puissants oligarques, d'être un contre-révolutionnaire déguisé en révolutionnaire (la France a connu beaucoup de révolutionnaires de cette sorte-là, qui n'étaient que des opportunistes). Le financement de partis politiques par l'oligarchie est pour elle le meilleur moyen de se maintenir.
On pourrait tout aussi bien rapprocher le mouvement des Gilets jaunes de la prise du pouvoir d'A. Tsipras en Grèce en 2015 ou de Giorgia Meloni en Italie (2022), puisque ces deux chefs politiques ont été élus sur la promesse d'une rupture avec le système, promesse qu'ils n'ont pas tardé à trahir tous les deux. Plutôt que la trahison, ne vaut-il mieux pas y voir la force et la résistance de l'Etat profond ?
La victoire électorale du parti MAGA ne signifie pas la mort de l'Etat profond. La victoire électorale du parti MAGA n'indique pas que les MAGA sont en avance sur les Gilets jaunes, mais que le système électoral nord-américain est une barrière de défense de l'Etat profond nord-américain moins efficace.
Le mouvement des Gilets jaunes coïncide avec la faillite du pacte de stabilité européen, que E. Macron n'a cessé de représenter depuis la première minute où il exerce son mandat, soutenu à bout de bras par l'ensemble de l'oligarchie française. La "dette covid" est une faillite de 700 milliards présentée par la propagande capitaliste comme une manière de rebondir - les Français ont élu un joueur de casino.
Par conséquent l'Etat profond prend l'eau : ses coordinateurs bruxellois en sont rendus à vouloir mener une guerre industrielle contre la Russie pour se remettre à flot. Les Gilets jaunes sont suspendus, mais l'Etat profond européen ne l'est pas moins - la sécession de l'Allemagne mettrait officiellement fin à l'Union européenne (1999-2025).
Une erreur grossière serait de prêter à une nouvelle constitution le pouvoir de fonder une république. Ce serait comme vouloir réparer la coque d'un navire en train de couler. Ce serait ignorer que l'Etat profond nord-américain, comme l'Etat profond européen, contournent le dispositif constitutionnel actuel. Ce serait ignorer la dynamique du Capital. Ce serait ignorer que la légitimité de l'Etat profond, aux yeux de ceux qui ont renoncé à l'exercice de la citoyenneté, n'est pas juridique mais technocratique. La légitimité de Big Brother tient à son mode de fonctionnement. La dictature sanitaire a fourni de ce point de vue-là une leçon magistrale : les Français ont renoncé à tous leurs droits en raison de leur confiance dans la médecine technocratique et ses représentants. Seuls quelques-uns ont osé objecter que le remède était pire que le mal.
La révolution est la seule constitution dont les Gilets jaunes ont besoin, c'est-à-dire le projet de démantèlement de l'Etat profond, qui demande autant de prudence que le démantèlement d'une centrale nucléaire accidentée.
Parce que l'illusion constitutionnelle est aussi répandue à droite qu'à gauche, il m'a semblé utile de proposer l'éclairage fourni par George Orwell, en particulier dans "1984", sur la nature profonde de Big Brother.
Pourquoi, par exemple, il ne peut se passer d'une intelligentsia. Pourquoi l'effort de Big Brother pour produire une culture de masse prolonge la lutte des classes.
Ci-dessous, voici le sommaire approximatif de cet essai presque achevé à paraître à la rentrée prochaine (aux éds Zébra).
Commentaires
J'attends ça avec impatience. Les gilets jaunes, qui préfèrent se passer de leader, qui voudraient naturellement pouvoir contourner le pouvoir en place pourront-ils renaître ?
Depuis quelques années, à l'insu de la plupart des Français, la France s'est rapprochée du statut de la Grèce ou de l'Italie, c'est-à-dire d'un placement direct sous la tutelle des dirigeants allemands. Pas plus tard que cette semaine, U. von der Leyen vient d'infliger à la France un camouflet sans précédent en fixant les droits de douane avec les Etats-Unis sans consulter les dirigeants français.
- Il devient très difficile pour E. Macron de dissimuler qu'il n'est qu'un ministre allemand.
- La situation politique est donc la suivante en août 2025 : la droite + PS simulent l'opposition à Macron, mais ne proposent rien d'autre en réalité qu'une politique allemande; L'élection de G. Meloni n'a pas changé la donne en Italie.
- La mobilisation de 100% des médias contre Mélenchon en fait un opposant plus crédible à la politique allemande. La radicalisation du discours de Mélenchon est, selon moi, un effet de la grève générale des Gilets jaunes. Elle a eu pour effet de faire passer les partis socialistes et les syndicats pour des sociaux-traîtres arrosés par le Capital. Mélenchon a su apparaître comme étant moins social-traître que ses ex-partenaires.
- Le mouvement des Gilets jaunes n'a pas connu d'éclipse : les cinq dernières années portent sa marque. C'est un mouvement révolutionnaire en puissance. Il fait pression dans ce sens et continue d'exister comme tel. Les programmes des partis politiques sont conçus à la fois pour diviser les Gilets jaunes (en pointant des boucs émissaires : les immigrés, le fachisme, Poutine, Trump, etc.) et pour récupérer certaines de leurs revendications. C'est Mélenchon qui récupère le mieux l'aspiration à un changement radical de politique.
- C'est la révolution elle-même qui est une renaissance : l'inertie ou la mort des anciennes institutions politiques impose largement l'idée de révolution.
Parler de VIe République serait révolutionnaire si le droit ou la constitution pouvait produire par elle-même, mécaniquement, des effets : mais c'est une conception utopique et totalitaire de la révolution (celle de Winston Smith).
- Les Gilets jaunes peuvent se passer d'un leader charismatique, mais pas d'un objectif ni d'une organisation économique de secours pour pallier l'effondrement de l'Etat endetté auprès de l'Allemagne. L'objectif de destruction de l'Etat profond me paraît le plus oecuménique possible, en évitant absolument de confier ce travail à un oligarque comme Trump l'a fait, et en évitant toute tournure polémique : en commençant pas les hauts fonctionnaires et les parlementaires inutiles. Il faudrait trouver une activité socialement utile aux 150.000 jeunes fonctionnaires de police affectés à la protection de l'Etat profond qui, en disparaissant, n'aurait plus besoin d'une telle protection.
Entendu sur France Inter ce matin, il y a un truc qui se prépare en septembre justement avec les gilets jaunes, un appel à mettre la France en panne. Tu es au courant ?
Oui, je suis au courant, les réseaux sociaux permettent d'être en contact avec les principaux groupes de Gilets jaunes.
La crise budgétaire aggravée par la pression de D. Trump sur l'Union européenne rend la position de l'oligarchie de plus en plus intenable, je parle en particulier des partis politiques institutionnels et des centrales syndicales chargés de simuler une opposition à la Commission. Les dirigeants allemands ne font même plus semblant de faire croire que l'avis de la France compte.
On évoque aussi la possibilité d'un "coup d'Etat" déguisé en procédure judiciaire de redressement, tel que la Grèce a connu en 2015, mais aussi l'Italie dirigée par Mario Draghi : il permettrait de supprimer tout risque que Mélenchon soit élu - c'est le seul candidat que l'oligarchie ne contrôle pas à 100% (mais seulement à 50%).