Je constate que la statue d'Einstein commence de vaciller. Il commence d'être critiqué dans des cercles moins confidentiels que le mien. Déjà il y a quelques années, lors d'un colloque scientifique international, j'avais pu observer que les "experts" présents, au lieu d'accommoder leurs nouvelles théories physico-mathématiques aux spéculations officielles d'Einstein, avaient plutôt tendance à les contourner, gênés par cette assimilation de l'espace au temps par un tour de passe-passe algébrique, voire à proposer Bergson à la place d'Einstein.
Mais j'ai toujours cru que Darwin tomberait avant Einstein. Notamment parce que le renfort de l'idéologie évolutionniste au meilleur des mondes capitaliste (concurrence = progrès) est assez flagrant et susceptible de mettre la puce à l'oreille du public, même profane. Sans compter le refus des savants évolutionnistes d'admettre leurs erreurs passées, ou à mots couverts seulement (Y. Coppens) ; enfin le caractère sensible de délire religieux de la part de Pascal Picq.
Nitche, pur conservateur, comme souvent les descendants de paysans polonais, contredit Darwin : il ne croit pas qu'il y a évolution, mais régression. C'est d'ailleurs le seul point de convergence avec le christianisme et le marxisme opposés, pour lesquels le progrès ne peut être que spirituel et individuel, contre le pharisaïsme ou la philosophie morale (existentialisme). Nitche est une sorte d'architecte qui n'aurait pas compris que l'architecture est un "art du mouvement".
Le délire propre à Nitche est de croire l'homme animé d'intentions similaires à celles de l'animal, plus encore que Darwin (on peut penser en effet qu'un préjugé favorable à l'idée de progrès politique ou social a conduit Lamarck ou D. à croire que les espèces animales, elles aussi pouvaient "progresser").
Je propose donc une théorie de l'évolution de l'espèce humaine, mieux adaptée aux mouvements de l'âme humaine, et notamment à celui de la masse des hommes : "L'évolution de l'espèce humaine passe par la destruction régulière de son élite ou de son clergé, qui redevient comme la sangsue un parasite dès lors qu'elle ne subvient plus au besoin de soulager efficacement le peuple des maux qui infectent le corps social."
Une théorie qu'on ne risque pas d'entendre beaucoup, puisque l'évolutionnisme de Darwin est essentiellement une théorie cléricale, qui réaffirme l'idée de progrès social et renforce ainsi la position morale éminente du clergé républicain.
Avec l'idée d'évolution, bien qu'elle soit exactement du même tonneau que la "modernité" selon Nitche, un futurisme plutôt qu'une nostalgie, Darwin a composé dans le domaine de la morale pure un rêve bien plus efficace que le mépris affiché de Nitche pour le peuple. Bien que Nitche a parfaitement compris le rôle indispensable de la musique et du mensonge pour mener le peuple au gré du clergé, il est lui-même largement malhabile à composer des mélodies qui flattent le peuple pour mieux le berner.
Commentaires
Vous prenez des raccourcis assez étranges!
"Idéologie évolutionniste... concurrence = progrès"
Ce qui sous entend évolution=progrès. Or cette théorie n'affirme rien de tel.
L'évolution n'est pas un progrès, il s'agit "simplement"(rien n'est vraiment simple en ce qui concerne cette théorie) d'une adaptation à son milieu par les mécanismes de la sélection naturelle. Il n'y a pas là de quoi tirer la conclusion que toute adaptation à son milieu est un progrès!
Une adaptation peut passer par une simplification, et peut également ne pas être un progrès pour l'individu: étudiez par exemple la question de la sélection sexuelle, qui génère souvent des handicaps.
J'ajouterai également que la théorie actuelle réfute toute idée de hiérarchie au sein de l'évolution. Un humain est plus complexe qu'une bactérie moderne, mais en aucun cas "plus évolué". Tous deux sont le fruit de plusieurs milliards d'années d'évolution divergente. Je suppose que vous êtes de ceux qui pensent encore que les poissons ont "cessé d'évoluer", sont restés à un "stade inférieur", alors que reptiles et mammifères "évoluaient encore" sur terre. La bonne blague. La sélection naturelle agit à tout moment et sur toute espèce: l'évolution n'est PAS une échelle progressive menant à l'homme, qui serait son aboutissement...
J'ignore si Darwin lui-même faisait la confusion, mais la distinction entre évolution et progrès est bien claire aujourd'hui.
Je dois donc dire que du coup, votre discours me parait assez flou.
La théorie serait avant tout une invention politique, économique?
Vous avez raison. Je mentionne que la concurrence économique et industrielle est présentée souvent comme un facteur de "progrès" par les idéologues libéraux, un nouveau modèle de développement rendant caduc le précédent en raison de sa meilleure adaptation. Sans souscrire aucunement à cette conception naïve du développement économique à l'infini. J'ajoute que les pères fondateurs des théories libérales ne sont pas dits "physiocrates" par hasard. Leur idéologie a bel et bien un caractère physique ou biologique (ce qui est, soit dit en passant, le cas de la science juridique et de la politique en général, qui raisonnent fréquemment en termes biologiques).
- Cela dit je ne crois pas comme vous que la différence entre progrès et évolution soit bien claire dans l'esprit de tout le monde aujourd'hui. Vers quoi tend le progrès social, par exemple ? Vers l'égalité des richesses entre tous ? Dans ce cas il est une vaste blague. Quant au "progrès technologique", horizon souvent assigné aux nations libérales aussi bien que soviétiques, il est très différent du progrès scientifique à proprement parler, comme de véritables savants et non des experts scientifiques l'ont déjà signalé (vous pouvez trouver une idéologie du progrès technologique, rapprochée de l'évolutionnisme, dans les bouquins de Pascal Picq, pas très éloigné du délire religieux républicain).
Mon propos est donc de dire que les régimes républicains ont une morale et une technologie, mais non une science. Observez aussi ce que doit la technologie humaine à l'imitation des aptitudes et forces des espèces animales, voire végétales.
Quoi qu'elle déplaise aux moralistes insanes, comme Nitche, l'adaptation est bel et bien la vertu réelle qui sous-tend les sociétés humaines.
Merci pour ces précisions.
Il est vrai que la distinction entre progrès et évolution n'est pas toujours bien comprise, et le progrès une notion tout à fait subjective...
Je ne suis absolument pas d'accord avec vous concernant vos idées "physiocrates" .
J'ai poursuivis la lecture de votre site, en me penchant plus particulièrement sur l'idée que vous vous faites du vivant, de la science, et de l'évolution en particulier.
J'ai retenu quelques phrases :
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« Si le progrès d'une espèce dépend du hasard, cela revient à dire que le singe était prédestiné à devenir un homme, comme on peut s'en rendre compte "a posteriori". »
« Darwin et le néo-darwinisme sont si peu détachables de la morale libérale que le lobby chrétien libéral qui tente d'imposer la reconnaissance du transformisme darwinien par l'Eglise catholique ne dispose d'AUCUN ARGUMENT CHRETIEN NI SCIENTIFIQUE pour appuyer une démarche qui relève de la plus pure idolatrie »
« Ce qu'il faut retenir, c'est que les hypothèses de Lamarck et Darwin sont plus scientifiques que celles de leurs disciples néo-darwiniens.
Darwin croit comme Lamarck dans l'hérédité des caractères acquis »
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Darwin se distingue justement de Larmarck sur le point de l'hérédité des caractères acquis. Lamarck était transformiste (les individus se transforment et transmettent leurs caractères acquis), alors que Darwin ne l'était pas : il existe une variation entre les individus d'une espèce, et c'est la reproduction différentielle des individus qui va mener à une modification progressive d'une population (pas de transformation des individus).
Le néo-darwinsime se distingue des théories antérieures par le fait qu'il balaie toute idée de hiérarchie au sein du vivant, toute idée de progrès. Il y a lutte pour la survie, mais cela ne mène pas à une amélioration, cela mène tout simplement à la survie des plus adapté à un environnement donné. L’environnement étant changeant, le plus adapté au temps x ne le sera pas forcement au temps y.
Prenez le singe que vous citez en exemple. Les grands singes comme les chimpanzés sont nos contemporains. Ils sont donc à distinguer des primates ancêtres des hommes et des chimpanzés. Une affirmation telle que "le singe était prédestiné à devenir un homme" est un non sens.
Les singes ne sont pas devenus des hommes, le transformisme est une théorie caduque !
Une population ancestrale de primates s'est scindée, il y a eu divergence progressive et l'apparition de plusieurs espèces distinctes. On ne peut pas désigner sous la même dénomination nos ancêtres et nos contemporains. Il n'y a pas eu transformation d'espèce, mais scission d'une espèce ancestrale en plusieurs espèces distinctes. Les chimpanzés ne constituent pas une population fossilisée de nos ancêtres. C'est une espèce récente, fruit de l'adaptation à un milieu différent de celui de l'homme.
Ensuite, l'idée de prédestination est un non sens. Les mutations, duplications de gènes et autres mécanismes moléculaires à la base de la diversité des caractères sont aléatoires, ce qui ne veut pas dire que l'évolution d'une espèce se fait au hasard. Elle se fait par sélection naturelle.
La sélection est un processus aveugle. Les individus vont se reproduire de manière différentielle selon leurs caractéristiques intrinsèques et leur environnement, et c'est ce phénomène qui peut mener à des phénomènes de spéciation. Je ne vois pas dans ces mécanismes une quelconque prédestination.
Je vous invite à lire le livre "Ni Dieu, ni Darwin" De Dominique Guillo qui décortique mieux que moi les nombreuses confusions liées à la théorie de l'évolution.
Je ne relèverai pas l'assertion selon laquelle aucun argument scientifique soutient la théorie de l'évolution, ils sont innombrables, à vous de vous instruire sur le sujet si la question vous intéresse.
Pour conclure, je dirai que dans la nature, on peut voir de tout, de la coopération, de la symbiose comme du cannibalisme. Attribuer à une idéologie des caractères "physiocrates" peut à la fois ne rien et tout vouloir dire...
De nombreux scientifiques ont récemment mis en exergue l'importance de la symbiose au cours de l'évolution : mitochondries, chloroplastes, ... la symbiose, plus que le conflit et la concurrence serait un moteur de la complexification du vivant...
Après, il est tout à fait possible que certaines politiques cherchent des justifications dans la nature qui nous entoure. Mais cela n'est certainement légitimé par les études scientifiques actuelles dans le domaine des sciences du vivant.
- Ce n'est pas le progrès qui est une notion subjective, mais la modernité selon moi, dont l'idée d'évolution est très proche.
- L'historien des sciences qui affirme que Darwin a repris la thèse de l'hérédité des caractères acquis est Claude Allègre (thèse abandonnée par les néo-darwiniens spécialistes de la génétique ultérieurement). Il est vrai que C. Allègre prend aussi la fantaisie du "voyage dans le temps" pour une hypothèse scientifique sérieuse.
- Je ne dis pas que tous les évolutionnistes traduisent l'évolution comme un progrès, mais que beaucoup le font, et que c'est ce qui a fait, "à l'origine", le succès de la théorie de Darwin, et continue auprès du grand public.
Notez que l'évolution sociale peut être perçue aussi comme une mutation sans progrès (Marx), ou comme une évolution vers des lendemains qui chantent (Rousseau).
- Si je comprends bien dans votre conception, c'est l'environnement qui fait la loi. Il faudrait que vous me disiez en quoi l'environnement n'est pas lui-même vivant, ou en quoi consiste la barrière entre les animaux, les végétaux et les minéraux, plutôt que d'évoquer des notions abstraites telles que le temps ou le hasard.
- Si le destin est aveugle, l'aléa que vous citez, sorti du même tonneau l'est tout autant.
- "Après tout il est possible que certaines politiques cherchent des justifications dans la nature..." Non, c'est une CONSTANTE depuis la nuit des temps que la morale, la politique et le droit s'appuient sur des lois naturelles afin de renforcer leur légitimité. Mon propos est de dire que le darwinisme joue ce rôle dans la société occidentale moderne et que c'est ce qui explique la quasi-impossibilité de le critiquer dans les médias, même superficiellement.
Prenez le discours d'un type comme Stephen Gould : son argumentation a presque le caractère d'une somme théologique, de par le volume et la nature des arguments qu'il emploie, très souvent juridiques.
Pour résumer, Qwer, tant que vous ignorerez cette tendance multimillénaire des sciences juridiques ou morales à se rattacher à la science physique ou naturelle pour renforcer leur légitimité, vous ne pourrez pas comprendre le sens de notre propos, qui consiste à dire que l'évolutionnisme occupe la place d'une science sacrée dans le régime libéral (ou nazi précédemment).
- Comprenez que toute science physique ou astrologique, astronomique, biologique, indépendamment du fait de savoir si elle est exacte ou erronée, court le risque d'être récupérée par les autorités morales ou politiques (Evidemment, dès lors que les savants sont des fonctionnaires ou des laborantins, le risque de corruption intellectuelle est d'autant plus grand.)
- Or il se trouve que l'évolutionnisme reflète trop de préjugés sociaux, politiques ou moraux, pour qu'on ne se pose pas la question, en toute indépendance, si comme la géométrie fut au régime théocratique égyptien, parmi les plus totalitaires de toute l'histoire, l'évolutionnisme ne serait pas fait des mêmes ingrédients, une sorte de "droit naturel" plutôt qu'une véritable science expérimentale.
- Ces préjugés reflétés sont : 1/Le caractère hypothétique : l'hypothèse est le mode privilégié du raisonnement religieux et non scientifique, qui s'appuie sur l'expérience. S'agissant de l'observation initiale d'espèces animales divisées en sous-espèces, on trouve autant d'espèces "stables".
2/ La généalogie n'est jamais loin de la dévotion religieuse : sauf qu'en l'occurrence, les évolutionnistes ne sont même pas capables de fournir un arbre généalogique à peu près cohérent.
3/ Plus suspect encore, à tel point que je ne suis même pas sûr que Darwin pourrait cautionner le néo-darwinisme, le "coup du hasard". Comment les différents facteurs d'évolution s'accordent-ils ? Par hasard ! Ben, dame, en voilà une explication scientifique. Ou bien les 500 pages grotesques de Stephen Gould qui croit convaincre en accumulant des arguments disparates, contradictoires, et dont beaucoup ne sont pas biologiques. Notez que le hasard dispose d'une appellation religieuse consacrée, c'est le "destin", qui a le grand mérite lui aussi de tout expliquer et justifier... "a posteriori". Le destin ou le hasard est probablement l'explication qu'une abeille donnerait à son existence si elle pouvait parler, mais je ne crois pas qu'il soit très scientifique de la part d'une personne humaine de se mettre à la place d'un animal pour mieux le comprendre ; ainsi on sera automatiquement entraîné à conclure à la continuité des espèces.
- Enfin je ne m'étonne pas que la religion bouddhiste soit particulièrement portée à croire les hypothèses évolutionnistes vraies. Dans l'animisme et la métempsycose, il y a déjà une idée de continuité des espèces. Mais l'animisme, la survivance de l'âme après la mort ne me paraît pas une hypothèse très scientifique, bien qu'elle sert le dessein des manipulations religieuses ou politiques.