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Dard d'art (1)

Le b.a.-ba de l'art consiste à éviter la fréquentation des bourgeois et se mettre à l'abri de leurs efforts pour placer l'art sur le trottoir, entreprise de proxénétisme perfectionnée par le cinéma. Sûr qu'un éleveur de porcs sagace pourrait effacer, grâce à l'usage du cinéma, toute réticence de la part de son troupeau à se rendre à l'abattoir.

Dans l'histoire du panurgisme, le cinéma occupe une place privilégiée.

Il n'est pire aveugle que celui qui séjourne dans une salle de cinéma, foetus peu récalcitrant au massacre avenir. Maudis soient les apôtres du cinéma, quand ils ne se sont pas déjà eux-mêmes placés sous le signe indien.

L'art est un scandale au regard de la société, le pieu qu'Ulysse enfonce dans l'oeil de Polyphème pour le tuer. Le cinéma, lui, est une scandale aux yeux des gosses, une pédophilie hyper-cruelle.

La société elle-même en fait l'aveu quand elle recommande d'accoutumer progressivement l'enfant aux produits cinématographiques les plus primaires ou débiles, réservés aux adultes. L'éthique républicaine est ici prise en flagrant délit, comme la morale catholique romaine auparavant, de prévoir et organiser la régression morale. Recommandations de pédagogues au demeurant parfaitement hypocrites, puisque la publicité à laquelle sont exposés les enfants est aussi pornographique, un viol équivalent aux séquences ultra-violentes des films de guerre. Si les ligues de vertu sont les meilleures alliées des pornocrates, comme le régime des Etats-Unis le prouve, où les deux entreprises apparemment adverses prospèrent simultanément, c'est pour la raison que pornocratie et ligues de vertu ont en commun un mobile essentiel, celui de la défense de la propriété.

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A un artiste en herbe qui se plaint que la bourgeoisie française investit peu dans l'art contemporain, comparativement à sa cousine d'Outre-Atlantique, je réponds que c'est au contraire une chance, un risque moins grand d'être corrompu. Tant mieux si la bourgeoisie française préfère se vanter à travers les tartouillades de Monet ou de l'architecture selon Picasso, plutôt que des exploits de jeunes artistes élevés en batterie dans les Ecoles des Beaux-Arts. C'est la meilleure chance d'échapper à une carrière artistique conçue comme celle d'un bidasse, dans l'espoir d'un quart d'heure de gloire. Les âmes des soldats crevés sont autant de petits papillons piqués dans les vitrines de la bourgeoisie ; bien sûr aucun artiste ne se jettera avec le même entrain sous les roues des chars de l'élite républicaine.

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