J'ai reçu de mes parents une éducation assez puritaine, que j'ai tôt rejetée sans tomber dans l'excès inverse du libertinage. Probablement n'ai-je fait là que trouver mon équilibre au sein d'une société particulièrement déstabilisante pour les jeunes gens, sous le couvert de pédagogies hypocrites ou inopérantes.
Cette quête vitale d'équilibre, si elle prend trop de temps, détourne l'homme des questions spirituelles ou scientifiques, que le problème du bonheur met à distance. La quête du bonheur, plus encore que le bonheur lui-même, détourne de la vérité.
Contrairement aux religions païennes anthropologiques, où il n'est question que de la meilleure exploitation des ressources naturelles possible pour l'homme, science et spiritualité se confondent dans le christianisme, comme l'a si bien compris et expliqué le théologien Francis Bacon, en tentant de prévenir les effets catastrophiques de la confusion des arts libéraux ou technocratiques avec la science.
Cette confusion entraîne une pataphysique ou un art moderne complètement creux, une culture de mort. Le culte démoniaque de la mort, si répandu dans l'Occident moderne, ne fait que traduire l'impact de la technocratie, qui a pour effet de résumer l'individu à sa personnalité juridique, c'est-à-dire de l'enfermer complètement dans le carcan social qui lui paraît le plus propice. L'élitisme se nourrit de ce culte identitaire, et les élans de fraternité des curés existentialistes sont parfaitement hypocrites ou imbéciles.
Dans le même esprit que Bacon, Marx juge que les élites qui font de la question du bonheur une question essentielle ont cessé de penser. Si les chrétiens se préoccupent aussi peu de la question du bonheur, c'est pour la raison que cet état s'accommode de la souffrance, ce qui n'est pas le cas du Messie, contrairement à la société qui torture à loisir ses victimes.
La paix véritable n'est pas accessible à l'homme par ses propres forces, et on voit que l'idée de paix se confond aujourd'hui avec les loisirs crapuleux du petit bourgeois capitaliste.