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Dionysos en boîte

En somme la société ne désire qu'une seule chose, elle est toute tendue vers elle, et cette chose c'est jouir, ou bien souffrir le moins possible. Pour les femmes, en dehors de quelques amazones, cet idéal de bonheur est associé à l'idée de paix, plus conforme à leur physiologie. Pour les hommes la guerre est tout aussi jouissive, en dehors de quelques intellectuels qui préfèrent dominer par la ruse.

Chez les femmes et les intellectuels, la notion de jouissance est d'ailleurs souvent relativement floue. J'ai fréquenté ainsi une musulmane qui refusait d'admettre qu'elle jouissait, de quoi que ce soit ; car, pour elle, jouir signifiait "être occidental", et par conséquent faire partie de cette masse de putains et de maquereaux qui lui inspiraient un immense dégoût. Elle avait donc une notion très conceptuelle de la jouissance.

Pourtant, c'est souvent aux yeux des meilleurs jouisseurs que la société, d'où vient la justification religieuse de la jouissance, n'a que peu de valeur. Comme ces oeuvres de fiction écrite pour le divertissement et la jouissance du lecteur, qui perdent tout leur intérêt dès lors qu'on en connaît la fin.

C'est ce qui fait que les personnes qui souffrent accordent parfois à la vie un prix plus grand que ceux qui jouissent et qui, d'une certaine façon, ont fait le tour de la question sociale - à qui la vie apparaît comme la musique, un peu répétitive et limitée dans son propos. 

L'éloge de la souffrance n'a pas, contrairement à ce que prétend Nitche, de caractère chrétien. Simplement comme le christianisme est indifférent à la société, comme il affirme qu'elle est dépourvue de la moindre valeur spirituelle, il est muet sur le sujet du bonheur, vers quoi tendent toutes les doctrines sociales, et qu'elles procurent inégalement. Contrairement à beaucoup de religions païennes, dont la plus banale est sans doute l'épicurisme, forte de l'attente sociale du monde, les apôtres chrétiens ne proposent pas de recettes pour être heureux.

Comme il n'existe pas de société sans esclaves, il n'en fallait pas plus pour que certains esprits cyniques ou débiles se glissent dans cette lacune apparente du christianisme afin de s'en servir comme d'une contrainte et d'un moyen pour justifier l'esclavage et l'enchaînement au monde.

Comment le Messie, qui est venu délivrer l'homme de sa nature, non pas parfaite mais chancelante, pourrait-il accabler celui qu'il désire sauver du fardeau d'une souffrance supplémentaire ?

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