On trouve chez Baudelaire une théorie de la "femme réactionnaire", que l'on peut résumer ainsi : - plus proche de la Nature que son compagnon (naturel), la femme est plus réactionnaire que lui. Bien sûr Baudelaire n'emploie pas ce mot, qui sera utilisé par la suite au XXe siècle par les partisans de la modernité comme une insulte visant les partisans d'une "tradition" plus ou moins définie, dont F. Nietzsche me paraît le représentant le plus intéressant ; la notoriété de Nietzsche tient largement à ce qu'il associe le christianisme à la modernité qu'il vomit.
Il y a nécessairement une connotation apocalyptique et chrétienne derrière la notion de "modernité", quoi que cette connotation soit souvent dissimulée. Il est difficile de concevoir le progrès en dehors du christianisme ; à moins de le ramener au seul progrès technique : or celui-ci est passif, principalement dû au hasard ; le darwinisme social sous toutes ses formes (nazie, capitaliste ou communiste) n'est qu'une sorte d'idéologie du progrès automatique.
On pourrait dire que la femme fait corps avec la Nature, et que cela inspire à Baudelaire un dégoût du sexe féminin. Le patriarcat juif est certainement lié à cette notion* : la femme a plus de mal que l'homme à penser contre la Nature.
On pourrait dire que le paganisme est plus égalitaire, fondé sur la complémentarité naturelle des sexes, sur laquelle la répartition du travail repose dans certaines cultures.
La notion de Salut n'a guère de sens du point de vue païen, tandis que le judaïsme est entièrement organisé autour d'elle*, et le message de Jésus-Christ plus nettement encore. Jésus condamne le clergé juif qui s'était approprié la Loi. On peut traduire la fuite symbolique du peuple Hébreu hors d'Egypte comme le rejet de la religion païenne.
Le judaïsme auquel Jésus-Christ se heurta était presque entièrement dépourvu de spiritualité, une sorte de judaïsme-réflexe, ramené à une collection de rituels qui déclenchent la colère du Christ.
- Et le féminisme contemporain, n'est-il pas tout sauf "réactionnaire" ?
En apparence le féminisme contemporain est tourné vers l'avenir et non vers le passé. Mais il faut dire d'abord que le féminisme ne représente pas un point de vue féminin, mais celui de l'Etat moderne et de tous ceux, hommes ou femmes, qui adhèrent à cette formule que l'on peut qualifier "d'égalitariste". L'Etat moderne est un Etat religieux. Or, ne voit-on pas que l'égalitarisme, loin de contribuer à l'amélioration de la condition des femmes, incite à une compétition naturelle féroce entre les nations et entre les individus ? La religion égalitariste abolit quelque peu la différence biologique, mais non la compétition et la violence.
Pour les chrétiens, l'Occident moderne reste soumis à la Nature à travers l'illusion du progrès technologique ; en dépit des slogans étatiques vaniteux, l'Occident ne maîtrise pas les technologies d'où il tire sa puissance. Le capitalisme est pratiquement hors de contrôle depuis la fin du XIXe siècle (et non depuis 2008 !). Même un philosophe néo-païen tel que Nietzsche paraît moins soumis à la Nature que bien des fanatiques partisans des valeurs égalitaristes de l'Occident moderne.
*La transmission matrilinéaire de la "judéité" est une théorie juive talmudique, dont on peut dire qu'elle s'assoit sur l'esprit du patriarcat juif. Il existe d'ailleurs des sectes juives qui s'y sont opposé au nom de la Torah, c'est-à-dire de la Loi juive écrite.
Le judaïsme identitaire est donc talmudique : c'est celui qui est décrit par Shakespeare à travers Shylock dans "Le Marchand de Venise", parallèlement à un catholicisme qui n'est pas moins identitaire (c'est pourquoi la pièce de Shakespeare n'est pas antisémite : elle renvoie dos-à-dos le judaïsme talmudique et le catholicisme identitaire des bourgeois vénitiens qui méprisent Shylock).