Quand le IIIe Reich s'encombrait d'une théorie darwiniste complexe du "surhomme aryen", l'impérialisme de l'OTAN au XXIe siècle se contente du slogan des "valeurs occidentales". Est "occidental" tout ce qui va dans le sens du commandement militaire de l'OTAN (Donald Trump après Joe Biden), et est "anti-occidental" tout ce qui s'y oppose.
Définir l'Occident est une chose difficile, voire impossible. Les définitions contradictoires entre elles abondent. Tentons quand même une définition large, à partir de Nietzsche, qui se montra le plus critique vis-à-vis de l'Occident moderne ; on pourrait presque dire que Nietzsche a fantasmé la conversion à l'Orient immobile d'un Occident agité comme une nef dans la tempête. A l'opposé, malgré sa tête de Mongol, Lénine voyait pratiquement dans l'Occident "le sens de l'Histoire".
On peut donc définir très largement l'Occident comme "la partie du monde où les Evangiles ont eu des conséquences politiques flagrantes". Shakespeare a illustré les démêlés du droit romain, perpétué par l'aristocratie européenne, avec l'esprit évangélique de plus en plus difficile à censurer à mesure que l'alphabétisation progressait. Un exemple : le clergé catholique a introduit au Moyen-Âge la notion de "libre arbitre" contre une culture romaine providentialiste où le "libre arbitre" n'a pas de place. Au XVIe siècle les réformateurs protestants ou humanistes vont bouleverser à leur tour l'ordre public établi.
On peut lire dans Shakespeare une ébauche de la théorie de la lutte des classes : en effet le tragédien anglais indique non seulement le cours conflictuel de l'Histoire, mais il souligne l'affrontement entre la vérité politico-religieuse officielle (Claudius & Gertrude) et la vérité révélée (Hamlet).
Shakespeare anticipe de plus d'un siècle et demi l'érection par la bourgeoisie occidentale de l'Argent comme un Dieu commun universel. K. Marx s'occupera plus tard de caractériser la théorie libérale comme la nouvelle théologie, conférant à l'Argent le statut de raison universelle.
Je mentionnerai deux exemples de définitions erronées de l'Occident, mais non sans souligner d'abord que la philosophie de Hegel est le plus pernicieux des "occidentalismes" ; elle pose en effet subtilement l'équation de la volonté arbitraire des élites et de l'Histoire. L'Histoire ne sert plus à éclairer l'action politique, mais à légitimer les élites en place. Le sens hégélien de l'Histoire équivaut à la direction indiquée par Donald Trump, le chef de l'OTAN. L'hégélianisme est l'anéantissement de la philosophie au profit du calcul.
Réduire ou ramener l'Occident aux "valeurs romaines" est une ineptie colossale, compte tenu de la relégation politique de l'Europe au XXe siècle, une relégation politique dont les puissances impérialistes britannique, française et allemande, sont très largement responsables. Ramener l'Occident aux valeurs romaines revient à peu près à prendre au sérieux la restauration de ces valeurs par Napoléon Ier, en comparaison de qui Néron fait figure de génie politique. Un Romain un peu moins bouffonesque que Napoléon (Cicéron) aurait vu dans le culte rendu à l'Argent par la bourgeoisie européenne un culte rendu à la Némésis.
Selon l'essayiste nord-américain Harold Bloom (1) (1930-2019), la culture occidentale n'est qu'un chapitre de plus ajouté à la philosophie de Platon. Là encore, le point de vue est inepte, excluant Machiavel, Shakespeare, Hobbes, Marx, Nietzsche... L'intérêt de ce constat erroné est qu'il revient à poser l'équation de la culture nord-américaine et de la culture occidentale.
On a donc tort de présenter les Etats-Unis comme un pays "anglo-saxon". L'idéalisme de la culture nord-américaine explique pourquoi c'est une nation aussi hostile à l'art, sous une autre forme que la modélisation mathématique.
*H. Bloom ne fait que reprendre une thèse antérieurement développée par l'essayiste britannique Alfred North Whitehead, qui réduit pour sa part l'Occident au XXe siècle. Une analyse plus approfondie que celle de Whitehead montrerait la soumission de la philosophie à l'ingéniérie au XXe siècle. Le XXe siècle est "platonicien" dans la mesure où ses penseurs emblématiques sont soumis à la géométrie algébrique.
Commentaires
Le dernier sommet de l'Otan vient de prouver que l'Occident existe et non l'Europe. A part la France tout le monde a léché les bottes de l'Oncle Sam le vrai patron de l'Occident qui se réjouit des perspectives juteuses des futures commandes otaniennes pour les industries d'armements américaines L'Occident à ce jour vient de prouver qu'l existe en aidant Israël à écarter la menace nucléaire iranienne. L'inexistence de l'Europe n'entraine pas celle de l'Occident heureusement.
Il me semble au contraire que Donald Trump soutient ma démonstration. Car si le patron de l'OTAN existe, et qu'il incarne presque à lui tout seul l'Occident, bien malin qui peut dire ce qu'il veut exactement. Bien malin qui peut définir l'Occident à partir de Donald Trump !
Je rappelle qu'il a été élu en partie par des citoyens qui haïssent l'Occident impérialiste et qui l'ont mandaté pour qu'il mette un terme à la partie "romaine" de l'histoire des Etats-Unis (1940-2024). Pour les électeurs de Trump, l'Occident c'est l'Europe, dans le sens le plus péjoratif.
Le jeu de Macron est encore plus difficile à lire puisqu'il dit et fait tout et son contraire le lendemain depuis qu'il a été élu... par des girouettes ?
- J'aurais peut-être dû préciser que ma propre définition "nietzschéenne" a été rendue caduque par la mondialisation. Même les talibans afghans, qui expriment une haine viscérale de l'Occident, une haine rituelle, sont en fait déterminés par lui, bien plus que par le Coran. De même l'imam Khomeiny avait reconfiguré le Coran comme une arme contre l'impérialisme américain.
Difficile de voir dans l'Occident en 2025 autre chose qu'un impérialisme décomplexé.