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  • La Guerre (mondiale) des Sexes

    Il n'est pas une semaine qui passe sans que l'actualité ne fournisse une illustration à la guerre des sexes. J'en citerai deux exemples récents : - le procès truqué des "violeurs de Mazan", et la campagne pour les élections présidentielles américaines, du moins telle qu'elle est rapportée par les médias européens atlantistes.

    Pourquoi le procès des "violeurs" de Mme Pélicot est-il truqué ? 1. Parce qu'il est médiatique et médiatisé : il s'agit à travers ce procès-spectacle de dire aux Français les plus faibles d'esprit quoi penser. 2. Parce qu'il élude soigneusement le problème de la misère sexuelle, inhérente à la société de consommation. Les violeurs de Mazan sont des consommateurs de produits illicites (c'est plus excitant), et Mme Pélicot a épousé une sorte de maquereau-dealer-sociologue tout à fait dans le coup (le profil parfait d'un candidat à la députation).

    C'est loin d'être la première fois que les médias se servent d'une affaire judiciaire - en particulier d'une affaire de moeurs - pour endoctriner l'opinion publique française.

    Le second exemple est plus intéressant que ce procès immoral, qui ne fait pas avancer la justice (la violence à l'égard des femmes n'est pas moins grande dans les pays dotés d'une législation féministe) :

    Lle vote en faveur de D. Trump est présenté comme un "vote masculin", et le vote en faveur de Kamala Harris comme un "vote féminin" par certains journalistes européens. Aussi ridicule soit cette présentation, elle traduit une forme de diabolisation de l'homme qui n'est pas spécialement le fait du sexe féminin (les mouvements féministes sont très peu représentatifs), mais qui est typiquement cléricale, multiséculaire.

    Le féminisme qui cherche à s'imposer à travers les médias de masse est une éthique étatiste. D. Trump a su habilement faire de l'appareil d'Etat une cible, et fédérer un électorat chrétien évangéliste, par principe anarchiste et anti-impérialiste (isolationniste). Cet électorat a pris conscience, il y a déjà plusieurs décennies, de la nécessité de s'organiser contre l'appareil d'Etat, afin de ne pas se voir imposer les réformes "sociétales" des technocrates de Washington.

    L'électorat de D. Trump n'est pas moins composé de femmes que d'hommes. L'hostilité aux valeurs familiales n'est pas plus féminine qu'elle n'est masculine. Le féminisme contemporain est  une variante de l'égalitarisme, dont le démagogue D. Trump est bien obligé, lui aussi, de prendre en compte. Ce qui fait du discours égalitariste un discours totalitaire, c'est son absolutisme. L'Etat capitaliste est le plus égalitariste, en même temps qu'il est le plus inégalitaire (on retrouve-là le dispositif paradoxal mis à jour par G. Orwell dans "1984").

    Les jeunes "masculinistes" (sic) ont tort de s'en prendre aux femmes : l'incrimination des hommes est en réalité le fait d'une sorte de doctrine bureaucratique, dont Sandrine Rousseau se fait la porte-parole.

    La contribution des "masculinistes" à la guerre des sexes fait le jeu de l'Etat totalitaire. Ce sont des idiots utiles, la preuve requise par le clergé totalitaire que le diable existe bel et bien.

    Pourquoi le féminisme du parti démocrate américain est-il un cléricalisme ? Parce que l'Etat moderne totalitaire exige une légitimation religieuse - c'est un Etat non-pragmatique. Il entend régenter la vie sexuelle des citoyens en les incitant à procréer dans certaines circonstances (besoin de main-d'oeuvre ou de soldats), ou au contraire à ne pas procréer (main-d'oeuvre surabondante dans des régions du monde désindustrialisées).

    La guerre des sexes est donc dans l'intérêt de l'Etat ultra-moderne ; il est difficile pour la jeune génération de s'en affranchir, car, en Europe, l'Etat est omniprésent et appuyé par toutes les sortes de clergé ou presque ; c'est probablement encore pire au Japon, où beaucoup de jeunes Japonais font le choix radical de renoncer à la sexualité, tant le couple représente une source de conflit et d'échec social. La "valeur travail" modèle la sexualité au stade totalitaire : cela aussi, "1984" le montre.

    Cette renonciation forcée n'est pas loin de la misère sexuelle révélée par le procès Pélicot et dissimulée par les médias et leur discours sur la "culture du viol".

    Les sectes évangélistes soutenant D. Trump, dans une nation où l'emprise de l'Etat est moins large et plus récente, paraissent donc le dernier rempart en Occident de la famille. Il n'est pas rare de voir chez des défenseurs européens de la famille... un poste de télévision ! Le chrétien évangéliste américain, lui, est un peu plus sérieux : il sait parfaitement que la famille et la télévision sont incompatibles.

    Mais le renoncement de ces sectes à l'anarchisme souligne l'illusion sur laquelle leur démarche repose. En effet l'Etat capitaliste est nécessairement impérialiste et colonial. Le parti démocrate de Kamala Harris est le parti de la justification de l'impérialisme, mais le moyen de cet impérialisme est le capitalisme.

    L'égalitarisme totalitaire, les "réformes sociétales" sur le dos du tiers-monde, ne font que refléter l'économie capitaliste. La Chine moderne est le meilleur exemple que l'on puisse citer de la complémentarité de l'Etat totalitaire et du capitalisme. Mais la Chine est aussi l'illustration de la fragilité de l'Etat totalitaire. La soumission et le conditionnement totalitaire des masses n'est pas inéluctable ; la sidération des masses par les écrans de télévision, les divertissements bas de gamme, les récompenses pavloviennes, absorbent une bonne partie des forces de cet Etat : c'est là en grande partie l'explication de la faillite de l'Education nationale française, tombée au niveau des mathématiques : instruire et éduquer au-delà du niveau de l'intelligence artificielle est contre-productif pour un Etat totalitaire.

    D. Trump est donc, lui aussi, un parfait hypocrite : la dépénalisation de l'avortement est typique d'une économie capitaliste au stade tertiaire, où la production est largement déléguée à des esclaves dans le tiers-monde. La neutralité de l'Etat, neutralité "hobbésienne", dont rêvent les électeurs de Trump aux yeux desquels l'Etat centralisé incarne Satan, est une illusion semblable à celle du bolchevisme ou du marxisme-léninisme.

    Deux mots sur la "culture du viol", la vraie. Elle est inhérente à la guerre, de sorte qu'il n'y a pas de guerre, antique ou moderne, sans viols, plus ou moins brutaux, qui sont des rituels de soumission aux vainqueurs ou aux forces d'occupation. Les femmes qui couchent par dizaines de milliers, voire centaines, avec les forces d'Occupation allemandes, sont-elles consentantes ? Oui et non. Nul ne peut prétendre sérieusement qu'il se plie de son plein gré aux lois de la Nature.

    Les quelques exemples de femmes incorporées dans des armées modernes démocratiques ont montré qu'elles sont aussi capables de sévices sexuels et de tortures. Quiconque prône la guerre, prône en même temps la culture du viol.

    Ceux qui parlent de "guerres propres" ou de "guerres éthiques", de "frappes chirurgicales", on les appelle communément "pharisiens".

  • Totalitarisme et Inconscient

    Je relis "1984" en prenant des notes pour le besoin d'un petit essai que je suis en train de rédiger, intitulé "Orwell et les Gilets jaunes".

    Orwell montre clairement que le totalitarisme -qu'il ne peint pas comme un complot des élites- a pour effet d'ôter aux citoyens toute conscience morale et politique. Les citoyens d'Océania n'ont plus que des réflexes de haine et d'amour, et l'idéologie leur tient lieu de conscience politique. Cette idéologie s'impose par le biais d'un conditionnement culturel, et plus on s'élève au sein de l'appareil d'Etat, où le ministère de la Culture occupe une place prépondérante, moins on est croyant et fanatique (O'Brien incarne ce type intelligent, qui séduit Winston Smith au début de la fable, car il a un regard plus humain).

    Je note que le parti républicain de D. Trump exerce le même genre d'attrait que la "Fraternité" de Samuel Goldstein dans "1984". L'objectif affiché de D. Trump n'est-il pas de détruire "l'Etat profond" et d'émanciper les Américains d'un Etat qui a trahi l'idéal démocratique de cette nation ? Le lecteur de "1984" est averti que l'idéologie libertarienne de Trump n'est qu'un leurre, comme la Fraternité de Goldstein.

    Quel est le rapport entre l'inconscience (collective) dans laquelle sont plongés les citoyens d'un régime totalitaire par le biais de la culture de masse, notamment, et la théorie freudienne de l'inconscient ? Y a-t-il un rapport entre l'aliénation des citoyens d'un régime totalitaire et la théorie psychanalytique ?

    On doit rappeler ici ce qui oppose la médecine allemande de Sigmund Freud à la religion juive. Le propos de Freud tend à nier ou à abolir la notion de péché, centrale dans le judaïsme, et à l'assimiler à une culpabilité maladive qui bride le désir et la volonté ; la conscience du péché est, a contrario, le point de départ de la morale juive (et probablement de l'éthique grecque) ; la conscience du péché est, en effet, ce qui élève l'homme au-dessus de la bête qui, elle, n'en a pas conscience et tue en toute innocence. Le judaïsme est une religion "spéciste", et très réticente à admettre sans preuves scientifiques solides que la conscience du péché est le résultat d'un processus d'"adaptation". La conscience du péché ne va pas dans le sens de l'adaptation.

    "La Guerre c'est la Paix ! La Liberté c'est l'Esclavage ! L'Ignorance c'est la Force ! A ce moment-là, la foule tout entière s'enfonça dans une profonde et lente mélopée rythmée. C'était en partie un hymne à la sagesse et à la grandeur de Big Brother, mais plus encore un mécanisme d'auto-hypnose. Winston eût l'impression que ses entrailles se refroidissaient. Il ne pouvait pas s'empêcher de communier à ce délire général, mais cette mélopée infra-humaine le remplissait toujours d'horreur." (1984 - Partie I)

    L'abaissement des citoyens d'Océania au niveau du comportement animal est un thème récurrent chez Orwell. Le totalitarisme est, selon lui, le gouvernement de l'humanité considérée comme une espèce. Tout ce qui est propre à l'homme est éradiqué : l'humour, l'écriture, la science (dissoute dans la technologie), l'art (réduit à la propagande ou au divertissement). Il n'y a pas plus éloignés que Huxley et Orwell des diverses formules du "darwinisme social", que l'on retrouve à l'arrière-plan de la plupart des politiques technocratiques au XXe siècle.

    On retrouve cela au plan de la "novlangue" ; celle-ci réduit le langage à un outil de communication comparable à celui dont les animaux disposent ; la novlangue est conçue pour asservir les citoyens d'Océania à Big Brother, comme les espèces animales sont soumises aux cycles naturels. Simone Weil avait fait cette observation dans "Les causes de l'oppression" que l'Etat totalitaire moderne reconstitue les causes de l'oppression naturelle.

    On pense ici bien sûr au nazisme, mais aussi à la société de consommation libérale, derrière laquelle se profile l'apologie de la prédation ; le surhomme libéral a un fort pouvoir d'achat, il n'est pas beaucoup moins ridicule ni moins dangereux que le surhomme nazi...

    L'éthique des citoyens d'Océania est, par ailleurs, une éthique puritaine, c'est-à-dire une culture de mort. Ici encore, comme l'idéologie est plus enracinée chez les soutiers du régime que ses dirigeants, exactement comme la croyance dans le droit divin monarchique et ses pouvoirs magiques était plus ancrée dans le petit peuple que dans l'aristocratie, la culture de mort puritaine se retrouve au bas de l'échelle sociale.

    La bestialité d'O'Brien est aristocratique et sadienne, et Winston Smith ne peut s'empêcher d'être subjugué. Ici Orwell décrit le pouvoir de séduction du luxe et du raffinement culturel des élites dirigeantes sur la classe moyenne.

    Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la théorie freudienne a subi une altération significative ; le propos de Freud a fortement été dénaturé sur un point important : tandis que "l'inconscient" n'est pas, en soi, une chose positive pour S. Freud -il peut contribuer à entraver la jouissance normale-, il est devenu, au cours du XXe siècle, presque synonyme d'imagination. Cette "trahison" de Freud par les freudiens, au profit de la folie, s'accorde parfaitement avec le conditionnement de la société de consommation ; celle-ci a atteint son apogée au cours des "Trente Glorieuses", épisode de barbarie libérale resté invisible aux yeux des citoyens d'Océania.

    De même "le rêve américain" est-il la formulation politique d'une aspiration puritaine, très proche de l'aspiration bolchevique à la fraternisation populaire (dans le cas des Etats-Unis comme de l'URSS, l'Etat a émergé de façon "accidentelle", à la faveur de la guerre civile).

    La société de consommation est donc la formule du conditionnement totalitaire libéral, en apparence moins coercitif que le conditionnement communiste, mais en réalité seulement plus insidieux ; la société de consommation prospère sur la stimulation de l'instinct du bas peuple, comme le nazisme. Impossible de dire si la Chine contemporaine est "communiste" ou "libérale" : en revanche la pandémie de coronavirus a fait peser une menace très sérieuse sur la société de consommation chinoise, c'est-à-dire sur le principe du mouvement totalitaire.

    A la question posée au début, de savoir si Big Brother peut être décrit comme une sorte de "surmoi" freudien, on peut répondre "oui et non". Oui, car la volonté des citoyens d'Océania est bel et bien troublée, altérée : ils n'ont pas de volonté propre, déléguant à Big Brother la faculté de vouloir à leur place. Winston et Julia pèchent et se savent "corrompus" de vouloir jouir égoïstement ; cette jouissance les projette hors d'une société qui proscrit la jouissance comme une chose antisociale. La jouissance est réduite au stade totalitaire à la récompense pavlovienne.

    Mais la psychanalyse freudienne est sans doute le point d'où le totalitarisme est le moins visible. La façon dont Winston et Julia bravent momentanément Big Brother n'a pas grand-chose à voir avec la méthode psychanalytique. Comme Adam et Eve, Winston et Julia enfreignent l'Interdit suprême ; comme Adam et Eve la transgression de Winston et Julia se termine mal : l'illusion que partagent Winston et Julia de pouvoir échapper à l'emprise de Big Brother n'était, comme l'amour et comme la Fraternité de Samuel Goldstein, qu'une illusion.

    L'Etat totalitaire est une forme d'aliénation que Freud est loin d'envisager. On ne peut, du point de vue freudien, concevoir le progrès de l'humanité que comme un processus biologique évolutionniste ; or, du point de vue historique d'Orwell, le progrès passe par un éveil de la conscience du peuple, maintenu au niveau de l'instinct par la culture totalitaire.