Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Guerre & Paix

    L'économie capitaliste abolit la frontière entre la guerre et la paix. Ainsi, quand Donald Trump se présente comme un artisan de paix tout en affichant sa volonté de mener une guerre économique à la Chine et aux pays d'Asie du Sud-Est asiatique, il joue sur les mots. Il cherche à enfoncer un coin entre l'Eurasie (la Russie) et l'Asie, que la guerre en Ukraine a dangereusement rapprochés.

    La Russie communiste anticapitaliste est devenue capitaliste en raison de l'effort de guerre qu'elle a accompli contre le IIIe Reich. La peur du communisme aux Etats-Unis, entre 1945 et 1990, a largement profité au consortium militaro-industriel états-unien. La paix capitaliste ressemble à la mi-temps d'un match de rugby : il s'agit de reprendre son souffle et de se restaurer un peu. Le dopage correspond à l'usage d'armes et de méthodes interdites par les conventions internationales édictées par ceux qui les bafouent.

    La culture capitaliste est une culture guerrière. Le spectacle du rugby n'a rien de "cathartique" au sens aristotélicien du terme. Il ne s'agit pas de purger les humeurs violentes, mais bien de leur conférer un statut digne. La télévision atténue un peu ce phénomène, elle y ajoute un voile d'hypocrisie, en faisant passer la violence du rugby pour l'abus de quelques-uns, alors qu'elle est systémique.

    Il y a là encore un paradoxe orwellien puisque la culture capitaliste féministe est propice à la production de sur-mâles ultra-violents, et de sur-femelles sur le modèle de ces sur-mâles. Encore un exemple : le cinéma capitaliste (produit de façon industrielle) enjolive systématiquement la guerre. Je ne parle pas des films de propagande conçus pour exalter l'héroïsme du soldat, mais des films critiques vis-à-vis de l'instinct guerrier, particulièrement développé chez les femmes et les enfants (on raconte que les redoutables guerriers spartiates étaient entraînés par des femmes) - tandis que je pourrais citer plusieurs romans antimilitaristes convaincants, en plus de "Voyage au bout de la Nuit", je suis incapable de citer un film antimilitariste convaincant, sauf peut-être "Sacré Graal" des Monty Python, qui ridiculise le roman de chevalerie médiéval suivant Shakespeare... mais ce n'est pas vraiment un film. La guerre ressemble au cinéma à un feu d'artifice.

    La culture fasciste est une culture capitaliste : elle répond au besoin d'insuffler aux Italiens, moins efféminés que les Allemands ou les Japonais, le goût de la guerre. Le fascisme italien fait d'ailleurs penser plutôt à un défilé de mode et Orwell a raison de ne pas prendre le fascisme plus au sérieux que le cinéma.

    La politique était, pour les Grecs, l'art de ne pas faire la guerre, que les "barbares" ignoraient. Shakespeare a caractérisé cette attitude dans le personnage d'Ulysse, soulignant son opposition à Achille ("Troïlus & Cressida"), que le désir de gloire pousse au contraire vers le champ de bataille.

    Je note qu'au cours du XXe siècle où la guerre a été remise à l'honneur (les inventeurs du procédé de la bombe A sont ainsi qualifiés de "scientifiques"), la fameuse sentence de Clausewitz est souvent mal interprétée ("La guerre est le prolongement de la politique par un autre moyen"). Il ne s'agit nullement d'un adage général, mais d'un constat de Clausewitz à propos de la politique napoléonienne. La guerre s'inscrivait pour Napoléon dans le prolongement de sa politique impérialiste européenne, de même que la guerre du IIIe Reich s'inscrivait dans le prolongement du redressement économique de l'Allemagne et de son expansionnisme. Si les valeurs impérialistes romaines ont encore du crédit au XXIe siècle, c'est principalement parce qu'elles sont les mieux adaptées au capitalisme, qui rêve puérilement de s'étendre jusque sur la lune ou la planète mars.