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jacques decour

  • Merde à la Nostalgie !

    Ce que le « Journal de la Libération » de Galtier-Boissière révèle c’est l’effacement, dans un régime totalitaire, de l’histoire immédiate par le cinéma. Sans le cinoche, les gens liraient, et le récit véridique de Galtier-Boissière leur serait parvenu. Récit véridique : je n’y étais pas, mais je sens bien que c’est vrai. Tandis que le cinéma, c’est du flan, le genre de petits arrangements avec la vérité que les gonzesses aiment, pour la rendre plus sentimentale, la vérité cuite et la recuite dans l’eau de rose. A dégueuler.


    Après tout, on aurait le droit de la savoir, cette histoire-là à peine enterrée, puisqu’on en sort directement. Au lieu de ça, roulements de tambours laïcs, lettre de Guy Môquet par-ci, repentance par-là, tout le rituel factice et les mises en scène, le bal des faux-culs.
    L’Education nationale n’est pas la seule « meilleure alliée » du régime totalitaire, le cinéma l’est aussi.
    Ce qui me plaît aussi chez Galtier-Boissière, par rapport à Nimier, c’est qu’il n’essaie pas de faire du style. Il n’y a pas plus con que le style. C’est la gomina qu’on se met dans les cheveux dans l’espoir de plaire aux gonzesses. Si tous les écrivains aujourd’hui commettent l’erreur de vouloir avoir du style, c’est parce qu’ils vont beaucoup trop au cinéma. De là vient l’idée que de rien on peut tirer quelque chose.
    Donc je continue de recopier Galtier-Boissière :


    « 1er septembre 1944 – Quelques fifis ont pris des miliciens du Lycée Saint-Louis la mauvaise habitude de pointer leur mitraillette sur l’estomac des passants, et la plaisanterie est aussi peu goûtée que l’arrogance de certains blanc-becs qui barrent une rue sans raison, pour prouver au quartier qu’ils détiennent encore une parcelle d’autorité.
    J’assiste devant l’Odéon à une altercation entre un fifi de dix-huit ans, péremptoire, et un camelot quinquagénaire, décoré de la médaille militaire, qui le rabroue : ‘Ah ! dis, petite tête, ramène pas ta fraise ! T’as vu le carrefour Saint-Michel, c’est entendu, mais moi j’ai fait Verdun, figure-toi !’


    Chiffre officiel des tués de l’insurrection : Neuf cents, dont moitié badauds. Il est heureux que certaines victoires retentissantes se soldent par des pertes minimes : Valmy, la plus grande victoire des armées de la République (dont Goethe disait qu’elle ouvrit une ère nouvelle à l’humanité), ne coûta que quelques dizaines de morts, et le nombre des défenseurs de la légitimité tués lors des « Trois Glorieuses » se limita à cent trente-trois…


    3 septembre – La presse exige la mise à l’index des maisons d’édition collaboratrices : Sont visés particulièrement Bernard Grasset, Gallimard qui a livré la NRF à la propagande nazie ; le belge Denoël qui publia les étonnants 'Décombres', de Lucien Rebatet …
    Des Allemands disaient ingénument en partant : ‘Nous reviendrons dans trois mois. Nous ne pouvons vivre qu’à Paris.’
    Von Choltitz a la cote d’amour parmi les officiers qui ont traité avec lui la capitulation allemande. Le gouverneur de Paris n’a pas exécuté les ordres sauvages de Hitler, n’a pas fait sauter le Sénat, ni bombardé la ville :
    ‘Je n’ai pas voulu attacher mon nom, aurait-il déclaré, à la destruction de votre célèbre capitale.’


    6 septembre – Gallimard est un gros malin. Il ne sera pas arrêté comme Grasset car, lui, jouait habilement sur les deux tableaux. Pas fou, le vieux ! A la Nouvelle Revue Française, deux bureaux se faisaient face : Le bureau de Drieu, membre dirigeant du parti Doriot, collabo sincère, directeur de la revue NRF pro-nazie, et celui de Jean Paulhan, résistant de la première heure et fondateur, avec Jacques Decour, du journal clandestin antiboche 'Les Lettres françaises'.
    Le ‘percheron qui se pique à la morphine’ comme l’appelait Cocteau, est un as du double-jeu.


    Toute la famille du général von Choltitz aurait été passée par les armes, en Allemagne.


    La charmante gavroche Arletty a été arrêtée. On lui reproche d’avoir eu une faiblesse pour un beau fridolin.
    - Qu’est-ce que c’est que ce gouvernement, s’est-elle écriée, outrée, qui s’occupe de nos affaires de cul !
    Notre littérature a toujours applaudi à toutes les bonnes fortunes de nos militaires triomphants auprès des femmes de tous les pays d’Europe. Mais nous ne pouvons admettre qu’un vainqueur étranger remporte chez nous des succès du même ordre.


    Il paraît qu’à Drancy, du temps des juifs, les affaires ne chômaient pas. Un gendarme était appointé quinze mille francs par mois par quelques gros pontes pour porter chaque jour les ordres de Bourse.


    Georges Salvago, grand blessé de l’autre guerre, et qui s’était jeté dans la récente bagarre, me raconte qu’un vieil israélite du quartier Monceau, se réjouissait d’être à jamais débarrassé de l’équipe d’affreux miliciens qui occupaient un immeuble en face de son appartement.
    Or, quelle ne fut pas sa surprise, le lendemain de la Libération, de voir de sa fenêtre un grand banquet FFI dans le même local et de reconnaître parmi les convives tous ses miliciens de la veille.
    Il donna l’alarme et toute la bande fut promptement ‘groupée’.


    8 septembre 1944 – « La fin de la guerre est proche », déclare le général Dempsey, dans un ordre du jour.
    Jean Paulhan écrit dans le Figaro Littéraire à propos de son arrestation : ‘Drieu La Rochellle était, entre temps, courageusement intervenu en ma faveur. Je dis courageusement car il ignorait ce que j’avais pu faire.’ »