Dos à dos, un vieux militant de la CGT et un jeune CRS. Le premier sirote sans gêne un Coca-Cola frais et se marre bruyamment en direction de ses camarades. Il jouit sans retenue de tout ce boucan insolent, la grosse sono qui débite de la musique pop, les canettes vides qui roulent dans le caniveau d’une rue de Paname.
Il est midi. Pigalle et le repos du militant syndicaliste ne sont pas loin, à deux pas d’ici. Si seulement cette brave Gisèle était pas au chômedu et avait pas insisté pour l’accompagner à la manif, il se serait bien tapé une petite Russe, quitte à entamer son pouvoir d’achat ! « ‘Chier, à quoi ça tient le paradis, quand même… »
Le flic, lui, sourit à l’idée de toucher une prime pour une matinée passée à mater les culs bien roulés des petites bourgeoises qui défilent dans ce quartier privilégié. Il bombe le torse, on sait jamais, des fois qu’une des poupées s’intéresse à lui…
Car le cégétiste, c’est tout ce qu’il y a de plus prévisible et confortable pour un CRS, ils savent manœuvrer ; il transpirera même pas aujourd’hui. Il pense pas encore aux putes. Il n’a que vingt-trois ans, il préfère l'amour.
L’été jette ses derniers feux. Un bobo parisien se faufile prudemment entre les deux costauds. Il ne songe qu’à en profiter au maximum, tant que ça durera. Son mot d’ordre à lui, c'est : « Ne surtout pas faire de politique. »