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Dagen et le centaure

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Au courrier, une coupure du Monde découpée pour moi par un vieux pote. Une bafouille de Philippe Dagen, le critique d’art de l’ex-quotidien de référence des Français* à propos d’une expo. Géricault qui s’est tenue à Lyon.

Compte tenu de ce que Baudelaire dit du caractère des Lyonnais, j’hésite toujours à me rendre à Lyon (« Lyon, ville de comptoirs, ville bigote et méticuleuse… »), mais j’avais quand même feuilleté le catalogue de cette expo., avide d'y découvrir quelque reproduction inédite.

J’ai trop d’admiration pour Géricault pour ne pas réagir à l’article de Dagen. D’abord au titre - Géricault, peintre expérimental -, qui tend à assimiler Géricault à tous les baltringues qui se disent “artistes expérimentaux” pour dissimuler leur absence d’expérience dans un domaine précis en dehors de l’escroquerie aux bourgeois. Dagen est trop sournois pour ne pas l’avoir fait exprès. Ou trop conditionné, peu importe, je me fous de Dagen en particulier. Je passe en vitesse sur la justification hâtive et journalistique de cet adjectif “expérimental” collé sur le blaze de Géricault, Dagen et les commissaires tirant argument du fait que Géricault a traité des sujets très variés, ce qu’on peut dire d’à peu près tous les peintres de son temps.

La seule chose que je partage avec Dagen, c’est l’intuition que Géricault aurait pu être LE peintre essentiel de son époque s’il n’était pas mort si jeune, dépasser Delacroix, Ingres, Chassériau… Pour le reste, pour tout ce qui est de la démonstration, ce n’est qu’une grossière réduction de la peinture au produit d’une époque sommairement décortiquée. Réduire Géricault à un intello (de gauche), il faut le faire !

Il est grand temps de nettoyer les écuries d’Augias de la critique ! Tant qu’on entendra que le son de cloche marxiste, il n’y aura pas de renaissance possible – hypocrites thuriféraires de l’art contemporain qui par derrière collectionnent les dessins anciens ! (Que ces gens soient dépourvus de scrupules en public ne les empêche pas d’avoir des intuitions en privé et de fourguer leur camelote "expérimentale" à des crétins pleins aux as.)

Comparons le peintre avec un assassin : comme on explique aujourd’hui le geste d’un assassin par les circonstances, le “contexte social”, on réduit la peinture à un produit historique. C’est probablement la plus sotte des manières de juger l’assassin comme le peintre, de les transformer en éponges. Ce qu’un gugusse comme Dagen ne supporte pas, en réalité, c’est que la peinture de Géricault soit en grande partie mystérieuse, énigmatique. Le mystère n'empêche pourtant pas la critique de faire honnêtement son travail.

Je crois que c’est ça qui fait une des différences essentielles entre un Baudelaire et un Dagen : chez Baudelaire, il y a toujours le respect du peintre.

*D’après un sondage récents, les Parisiens font désormais plus confiance aux quotidiens gratuits qu'au Monde.

Commentaires

  • Pour poursuivre et prenant, dans la foulée le risque de paraphraser physiquement Jésus chassant les marchands du temple, invitez donc quelques psychologues et assimilés à un de vos vernissages. C'est beaucoup plus drôle qu'un critique d'art et cela peut changer un banal pince-fesses en performance digne de ce nom.

  • Cette exposition était largement insupportable. Pas pour Géricault – le pauvre –, mais pour les panneaux explicatifs qui nous apprenaient doctement que Géricault était limite homosexuel et aurait eu besoin d'aller voir un psy, que la France est un horrible pays colonisateur et que le cheval mort sur le dessin représentait la destinée politique de tout un monde qui s'effondrait... Enfin ce genre de conneries étalé sur deux étages, ça faisait beaucoup. Je vais essayer de retrouver le dossier de presse.

  • Oui, Dagen est plus subtil, il se contente d'essayer de prouver en quoi Géricault préfigure l'artiste-moderne-qui-comprends-son-époque, alors qu'on pourrait fort bien inverser le schéma et dire que ce sont les prémices de la révolution industrielle et bourgeoise qui "secouent" la peinture de Géricault, qu'il se cabre contre ces changements. Ce genre d'explications est insuffisant. Dans le fond il n'y a que leur démonstration qui les intéresse et ils sont emmerdés que Géricault n'ait pas adhéré au PC comme Picasso, ça aurait été tellement plus simple. En réalité il était plutôt fortement attiré par la femme de son oncle et s'est enrôlé dans la garde de Louis XVIII - mais le roman d'Aragon s'il part de ces faits est le fruit de son imagination.

    Il est vrai que le cheval revêt une signification symbolique. À l'inverse Waugh utilise le symbole d'une course automobile pour caractériser le monde moderne. Mais bien sûr ce n'est qu'a posteriori que le cheval incarne le monde que la révolution "capitaliste" a détruit. Dire que Géricault, pour justifier sa supériorité potentielle sur les autres peintres, aurait mieux "compris" le monde moderne que les autres est typique de l'imposture historique marxiste. D'ailleurs le cheval a conservé un rôle primordial juqu'à la Grande guerre.

    Ce n'est donc pas la bonne piste. Quant à la modernité de Géricault, pour moi elle réside surtout dans le fait que c'est un peintre raté - dans le sens d'inaccompli. Sa "folie" aussi plaît beaucoup aux critiques modernes, même si elle n'est pas réelle. Ce qui est vrai c'est que Géricault avait une certaine foi dans la modernité, beaucoup plus que Delacroix ou Ingres, par exemple, très méfiants, réfléchissant plus. Une foi qui l'a perdu, puisque il a investi la fortune de ses parents dans une manufacture bidon de pierres synthétiques. Vous qui aimez les symboles aussi, Poly, vous voilà servie ! On sait qu'une partie des difficultés de Géricault, qui rejaillirent sur sa carrière de peintre, viennent de ce grave revers de fortune, sa difficulté à maîtriser ses pulsions aussi, sans doute.

  • Les ruades du "Monde" ne valent pas un pet de lapin !

  • S'il est un héritier, c'est de Michel Ange, ne serait-ce que pour son exigence et sa précision chirurgicales, modernité et folie incluses.

  • Juste après vous avoir lu, je tombe sur ce morceau d'anthologie diffusé par l'université "East Anglia" et je ne résiste pas au plaisir de vous le citer. Comme quoi le réductionnisme abscons ne séduit pas seulement les historiens, les sociologues ou les critiques d'art.

    "Cracking the real Da Vinci Code -- what happens in the artist's brain?
    The brain of the artist is one of the most exciting workplaces, and now an art historian at the University of East Anglia has joined forces with a leading neuroscientist to unravel its complexities.

    Creating a brand new academic discipline – neuroarthistory – Prof John Onians uses the results from new scanning techniques to answer questions such as:

    What happens in the brain of the modern artist as he or she works?
    What happened in the brain of an artistic genius like Leonardo Da Vinci?
    How do the brains of amateur and professional artists differ?
    (...)
    Neuroarthistory can also explain why Florentine painters made more use of line and Venetian painters more of colour. The reason is that 'neural plasticity' ensured that passive exposure to different natural and manmade environments caused the formation of different visual preferences. (...)"

  • Et encore Lapin, ils ont meme été jusqu'à inventer ce qu'on appelle la "peinture naive", et y on impliqué soit disant une pseudo peintre de chez nous (et ignorante de surcroit et qui ingore tout de l'art classique, le vrai)..et nos médias et meme notre ministère de la culture ont tous mordus à l'hameçon

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