En lisant cette page d’Escales parmi les livres, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Sarko. Parce qu’il fut longtemps ministre de l’Intérieur ; parce que, président moderne, il a une épouse moderne (c’est-à-dire que lorsqu’elle a ses menstrues toute la France peut le constater) ; enfin, parce que notre Président cherche désespérément une solution à la crise et que t’Serstevens la possède peut-être, qui sait ? Au point où on en est, il ne faut négliger aucune piste.
Rapports de police
« On ne saurait trop consulter, si l’on veut bien connaître les mœurs de l’ancien régime, les rapports secrets de la police, pieusement conservés dans nos archives.
Un bon nombre ont été publiés, parfois sous le manteau, car ils ne se soucient guère de la morale ; mais j’en ai remué des masses dans le réduit de l’Arsenal, non sans le remplir d’un brouillard de poussière qui m’a obligé, en rentrant chez moi, à changer de vêtements et de linge, après une longue savonnade sous la douche.
« Ce qui m’a le plus étonné dans ces documents sans pudeur, consacrés surtout aux relations entre époux de l’aristocratie et à la prostitution élégante, c’est la précocité des filles, qu’il s’agisse des unions légales ou du dévergondage.
Elles se marient, principalement dans la noblesse, à douze, treize, quatorze, quinze ans, presque toutes avant dix-huit. Dès les seize ans elles sont des femmes accomplies, elles gouvernent leurs gens et leur maison, elles reçoivent avec grâce, elles mènent des intrigues, visitent les ministres et les gens de justice, savent les séduire et en obtenir ce qu’elles souhaitent, sans se compromettre, elles tiennent bureau d’esprit, fréquentent les hommes de lettres et correspondent avec eux sans orthographe mais dans la langue la plus châtiée.
À vingt ans, elles ont connu plusieurs maternités, élèvent leurs enfants à merveille, selon les traditions de l’époque, administrent leurs biens fonciers, sont des compagnes tendres et dévouées ou pratiquent depuis longtemps l’adultère. A vingt-cinq ans, elles finissent dans les procès, le jeu ou la dévotion.
« Presque toutes les filles débauchées dont nous parle dans ses rapports le terrible inspecteur Marais entrent dans la galanterie entre onze et quinze ans ; la moyenne, que j’ai pris la peine d’établir, est de quatorze, mais j’ai trouvé plusieurs cas de dix ans. A ces âges, elles savent déjà berner les amateurs, leur soutirer des rentes et des bijoux, conduire de front plusieurs aventures profitables, sans compter les “guerluchons”, se produire sur la scène du Français ou de l’Opéra, animer les petits soupers, bref mener une vie que pas une courtisane de vingt-cinq ans ne pourrait conduire aujourd’hui.
« Je ne sais par quelles méthodes d’éducation on est arrivé, de notre temps, à retarder le développement physique et moral des jeunes filles, sans doute parce qu’on les farcit de connaissances inutiles, au lieu de leur apprendre à vivre, à être, dès les quinze ans, des épouses attentives ou des maîtresses délurées, à parler avec esprit, à marcher avec élégance, à séduire pour le bon ou le mauvais motif, à tirer parti de l’amour honnête ou malhonnête. Pendant des siècles les filles se sont passées de bachot et de diplômes et ont embelli de leur charme, dès leur puberté, une société plus exigeante que la nôtre, plus raffinée aussi, ce qui pourrait bien être la solution du problème. »
Albert t'Serstevens