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Une lectrice m'écrit

« Cher Lapinos,
Décidée à me marier pour fonder une famille le mois prochain, j’ai dû passer par une préparation obligatoire au mariage dans ma paroisse (Paris Xe). Pour te résumer, c’est un peu comme les séances du code de la route avant la conduite, avec un moniteur et des postulants qui posent des questions plus tartes les unes que les autres.
(…) On m’a recommandé une méthode de régulation des naissances imitée de la reproduction des porcs modernes, que je connais bien puisque je suis originaire d’Ille-et-Vilaine où mes parents ont des fermes. Quelques postulantes ont cru bon d’approuver de la tête ce système. De quoi elles se mêlent, ces pucelles ?
(…) Et puis pour pallier aux difficultés de la vie conjugale, on nous a recommandés “la communication dans le couple”. J’ai levé le doigt et j’ai dit :
« D’accord quand tout va bien, mais comment faire pour communiquer calmement quand mon mari me trompera avec la voisine ? » Réponse du curé :
« Mieux communiquer en temps ordinaire permet de mieux communiquer en temps de crise ! »
Mouais. Comme je ne voulais pas être recalée, je me suis gardée d’insister. Mais j’aimerais savoir ce que tu penses de tout ça, car je sais que ces questions te passionnent et que tu as beaucoup réfléchi sur ce sujet.
(…) Pendant que le curé causait, les séances étaient assez longues, il y avait un type, un des fiancés, qui faisait la sieste en douce, ça m’a paru le plus viril de la bande (hélas ce n’était pas le mien).
Au fait, tu es invité à mon mariage si tu veux le 17 oct. à Saint-Lunaire - RSTP avant le 30 sept.

M. de L. »


Amusante lettre, qui soulève néanmoins un problème de société prégnant.
D’abord M., je te fais remarquer que le verbe “pallier” est transitif direct : d’accord pour brocarder les prêtres conciliaires, mais à condition de ne pas causer comme eux !

Le ton de ta lettre m’étonne, vu que les femmes ont pour habitude de se pâmer devant les hommes d’Église, quoi qu’ils disent. Je connais des curés qui se vantent d’avoir le dimanche un auditoire attentif à leurs sermons, des ouailles qui boivent leurs paroles. D’après moi, ils pourraient lire le bottin, ça serait la même chose. Combien d’hommes dans l’assemblée écoutent vraiment ?
La femme est subjuguée par l’abbé qui lui parle comme un confident et non comme un maître ; pour peu que celui-ci ait un beau faciès, soit bien “gaulé”, elles ne se sentent plus d’aise.

Ensuite, tu vas devoir te contenter de quelques remarques et de quelques pistes. Le mieux en ce qui concerne les prêtres conciliaires est d’attendre leur disparition. Bientôt on ne les distinguera plus de la foule et même les femmes se détourneront d’eux.

La méthode de limitation des naissances suggérée par les prêtres conciliaires est moins radicale que les “pesticides” ; de ce fait on peut l’estimer préférable à la morale sexuelle en vigueur en Chine ou même dans les pays capitalistes, qui tend à réduire au minimum le nombre d’enfants sous divers prétextes philosophiques et existentialistes.
Ce qui paraît malsain en revanche de la part du clergé conciliaire, c’est de faire passer une concession, une demi-mesure pour la panacée, en utilisant un vocabulaire flatteur vaguement écologiste, en qualifiant cette régulation de “naturelle” et autres bobards.
On fabrique ainsi des principes douteux. L’Église d’aujourd’hui reproche à l’Église d’antan de s’être écartée des Évangiles, mais n'en passe pas moins le plus clair de son temps à bâtir des châteaux en Espagne.
Comment le clergé conciliaire peut-il expliquer ensuite aux homosexuels que le mariage “rien que pour l’amour”, ça n’a aucun sens social, s’il tient lui-même des discours détachés de la réalité et se paye de mots qui ne veulent rien dire ? On ne bâtit pas sur du sable.

*

En ce qui concerne la “communication dans le couple”, dont Biba ou Marie-Claire font aussi grand cas, c’est une autre concession de l’Église à l’esprit du temps. La mièvrerie de ce genre de slogan ne résiste pas de toutes façons à la réalité.
Quelles concessions l’Église réclame-t-elle à la société en contrepartie des siennes ? Le droit des prêtres à passer à la télé, eux aussi ?
Au passage, cette exaltation de la vie de couple de la part du clergé, alors que les séminaires sont vides, est une aberration.
Quand on sait que Kant est au programme dans certains de ces séminaires, il ne faut pas s’étonner que l’injustifiable soit justifié, avec aplomb de surcroît.

*

Je relève enfin que tu sembles inquiète, M., à l’idée que ton fiancé, une fois marié, puisse “aller voir" la voisine. Pour ménager la partie féminine de son auditoire, probablement le curé qui t’as instruite n’a-t'il pas osé rappeler que saint Augustin souligne et loue l’indulgence de sa mère, sainte Monique, vis-à-vis des foucades de son mari.
On peut raisonnablement penser que si Monique avait attendu son mari derrière la porte avec un rouleau à pâtisserie pour se venger, elle n’aurait jamais été canonisée.
Rien ne vaut les exemples concrets comme ça, pensaient les catholiques avant le Concile. Prends-en de la graine, M. !

P.S. : Je te remercie pour ton aimable invitation, mais c’est plus fort que moi, les mariages me flanquent systématiquement le bourdon. Je ne les supporte que dans la peinture de Breughel. D’ailleurs on imagine mal un mariage gay peint par Breughel. Même dans le grotesque, il faut de la mesure !

Commentaires

  • Comme quoi le cochon qui sommeille en nous est souvent notre voisin de "pallier" (avec deux ailes d'ange...)

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