Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Propriété intellectuelle

On ne sera pas étonné que, derrière l'idée de "propriété intellectuelle", se cache la conception la plus bête de l'art. La plupart des jeunes artistes qui veulent éviter le statut de simples fonctionnaires prendront vite conscience qu'ils ne fabriqueront jamais sous cette licence inepte que de simples produits de consommation périssables.

Or, non seulement c'est le défi de commettre un ouvrage impérissable qui attire le commun des artistes ou des savants, mais le mode de consommation actuel avertit que la maigre contribution des artistes contemporains à la procréation sociale, sera bien vite brûlée.

Aussi ingénieux soit le conservatisme des muséographes et fétichistes républicains, la pourriture finira par faire son travail. Hitler est sans doute le dernier artiste républicain a avoir cru que son oeuvre pourrait durer mille ans. Pour beaucoup d'autres artisans, ayant tissé leur petite carrière singulière, comme ceux de l'Académie française, on voit déjà les vers leur sortir du nez. Le mieux qu'ils puissent espérer est d'être ensevelis simultanément avec leur civilisation, et d'avoir jusqu'à l'infini ce qui les a toujours maintenus en vie : le confort intellectuel.

+

Comme les lois ou décrets portant sur l'histoire et interdisant de nier tel ou tel enseignement officiel, la "propriété intellectuelle" est une notion bizarre qui, si on l'examine de plus près, permet de mieux comprendre la mécanique du régime totalitaire où nous sommes ; autrement dit, tout ce que l'inconscient collectif moderne a de juridique, et donc de religieux ; en quoi la nécessité du monde de s'organiser est le ferment d'une folie collective meurtrière. Chez l'aliéné, la racine juridique de la folie et le goût immodéré du style sont perceptibles : ces stigmates n'indiquent pas seulement le conditionnement familial, mais bien plus encore ils sont le signe de l'emprise des Etats modernes sur la conscience. Le freudisme est même largement, aujourd'hui, destiné à détourner l'attention du viol des consciences perpétré légalement par l'Etat.

Dans un Etat dit "de droit", et les Etats modernes républicains sont tels, chacun ne possède ni ne dispose en termes de droits plus que ce qu'il est capable de prendre à autrui, avec plus ou moins de violence ou de ruse. "L'inconscient" est avant toute chose une fiction juridique.

Sans moyen de coercition afin de faire respecter le droit, il n'y a pas de droit. Les miettes, obtenues gratuitement par certains, ne sont encore là que pour garantir, parfois plus efficacement que la police, l'obéissance de ceux qui n'ont que des droits virtuels. C'est bien la notion de droit virtuel qui distingue le totalitarisme moderne des anciennes tyrannies. Le totalitarisme se passe très bien de dieu et du roi ; en revanche il exige le maintien des oripeaux de ces vieilles idoles : la personnalité juridique de l'Etat, si ce n'est, au stade où la grenouille veut se faire aussi grosse que le boeuf, du gouvernement mondial (sic). Le droit républicain laïc est neutre, si ce n'est qu'il entraîne à une conception du monde comme une société de rapport ; non seulement du monde, mais de la transcendance et du cosmos perçus comme tel ! Ce droit est donc une suprême imbécillité imposée à tous les ressortissants de toutes les nations sous couvert d'un humanisme avec lequel il n'a quasiment aucun lien.

La nature, où tout droit humain prétend trouver sa légitimité, délégitime totalement la propriété intellectuelle comme tous les droits les plus virtuels. Il est comparable à la chasse gardée que les seigneurs d'ancien régime s'arrogeaient sur une partie du gibier, faisant molester les braconniers.

Ce d'autant plus que les arts libéraux sont cantonnés à l'imitation de la nature, à qui ils empruntent tout, n'y ajoutant que de fausses énigmes mathématiques et problèmes de robinets ennuyeux, non moins dérivés de certains mirages et illusions fournis par la nature.

Donc, à moins de présenter le droit de propriété intellectuelle comme un pacte avec le diable (ce qu'il est du point de vue chrétien), il faut improviser une théorie raciale ou génétique hasardeuse pour pouvoir légitimer le droit de propriété intellectuelle. Le cinéma, qu'on peut presque entièrement résumer à une allégorie de la vitesse, et qui produit le même effet euphorisant qu'elle ; le cinéma a-t-il inventé la vitesse ? Non, et le cinéaste ne fait qu'ajouter au saltimbanque la prétention, lui faisant ainsi perdre toute sa fraîcheur.

La comparaison avec la chasse et le braconnage, à laquelle toute étude franche d'un droit quelconque devrait ramener, est moins anodine qu'il n'y paraît. Elle permet en effet de comprendre que le pouvoir d'une élite n'a jamais autant tenu à des privilèges exorbitants que celui de la bourgeoisie libérale aujourd'hui. La légitimité du droit de la propriété intellectuelle n'est pas plus solide que celle de telle ou telle catégorie sur le gibier d'une forêt, mais sa protection et sa conservation sont en revanche un enjeu majeur.

Tombe le droit de propriété intellectuelle des Etats-Unis ou de l'Europe, et c'est une partie de son pouvoir de suggestion qu'elle perdra, à commencer par l'extraordinaire arrogance de nombre de ses artistes et savants, pâles plagiaires de vieilles antiquités éculées. Il est vrai que beaucoup de musées yankees ont acheté leurs collections, et ne les ont pas dérobées avec violence ; mais l'argent n'est qu'un instrument de conquête, qui véhicule le même raisonnement spécieux que la propriété intellectuelle. Violer une femme ou l'acheter revient à peu près au même. La bourgeoisie ne fait que masquer, à travers l'argent et le droit, une violence que l'aristocratie n'hésitait pas, au contraire, à arborer, comme elle était alors moins menacée dans ses droits.

On ne juge pas le civisme au comportement de tel ou tel, mais au terme de la civilisation et de l'utopie. Où mène-t-elle ? Du reste l'attitude de mépris la plus logique vis-à-vis de la propriété intellectuelle, essence du cynisme bourgeois, est de se détourner des imposteurs qui la défendent et s'y soumettent.

Encore une fois, quel film vaut une bonne bouteille de pinard, fabriqué dans la même goût "dionysiaque", comme dit le trissotin néo-nazi ? 

Les commentaires sont fermés.