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Dans la Matrice

Pourquoi le totalitarisme est-il une femme ?

Avant de répondre à cette question, il faut comprendre la raison de cette manière de désigner le totalitarisme. Elle est plus théologique et, par conséquent, plus apocalyptique.

En effet la matrice désigne aussi bien l'origine, la naissance, que la mort, la terre où vont s'amonceler les vaines espérances de l'homme qui, massivement, bêtement (et donc politiquement), mise sur la vertu au lieu de croire en Dieu. On peut voir que Jésus désigne Judas comme une personne morale ou virtuelle ; il ne le juge pas, car la vertu elle-même est un instrument discriminatoire, qui fait passer l'iniquité pour la liberté.

Il le désigne plutôt comme une figure de style. Shakespeare fait exactement la même chose, et pour les mêmes raisons, avec Thomas More, parce que sa doctrine est absurde. J'ai été frappé et intrigué, il y a quelques années, par les tentatives de certains clercs catholiques romains de disculper Judas. Ces tentatives, presque "réflexes", sont faciles à comprendre : Judas incarne la vertu. Ce devrait être, s'ils assumaient mieux leurs subterfuges, le saint patron de tous les gens de robe, soumis au pouvoir et non à dieu.

Le totalitarisme a donc un caractère théocratique marqué, pour les chrétiens qui nient absolument le caractère universel de l'éthique. K. Marx observe à juste titre le caractère virtuel, et donc religieux, de la modernité ; cette notion relève quasiment du dogme ou du cinéma ; et celui-ci s'avère un Moloch non moins dangereux que les vieilles idoles païennes. Le plus susceptible d'entraîner ses adeptes au néant ou à la seconde mort. Techniquement, le cinéma se présente comme une sorte de paradis fiscal pour les pauvres. Dans la moindre résistance de l'homme moderne à la contrainte qui pèse sur lui de vivre sa vie entièrement par procuration, on reconnaît l'empreinte du cinéma. Le penchant avoué de Lars von Trier pour le nazisme est le maximum de franchise qu'on peut attendre d'un cinéaste. Pas besoin d'être grand clerc de la synagogue de Satan pour reconnaître que la manière du cinéma de faire gober religieusement aux foules n'importe quoi, est typique du procédé de manipulation des régimes totalitaires.

On peut parler de mystique totalitaire. Elle repose sur l'attribution par le commun des mortels d'une valeur mystique aux outils de la technocratie. Ils sont confortés dans cette croyance par leurs élites, qui en usent et en abusent pour conforter leur pouvoir. On pourrait qualifier cette philosophie de "new age", si elle n'était pas beaucoup plus répandue et plus ancienne que cette appellation récente et peu contrôlée ne le laisse supposer ; la théorie du purgatoire romain peut ainsi être affiliée à cette philosophie, au sens où le purgatoire est un monde virtuel, tel qu'une partie du monde païen, la plus animiste, avait pu concevoir avant l'ère chrétienne. Dans la théorie du purgatoire, on repère le caractère juridique du mysticisme technocratique. On peut s'étonner, bien que le purgatoire ait disparu des tablettes, de la permanence du droit ? Les coffre-fort des banques persistent, et les paradis fiscaux : toute vertu païenne ramène à la propriété, et la propriété ramène à la terre. D'où la conscience des chrétiens que la terre, c'est l'enfer. L'exploitation de l'homme par l'homme est le mode normal de l'enfer, et le principal effet de l'inconscient totalitaire est de justifier cet état de fait à l'aide de projets plus religieux les uns que les autres.

Prenons l'exemple plus moderne de l'idéologie du progrès social. Il n'existe pas de progrès social, en réalité ; c'est seulement un espace-temps virtuel, un confort intellectuel. Il y a des systèmes d'exploitation plus ingénieux et plus performants. Point. L'outillage est paré d'une vertu mystique, non seulement par les démons qui tirent les fils, mais par les hordes d'esclaves, qui rêvent de pouvoir conduire un jour, comme un gosse rêve de conduire la voiture de son père, sans se douter que ce sera peut-être plutôt son tombeau. La propension du progrès social à basculer dans l'horreur est naturelle. Elle est exactement conforme à l'outillage qui fonde telle ou telle idéologie du progrès social. Plus rapide le développement technologique, plus violent le retour de bâton. Le parfum du progrès social devrait être éventé depuis longtemps, si les gouvernements et les pouvoirs consacrés pouvaient se passer de ce moyen de méduser les foules. Ils ne le peuvent pas ; pas plus que le clergé romain ne pouvait se passer du purgatoire.

A cause de son utérus, la femme est une sorte de machine-outil, d'objet capable d'en engendrer un autre. Il n'y a d'ailleurs presque que deux sortes de femmes, les femmes éthiques et les femmes esthétiques, toutes mues en réalité par le même principe de la vertu ou de la reproduction. Les premières font don de leur corps ; les secondes aussi, d'une manière sans doute plus religieuse encore, celle de l'appât.

Les femmes sont certainement bien plus portées au raisonnement d'espèce que les hommes, et à croire dans l'éternel retour. Du fait même de ce raisonnement d'espèce, les femmes ont moins de pitié et sont plus enclines à croire que la justice des hommes, l'éthique, a un sens. Nitche est une femme. Ou encore un soldat ou un prêtre, de l'espèce des hommes qui se rapproche le plus des femmes, par le goût du sacrifice inutile et de l'uniforme.

 

 

 



 

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