Les peuples heureux n'ont pas d'histoire. Quant aux régimes totalitaires socialistes, ils ne peuvent poser l'axe ou le décret du bonheur, sans étouffer par ailleurs l'histoire. La foi dans la démocratie traduit exactement le même négationnisme de l'histoire et la même crédulité que la croyance dans la monarchie de droit divin auparavant.
Le droit monarchique, essentiellement égyptien et déjà battu en brèche plusieurs siècles avant l'ère chrétienne par la philosophie grecque ou juive, est au demeurant plus rationnel que la foi dans la démocratie. On peut dire de la doctrine satanique de Joseph de Maistre, à la fois qu'elle a été rendue caduque par le mode d'organisation bourgeois, et en même temps qu'elle sacrifie moins la science sur l'autel de la piété religieuse.
Un historien juif ou chrétien observera immédiatement que la démocratie n'est pas dans la nature, d'une part, contrairement au système d'oppression pyramidal des pharaons, et d'autre part que l'homme, sur le plan de l'organisation morale et politique, n'a jamais fait mieux qu'imiter la nature. On ne peut donc reprocher à l'élite libérale de ne pas appliquer la démocratie et de se contenter de la faire miroiter, puisqu'elle est physiquement inconséquente. A la violence physique de la tyrannie égyptienne (oedipienne), la bourgeoisie libérale a substitué la manipulation des esprits mieux adaptée, et un onirisme encore plus débridé et irrationnel que celui de la religion géométrique égyptienne.
Pratiquement, si la foi dans la démocratie ou le socialisme est étrangère à la pensée française, c'est à cause de l'attachement de celle-ci à l'histoire. Le meilleur de la pensée française se résume à une défense de l'histoire, notamment contre la philosophie morale et le culte du droit germanique, très loin de se réduire à l'hitlérisme. Les rares tenants français de la monarchie ou de la démocratie, d'autant plus démoniaques qu'ils ont la prétention d'appuyer leur doctrine sur les évangiles, partagent la caractéristique d'ignorer complètement l'histoire et l'enlisement des civilisations, l'une après l'autre, dans les spéculations juridiques et la quête du bonheur de philosophes-parasites.
L'épicurisme, dit Marx, est un signe de déclin de la philosophie grecque ; chez un crétin moderne comme Nitche, il relève de l'ignorance que la puissance économique occidentale repose largement sur la frustration des masses ; au stade industriel, c'est évident, mais encore au stade de l'économie des vieillards occidentaux, qui consiste essentiellement à procurer à la production industrielle une plus-value et une dimension mystique ; cela passe par le viol des consciences des générations les plus jeunes ou les moins aptes à résister au réflexe sentimental, inculqué en lieu et place de l'esprit critique.
Anders Breivik est un artiste contemporain, c'est-à-dire une victime de la société qui l'a façonné tel qu'il est, c'est-à-dire amoureux d'une vieille peau -la civilisation occidentale- ménopausée depuis longtemps.
J'entendais récemment une brave apôtre de l'éthique républicaine s'apitoyer sur la tendance des jeunes Français à l'autodestruction. Elle résulte d'un calcul des élites de ce pays, qui ont intérêt à une morale sado-masochiste.