L'athéisme n'existe pas. Car vivre, c'est avoir la foi. C'est la question du salut qui divise les hommes, non pas celle de dieu.
Croire que le salut est impossible revient à croire qu'il n'y a pas d'amour dans le monde. De fait, cette conception ne manque pas de réalisme. D'après les évangiles, il n'y a pas d'amour dans la société, entièrement bâtie sur le rapport de force et le déterminisme. Le Messie des chrétiens oppose une fin de non-recevoir à toutes les questions sociales : perte de temps. C'est la faiblesse de l'âme humaine, son aveuglement, qui incline l'homme à considérer les questions sociales essentielles.
Shakespeare nous montre que l'iniquité particulière de l'Occident réside dans l'ordre moral chrétien, l'assortiment de la vertu païenne à une spiritualité qui ne lui accorde pas de place.
Francis Bacon Verulam démontre dans ses essais que l'Antiquité n'a jamais été athée, comme la culture de vie païenne le prouve, et son éloge de la vertu. Certains théologiens païens ont même été capables de concevoir le salut, c'est-à-dire une certaine forme de sagesse surnaturelle, supérieure à la vertu, permettant à l'homme d'échapper à la puissance des éléments, et non comme la vertu de s'y adapter simplement.
Bacon contrecarre donc par avance les efforts de l'université moderne dans l'autre sens, pour découvrir dans la philosophie antique "pré-chrétienne" les prémices de l'athéisme. Effort du type de l'interrogation d'un universitaire assez minable, Paul Veyne : "L'homme antique avait-il foi dans ses mythes et sa religion ?". Question équivalente : "Le citoyen républicain moderne a-t-il foi dans l'argent ?" Réponse : "Oui, tant que le cours de sa monnaie n'est pas trop dévalué ; au-delà, il bascule dans l'athéisme." L'homme, en général, a foi dans son activité quotidienne, et fait confiance à l'élite religieuse pour les questions plus théoriques. Nouvelle question : "Le citoyen républicain moderne croit-il que la littérature républicaine est autre chose qu'un simple divertissement ? Et si oui, quoi donc ? Pour quelle raison défile-t-il dans les musées et les foires d'art moderne ?"