Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Apophtegme

Une thèse mensongère de Nietzsche est l'imputation de l'idéologie du progrès politique et social au christianisme. Autrement dit l'idéal égalitaire, qui aurait paru absurde au temps de la civilisation antique et de philosophies politiques plus écologiques, serait un "apport chrétien", néfaste selon l'apôtre du retour à la raison païenne, car facteur d'anarchie en incitant l'homme à revendiquer plus que la part que la nature, source unique du droit, lui réserve.

Cette thèse superficielle se renforce presque exclusivement de la preuve que de nombreux chrétiens ont la prétention, formulant des propositions sociales chrétiennes, de faire le royaume du Christ sur la terre, autrement dit pour employer une phraséologie plus moderne, prétendent qu'il existe une "anthropologie chrétienne" (Joseph Ratzinger), ou encore que les chrétiens ont part à la civilisation. La religion chrétienne se caractérise au contraire par l'absence d'intérêt pour l'homme et la satisfaction de ses besoins naturels, c'est-à-dire pour l'homme en tant qu'animal politique, ce qui fait toute sa difficulté spirituelle - une difficulté que rencontre la science dès lors qu'elle s'élève au dessus de la recherche de moyens techniques.

Il n'est que de lire les évangiles, ou seulement les paraboles de Jésus-Christ, pour constater l'indifférence du Christ aux questions sociales qui lui sont posées. On voit dans la Bible le peuple juif fuir la civilisation, symbolisée par l'Egypte, pour gagner une "terre promise" dont la signification est spirituelle. Les chrétiens ne font pas le chemin inverse, puisque le Messie est encore plus net sur le caractère spirituel du message divin, octroyé à l'homme pour faire son salut en dépit des déterminations du monde, bousculant au passage l'éthique juive pharisienne, subversive du sens de l'histoire indiqué par les prophètes juifs.

La thèse du socialisme, nouveau déguisement de la morale chrétienne, la plus abstraite et nihiliste de tous les temps, repose donc surtout sur la prétention de nations ploutocratiques à se dire "chrétiennes". L'invention de l'anthropologie chrétienne est le propos le plus subversif qui soit du message évangélique. Plutôt que de nier que l'histoire à un sens, à l'instar de Nietzsche et de sa vaine tentative de restauration du bonheur antique, les athées ou néo-païens feraient mieux de se demander d'où vient la nécessité pour des nations ploutocratiques de se réclamer du christianisme avec autant d'insistance, quand bien même elles forment par leurs actions visant à dominer le monde, le plus bel exemple de l'hypocrisie des doctrines sociales chrétiennes ?

Au cours de l'ère dite "chrétienne", formant un parti réfractaire à la doctrine sociale chrétienne dominante, bénéficiant de moyens de propagande extraordinaire, se sont toujours élevées des voix chrétiennes contre le "discours social chrétien", soulignant son caractère subversif.

Francis Bacon Verulam, célèbre savant chrétien promoteur du progrès scientifique, a ainsi écrit de nombreux aphorismes destinés à illustrer sa démonstration que le progrès de l'esprit humain, englobant la métaphysique afin de ne pas réduire la portée de la science à la simple ingéniosité technique, ce progrès ne pouvait avoir de bénéfice au plan politique. La révélation chrétienne est de même exempte d'applications sociales, morales ou politiques dans ce monde, suggère également Bacon, conscient que la vanité de l'Occident repose sur une vantardise d'un progrès qui n'en est pas un.  

"Quand l’empereur Vespasien quitta la Judée pour s’en aller prendre possession de l’Empire, il passa par Alexandrie, où demeuraient les deux fameux philosophes Apollonius et Euphrates. Alors que devant une importante assemblée il les eut écoutés discourir longuement du gouvernement politique, à la fin lassé de leur dispute il se retira. Mais en s’en allant il ne put s’empêcher de se moquer d’eux, ayant trouvé leurs discours un peu trop spéculatifs, et impossible à mettre en oeuvre. Ainsi dit-il pour les blâmer : - Je voudrais, dit-il, pouvoir gouverner des hommes sages, ou qu’eux-mêmes me gouvernassent."

Les commentaires sont fermés.