Des proches me font déjà remarquer, à demi ironiques, que j'évoque parfois les artistes, écrivains ou philosophes du passé, comme si je les avais côtoyés. C'est mon côté "nécromancien".
Cette remarque tient au mélange de détails que je donne et, j'espère, à mes efforts pour faire des portraits concis et les moins subjectifs possible.
Je dois répondre que, si la jouissance et le bonheur obligent à tenir compte du temps qui passe, la science, elle, ne peut tenir compte de la mode.
Parmi les préjugés qui m'amusent chez les personnes plus marquées par l'esprit du temps que moi, l'idée selon laquelle les générations futures auront une meilleure compréhension de notre époque que nous-mêmes avons. Ce n'est pas très pratique ! C'est une idée qui reflète la connerie mathématique ou cartésienne, l'empreinte de ce raisonnement débile sur mes contemporains. Le temps n'est pas facteur de progrès.
Un théoricien de la conscience et de l'inconscient a cru remarquer que les hommes ne veulent pas admettre volontiers qu'ils agissent inconsciemment. Ce théoricien y voit la preuve de l'attachement viscéral de l'homme à la liberté. Ce théoricien a mis à part sans s'en rendre compte toutes les élites modernes, et encore toutes les personnes qui font crédit à telle ou telle doctrine sociale plus ou moins hypocrite. Le mouvement des sociétés est inconscient - plus encore celui de la société moderne.
Qui plus est, je justifie ma nécromancie comme ceci : les artistes, écrivains, philosophes, savants du passé, se dérobent beaucoup moins à la connaissance que la plupart de mes proches ou de mes contemporains. Il est une qualité que l'on retrouve peu aujourd'hui, c'est la naïveté. Encore moins chez les femmes, bien sûr, puisque c'est la profession des femmes de vivre aux dépends de la naïveté des hommes (ainsi les femmes n'aiment guère les hommes trop féministes, car ils sont de deux espèces : ou bien trop crédules et faibles, ou bien beaucoup trop rusés).
Ce qui rend les femmes aussi énigmatiques, et inintéressantes par conséquent, à moins d'aimer les casse-têtes, c'est leur faculté à se mentir à elles-mêmes.
Mes proches, pour beaucoup d'entre eux, sont des fantômes insaisissables.