En période électorale, l’abstentionniste que je suis est la cible de prosélytes qui ont tendance à envahir les lieux publics et à bourrer les boîtes aux lettres de professions de foi.
La foi, justement, je ne l’ai pas et ne l’ai jamais eue. Les grands principes de la démocratie m’ont tout l’air d’une invention des hommes pour se rassurer.
Que dit-on des personnes qui assistent à la messe sans croire ? Dans le meilleur des cas, on dit qu’ils perdent leur temps, ou pire, qu’ils sont hypocrites. Que dirait-on de moi si je votais sans croire, prenant le premier bulletin qui me tombe sous la main pour le fourrer dans l’urne après être passé dans l’isoloir, suivant le rituel empreint de puritaine austérité ?
Je me rappelle avoir participé à un scrutin local, il y a de cela des lustres, porteur d'une carte d'électeur toute neuve, et exhorté par mon père (on a souvent à vingt ans la religion de ses parents, ou bien la religion exactement opposée), et cette cérémonie, nouvelle pour moi, me parut sinistre, pleine de regards en coin. En comparaison le rituel catholique, même déclinant et miteux, est quand même moins lugubre ; les vieux prêtres à demi-alcooliques sont moins effrayants que les assesseurs aux regards perçants d'experts-comptables, que l'on entend penser tout haut : - une voix est une voix.
La République française ne devrait-elle pas servir l'apéritif à ceux qui viennent voter ; et pourquoi pas, organiser des kermesses ? Les Américains savent mieux y faire dans ce domaine, car c'est vraiment leur religion d'origine.
Abstentionnistes, laissons les morts aller à l’urne.