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  • La misogynie comme péché

    Traiter le thème de "la misogynie comme péché" est une manière de décoder la culture contemporaine, que la sociologie et les sociologues s'emploient au contraire à chiffrer. Précisons que mon propos n'a pas grand-chose à voir avec celui d'E. Zemmour, qui ne prend pas en compte le bouleversement des moeurs résultant de l'économie capitaliste, ce qui revient à ignorer l'élément liquide quand on écrit un traité sur la navigation en mer.

    L'éthique occidentale est désormais structurée autour de l'inculpation de la virilité. Cela ne veut pas dire, en pratique, que tous les hommes l'admettent - certains mêmes se rebiffent -, mais cela veut dire que l'argument féministe est un concentré de l'éthique occidentale : "Je suis féministe, donc je suis Occidental." La misogynie est devenue un péché.

    C'est pourquoi le féminisme a autant d'écho, bien que les militants féministes ne représentent qu'une petite minorité de femmes et d'hommes ; le féminisme a, par ailleurs, perdu toute signification univoque. Je lisais récemment le témoignage d'une jeune femme, militante d'une organisation féministe luttant contre la prostitution, expliquant qu'elle avait été agressée physiquement par d'autres féministes, luttant au contraire pour faciliter la prostitution (on retrouve là les deux formes d'anarcho-capitalisme "de gauche" et "de droite").

    L'Occident impérialiste ne s'avance plus "au nom du christianisme", mais "au nom du féminisme", c'est-à-dire d'un christianisme sécularisé. Cet aspect de la propagande est d'autant plus évident en cas d'invasion d'une nation ou d'une région où la paysannerie n'a pas encore dit son dernier mot. Dans le cas de l'affrontement médiatique de deux hommes, V. Poutine et V. Zélenski, la propagande occidentale n'a pas manqué de caricaturer V. Poutine en despote viril, bien que l'Ukraine soit moins moderne sur le plan économique que la Russie.

    Ainsi l'on voit que le christianisme, s'il peut paraître avoir régressé sur le plan religieux en Occident, reste largement dominant, de fait, sous la forme d'une culture féministe qui conserve sa fonction de diabolisation. Autrement dit, les anarcho-capitalistes de droite comme de gauche sont des chrétiens qui s'ignorent, et cela pour une raison simple : l'anarchie est inconcevable en dehors du contexte chrétien (F. Nietzsche en a fait la démonstration, tout en occultant que l'anarchie vient des élites chrétiennes, tentant de persuader qu'elle est une "morale des faibles".)

    Le féminisme s'impose d'autant plus comme un argument impérialiste que les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale au cours de la seconde moitié du XXe siècle ; la France républicaine n'a jamais eu besoin de cet argument-là (la misogynie républicaine 1790-1940 est anticatholique).

    Le cas Donald Trump mérite qu'on s'y attarde, car c'est un objet politique difficilement identifiable vu de France.

    Il faut dire d'emblée que la propagande de D. Trump vise un électorat isolationniste : le féminisme n'a donc, sur le plan rhétorique, aucun intérêt pour le candidat républicain, qui sait parfaitement que la majorité des femmes ne sont pas des militantes radicales. Trump ne drague pas comme son adversaire des minorités ethniques et religieuses éparses, mais l'Américain "moyen". Le parti républicain ne se targue pas d'exporter la civilisation, comme le parti démocrate. La civilisation, pour D. Trump, se résume à l'argent et au ruissellement de celui-ci. Du point de vue européen, l'idéologie politique trumpiste est proche du néant.

    Contrairement au catholicisme et au protestantisme en Europe, pratiquement dissouts dans la démocratie-chrétienne, le protestantisme américain demeure religieusement vivace sous la forme de sectes évangéliques, parfois substantiellement différentes les unes des autres, mais qui ont en commun une organisation ecclésiastique où le père de famille et le prêtre ne font pratiquement qu'un. Le débat fait rage aux Etats-Unis pour cette raison entre Républicains et Démocrates sur le changement sociétal - un débat parfaitement stérile dans le contexte capitaliste, mais qui mobilise deux camps manipulés par leurs leaders respectifs, prêts à en découdre.

    D. Trump a entrepris habilement de fédérer cet électorat contre le changement sociétal qui, c'est là la contradiction profonde de son discours, est une évolution des moeurs qui porte la marque du capitalisme. Il n'est pas impossible que cette contradiction soit perçue comme une ruse diabolique par certains fondamentalistes évangéliques illuminés de son propre camp.

    Hannah Arendt s'est trompée en disculpant le christianisme et en accusant les seuls régimes communiste et nazi d'être des régimes totalitaires. La notion de "monde libre" appliquée au Etats-Unis, si on pouvait encore l'admettre quelques années après la fin de la Seconde guerre mondiale et du choc titanesque entre l'Allemagne et l'Union soviétique, a perdu très vite son sens au cours de la Guerre froide, qui a suscité deux nouveaux monstres badigeonnés en hâte d'arguments humanistes, répétant les méthodes de l'Allemagne nazie. A. Huxley, en revanche, ne s'y est pas trompé, incluant les "valeurs judéo-chrétiennes" dans sa satire d'un monde sans pitié pour les plus faibles et en désignant la technologie comme le culte commun aux trois totalitarismes nazi, communiste et démocrate-chrétien.

    H. Arendt s'appuie pour sa démonstration sur l'analyse de "La Cité de Dieu" (d'Augustin d'Hippone). Mais cette doctrine qui tend à désacraliser le pouvoir politique romain est très peu représentative du pouvoir chrétien tel qu'il a été exercé au cours du dernier millénaire, que ce pouvoir soit catholique ou même protestant. Si la théocratie est facile à déceler dans la vieille monarchie catholique défunte, elle perdure dans la démocratie-chrétienne où la monnaie, le dollar, a une valeur et une fonction eucharistiques. Comme le droit divin monarchique renforçait la puissance publique monarchique, le dollar soutient la démocratie-chrétienne américaine.