On peut poser le principe que toute réforme "sociétale", depuis la fin de la Seconde mondiale, est AVANT TOUT un moyen pour l'Etat profond de faire diversion et de susciter des polémiques médiatiques à l'échelle nationale. La réforme sociétale dissimule l'absence de réforme politique. L'Etat profond se heurte en 2018 au mouvement historique des Gilets jaunes, dix ans après une crise financière mondiale qui a révélé que le "Titanic" était piloté par des incapables, et que la "méritocratie" française est une illusion dangereuse. La méritocratie française fait penser à la marine de guerre française, totalement imbue d'elle-même, alors qu'elle a pour seule fonction d'être une publicité pour la construction navale.
Quand fut promulguée la loi Simone Veil dépénalisant l'avortement en 1975, la société civile française y était préparée, selon le témoignage ultérieur de S. Veil ; elle s'attendait à une vigoureuse opposition, en particulier des autorités religieuses catholique, protestante, juive... mais ne rencontra aucune opposition, à sa grande surprise.
Selon K. Marx, l'économie capitaliste façonne les moeurs : c'en est fini du patriarcat et du "jus naturalis" en France dès 1850, en dépit des apparences. Les réformes sociétales ne font donc qu'entériner et refléter l'évolution de la société de consommation. Le lobby gay ? Une association de consommateurs avant tout, qui réclament des droits équivalents à ceux des autres citoyens-consommateurs. Si le mobile social principal est la consommation, pourquoi le mode de vie "gay" serait-il marginalisé, alors que le pouvoir d'achat des homosexuels n'est pas inférieur à la moyenne ?
Parler de "rupture anthropologique" dans le contexte capitaliste n'a pas beaucoup de sens.
La mythomanie du "combat pour l'avortement" fut donc démentie par celle-là même qui incarne ce combat à titre posthume, et qui a témoigné que ce combat n'avait pas eu lieu. Il est probable que S. Veil n'aurait pas admis la revendication de certaines féministes, un demi-siècle plus tard, de la "propriété de leur corps" : on se situe ici au niveau du délire anthropologique : sans Etat technocratique, pas d'avortement à l'échelle industrielle. L'intention claire de S. Veil était de réduire le nombre des avortements et non de faire passer l'avortement et le commerce d'enfants à naître dans les moeurs.
L'échec de la loi Veil au regard des intentions du législateur illustre que la société de consommation est la modalité du contrôle des moeurs par l'Etat profond ; ce que Aldous Huxley décrit précisément en 1932, empêchant ainsi de voir dans les réformes sociétales une rupture anthropologique.
Le lien entre l'avortement de masse et l'euthanasie est, bien sûr, la technocratie. Le système technocratique ne rencontre plus en France de résistance consistante depuis 1900 - ce qui n'empêche pas tel ou tel groupe ou groupuscule social de se soustraire à tel ou tel de ses aspects (la télévision, par ex., interface indispensable entre les élites technocratiques et leurs administrés). Orwell nous montre que Winston Smith s'efforce de reconquérir sa dignité d'homme contre la morale nihiliste de l'Etat profond. Le prestige de Big Brother exige l'humiliation de chaque citoyen d'Océania. Les Gilets jaunes ont dit "stop" à l'humiliation.
La résistance consciente à l'Etat profond aux Etats-Unis, de la part d'une minorité active de la population (grosso modo les sectes évangéliques), s'explique par la constitution tardive de l'Etat profond (vers 1940), et sa consolidation encore plus récente.
De quoi mourraient les vieillards avant l'avènement de la médecine technocratique, qui permet de maintenir en vie artificiellement des personnes dont les organes vitaux ne fonctionnent plus de façon autonome ? Ils mourraient le plus souvent lentement d'anémie, dans les campagnes et même dans les hospices en ville, car nourrir un vieillard incapable de s'alimenter par lui-même est très difficile, voire impossible. Il est probable qu'une âme charitable interrompait parfois cette lente agonie avec les moyens du bord.
La médecine technocratique, qui permet l'acharnement thérapeutique et le maintien en vie à l'aide de machines, est-elle un progrès ? Dans ce cadre technocratique, les patients sont souvent traités comme des cobayes, sur lesquels les chirurgiens, les cardiologues, les oncologues, les néphrologues, les vaccinologues, etc. se font la main. La rupture anthropologique, en médecine, remonte au moins à 1932, c'est-à-dire la date à laquelle A. Huxley montre l'implication du corps médical technocratique dans le maintien de l'ordre totalitaire.
Il faut être débile, comme certains parlementaires l'ont fait, pour mettre sur le même plan l'avortement thérapeutique et l'euthanasie. Le capitalisme incite à voir la vie humaine comme un "potentiel" abstrait. Ce potentiel est à la fois relatif (tous les êtres humains n'ont pas le même potentiel) et absolu (même la vie d'un riche vieillard à l'état de légume a de la valeur). On peut dire de l'éthique totalitaire qu'elle est "algébrique".
Dans le monde paysan traditionnel, la vie d'un enfant à naître est beaucoup plus grande que celle d'un vieillard impotent, voire gâteux, que l'on continue d'entretenir par respect, tout en espérant qu'il ne pèsera pas trop longtemps sur l'économie familiale. Au stade de la société de consommation, du "citoyen-consommateur", la vie d'un vieillard vaut beaucoup plus en moyenne que celle d'un enfant à naître. Même au stade végétatif, l'entretien et le soin des vieillards est un business lucratif, tant que ces vieillards disposent de ressources suffisantes pour payer leur pension.
Au stade du capitalisme productif, la vie d'une femme vaut celle d'un homme, et la vie d'un Arabe celle d'un Français de souche, du point de vue industriel : leurs forces de travail sont à peu près interchangeables, suivant les secteurs de l'industrie.
On doit faire remarquer aux parlementaires anarcho-capitalistes, qui prêchent la propriété de la femme sur son corps, qu'il n'y a plus aucune Française dans le milieu de la prostitution "bas de gamme" au XXIe siècle : il n'y a plus que des Asiatiques, des femmes importées des pays de l'Est ou d'Afrique ; les Françaises de souche "propriétaires" de leurs corps font monter les enchères : sans la médecine technocratique à laquelle elles sont abonnées, leur business et leur "propriété" n'existeraient même pas. L'anarcho-capitalisme n'est pas une "rupture anthropologique", mais l'abomination capitaliste dans toute sa splendeur. Revendiquer la propriété sur son corps (sous protection technocratique) revient à encourager le proxénétisme barbare en Afrique ou en Asie. L'anarcho-capitalisme est le sentimentalisme répandu dans le peuple par les élites barbares ; on ne naît pas anarcho-capitaliste, on le devient au contact de la culture de masse.
Dans les nations capitalistes, la prostitution est sacrée : c'est ici une véritable rupture anthropologique, comparable au fascisme qui, lui, portait aux nues le soldat.