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instinct

  • Marx contre Nitche

    Ces deux contempteurs de la culture de mort moderne que sont Marx et Nitche ont en commun, méprisant l'éthique libérale et républicaine de leur temps, de se situer "par-delà bien et mal".

    Le rejet de la moraline par Nitche est au profit de l'accomplissement aristocratique de soi. Il vise à débarrasser la morale décadente de son idéal humain nihiliste et décadent, pour renouer avec la seule vraie source de la morale qu'est la nature. La culture de vie néo-païenne de Nitche demeure fondée, dans la mesure où l'éthique judéo-chrétienne moderne ne l'est pas, et continue de s'appuyer comme la dernière encyclique de l'évêque de Rome l'atteste ("lumen fidei") sur la pure rhétorique anthropologique. Feignant de répondre à la mise en cause par Nitche d'une foi complètement truquée, le pape François reprend une casuistique catholique romaine globalement inchangée depuis le moyen-âge. Il se montre incapable d'établir le caractère universel de l'éthique qu'il prône, et qu'elle n'est pas selon l'accusation de Nitche, le relativisme le plus débile de tous les temps.

    Il y a de la part de l'évêque de Rome, pour mieux faire comprendre le défaut de son esprit, pratiquement un procédé d'écriture automatique ou robotique, qui présente une analogie avec le rituel de l'eucharistie, véritable procédé artistique de création de dieu par l'homme en la personne du prêtre, dans lequel on discerne la méthodologie propre à l'art moderne haï par Nitche, jusque dans sa formulation athée.

    La critique de Marx dirigée contre la culture moderne nihiliste, n'est pas principalement de substituer à la détermination vitale une détermination macabre, et d'incliner ainsi l'artiste moderne, plus encore que ses contemporains, à la folie et à l'autoflagellation, jusqu'à faire de lui un sous-homme, prédestiné à la domination et à l'exploitation par des sophistes habiles. C'est au nom de la science "consciente", selon le propos des humanistes de la Renaissance, que Marx entreprend la déconstruction complète de l'éthique moderne et de ses solutions légales pratiques, baptisées "laïques" postérieurement par le régime de droit le plus sanglant de tous les temps (et le plus religieux selon Marx). De sorte que Marx n'adopte pas un point de vue personnel ou identitaire, mais un point de vue individualiste, faisant de la connaissance et de la science, de la quête de la vérité et non d'une vie meilleure, l'aspiration humaine essentielle. Le relativisme anthropologique, dans lequel il n'est pas difficile de discerner le cynisme et la mise en coupe réglée du monde par des élites dont la seule légitimité est à prétendre supérieur le point de vue le plus subjectif qui est le leur, ce relativisme anthropologique empêche la science en focalisant celle-ci sur des détails. Il permet à l'ignorance de se substituer peu à peu à la science, donnant ainsi libre cours à la barbarie.

    Marx n'est pas réactionnaire ; il ne cherche pas comme Nitche, les nazis ou les soviétiques, à prévenir la culture des effets de la contre-culture ou des conséquences funestes de l'anthropologie moderne par un retour à la culture de vie païenne et des valeurs antiques aristocratiques. Sauf l'aspect du masochisme, typiquement moderne et dont l'efficacité afin d'asservir les masses psychologiquement est le b.a.-ba de la ruse totalitaire, le "monde antique" relève en grande partie du fantasme de la part de Nitche, et plus encore l'attribution aux prophètes juifs de la décadence du monde antique. C'est un fait constant de la part des réactionnaires d'opposer à la science-fiction et au futurisme moderne un "espace-temps" heureux, pratiquement à la manière dont les vieillards, afin de convoquer un restant de vitalité, et pour se protéger contre l'avenir qui sourit aux jeunes gens, se tournent vers quelque jeune femme qui daignera trouver à leur bien-pensance rusée un reste de charme, ou bien encore se retournent sur leur jeunesse avec complaisance.

    Il y a beaucoup de psychologie chez Nitche, comme dans tous les peuples latins, et très peu chez Marx, plus proche de l'esprit français ou anglais. Pratiquement, on pourrait dire que le goût des Français et des Anglais pour l'humour, qui implique assez de légèreté pour pouvoir s'élever au-dessus de soi, les incline à considérer tous les arts sous le signe de la psyché et de l'érotisme comme des arts thérapeutiques exclusivement destinés à entretenir le moral des femmes ou des soldats. Tout simplement parce que l'homme et l'humanité sont assez ennuyeux en eux-mêmes, pour ne pas se coltiner par-dessus le marché tout l'art bourgeois et la justification de l'homme par l'homme, c'est-à-dire tous les efforts que celui-ci fait pour s'embaumer lui-même de son vivant.