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madiran

  • Futur de Présent ?

    Je suis loin de partager toute les idées véhiculées par le quotidien "Présent". Quand par exemple un de ses critiques d'art, Samuel, y fait l'apologie de l'art de Corot contre celui de Delacroix ou d'Ingres, je ne peux me retenir de froisser mon canard de rage ! Corot, Cézanne, Monet, surtout pas de vagues ! Tout ça c'est de l'art bourgeois, une étape dans l'évolution vers l'art contemporain, encore plus mesquin : du tam-tam pour faire croire à la foudre et au tonnerre.

    En revanche, le parallèle établi par le même Samuel entre la liturgie catholique contemporaine et l'art contemporain est beaucoup plus raisonnable. Sur le sujet de l'art, les incantations des papes, de Pie XII à Jean-Paul II en passant par Paul VI, illustrent leur parfaite ignorance (de théologiens ?) en la matière, et ne sont pas très éloignées des slogans des critiques d'art contemporain branchés - peut-être pas aussi saugrenues mais aussi plates qu'eux. "Ils aiment l'art pur car ils n'ont pas d'yeux !" a-t-on envie de dire pour imiter Péguy. Alors que la devise de l'art créationniste et réactionnaire serait plutôt : "Celui qui a des yeux, qu'il voie ; celui qui a des oreilles, qu'il entende."

     Mais, étant donné que Marx m'a appris à raisonner, je ne peux pas me désintéresser du destin de ce petit quotidien "Présent", menacé de disparition. C'est en effet le seul quotidien à ne pas dépendre de subventions gouvernementales, ni, surtout, de la "manne" publicitaire, qui ne tombe pas du ciel contrairement à ce que les libéraux prétendent ; menacé de disparaître au moment où Jean-Marie Colombani, qui avait tenté d'étouffer par des procès les critiques de "Présent" contre "Le Monde", est récompensé de ses bons et loyaux services par Sarkozy, après avoir été viré du "Monde" pour sa mauvaise gestion, officiellement (en réalité parce que Colombani incarne de façon un peu trop voyante la compromission des élites médiatiques avec le pouvoir politique. La question de la rentabilité d'un quotidien comme le "Monde", dans la société capitaliste dans laquelle nous sommes, est une question qui n'a pas de sens. Le but du "Monde" n'est pas d'avoir des lecteurs et de dégager des bénéfices pour continuer à publier des idées, des études, des reportages ; non, le "Monde" est un organe de propagande essentiel, propagande pour les produits qui sont vantés dans les encarts publicitaires, propagande plus largement pour tout le système démocratique puisqu'on sait que les rédactions des chaînes de télévision s'écartent peu du copier-coller du "Monde", l'adaptant simplement au style "prompteur".)

    Il y a aussi "Charlie-Hebdo" et le "Canard enchaîné", mais ce sont des hebdos, et le "Canard" joue beaucoup sur le goût prononcé des Français pour la délation, comme d'autres torchons jouent sur le voyeurisme, etc. Les lecteurs attentifs de "Charlie-hebdo" auront quant à eux remarqué qu'on voit de plus en plus les dessinateurs de "Charlie-hebdo" à la télé, Tignous, Charb, en plus de cette tête de boeuf-carotte de Siné et de ce raseur de Philippe Val. Autant on pouvait admettre que le talent assez exceptionnel de Cabu s'impose jusqu'au "Club Dorothée", autant cette compromission générale des caricaturistes de "Charlie" avec les mass-médias, indique la "normalisation" de cet hebdo naguère satirique et impertinent, désormais aussi gélatineux que PPDA ou Guillaume Durand en fin de soirée.

     *

    Au fond, peu importe les idées défendues par "Présent", ou même le talent de ses rédacteurs, lorsqu'on lit un journal on pense presque toujours pouvoir faire mieux, je suis le premier à m'agacer de l'américanophilie primaire -ANTIFRANCAISE - d'un type comme Alain Sanders (comme quoi on ne se remet pas toujours d'avoir trop regardé de westerns dans son enfance), peu importe, si "Présent" vient à disparaître ce sera un événement significatif, que dans un pays où on ne cesse de claironner la liberté d'expression, le seul quotidien libéré des entraves de la publicité disparaisse.

    Encore une fois comment un marxiste resterait-il indifférent à ce phénomène ? D'ailleurs les penseurs politiques qui avaient anticipé d'un demi-siècle au moins l'état d'oppression dans lequel nous sommes aujourd'hui enfoncés, oppression des idées, de la science, de l'art, bref de tout ce qui est spirituel, système dans lequel les médias jouent un rôle déterminant, tous ces penseurs, je pense à Orwell, Huxley, Waugh, Simone Weil bien sûr, étaient marxistes ou catholiques, ou marxistes ET catholiques. Et on voudrait me faire avaler que le succès actuel de Kant, de Nitche, de Heidegger, de Lévinas, de Jeanne Arendt, bref de tous ces grands nuls, n'est qu'une coïncidence ?