Comment expliquer, dans Objections, la revue d’un abbé, qui plus est d’un abbé en soutane (Tanoüarn) !, la critique élogieuse, naguère, des Bienveillantes de J. Littell ?? Bouquin plein d’une pornographie de gare, soutenu par le conformisme démocratique, farci de mensonges, et, le pire peut-être pour un chrétien, rédigé dans une langue barbare…
Une certitude, cet abbé de Tanoüarn n’a pas lu lui-même ce nouveau “livre sacré”. Il a sûrement délégué cette corvée à un de ses enfants de chœur. Mais les erratums ne sont pas faits pour les chiens, ni même réservés aux musulmans !
Une certitude et un doute. Je soupçonne cet abbé distrait, proche de l’Action française, d’avoir consenti qu’on encense un tel paquet sous prétexte qu’il était déversé dans le dos de l’Allemagne et des Allemands. Ne serait-ce pas la conséquence de la haine stupide et persistante des maurrassiens pour les “boches” ? D'autant plus stupide depuis que le chef de l’Action française, le vieux poète malentendant Charles Maurras, a été condamné par un tribunal d'authentiques FRANÇAIS, après une parodie de justice que les Allemands eux-mêmes n’auraient probablement pas osée.
Dans le numéro de juillet d’Objections, l'abbé de Tanoüarn évoque néanmoins lui-même le dernier livre du plus fameux des Allemands, c’est-à-dire le Jésus de Nazareth de Benoît XVI.
Alors, opus magnus ou opus minus, cette nouvelle somme théologique ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que M. de Tanoüarn fait peu d’objections.
« [Benoît XVI] insiste sur le fait que le christianisme ne véhicule aucune morale particulière, mais simplement la morale commune, morale naturelle, qui correspond aux dix Paroles de Dieu à Moïse (…) »
Quoi, encore cette “morale naturelle” ?? C’est marre à la fin de cette “loi naturelle” que “thomistes” ou “maurrassiens” ne savent pas justifier autrement qu’en disant qu’elle n’a rien de naturel.
« Tu ne tueras point. » : on peut mesurer au nombre d’avortements prescrits tous les ans en France, ce que le décalogue a de “commun” ou de “naturel”.
Et la Bible scandalisait le bourgeois Flaubert.
Faut-il donc comprendre cette “morale naturelle” comme une morale que la plupart des Français adopteraient naturellement s’ils étaient plus chrétiens ?
Au diable les vieux sophismes, et vive Baudelaire, qui exalte non seulement une morale mais une POLITIQUE chrétienne exceptionnelle.
« On pouvait attendre sur un tel texte [les béatitudes] une allégeance du commentateur [Benoît XVI] à la religion humanitaire, dominante aujourd’hui. (…) il ne faut pas oublier que naguère, le cardinal Ratzinger fut le dénonciateur vigilant des dérives politico-sentimentales de ce qu’on a appelé "l’option préférentielle pour les pauvres". (…) il note donc : « La pauvreté dont il est question ici n’est jamais d’ordre strictement matériel. La pauvreté strictement matérielle ne sauve pas. »
Après Baudelaire, je ne peux m’empêcher de penser à Bloy, auquel les maurassiens accordent quelquefois un peu de crédit uniquement parce qu’il a poussé quelques rugissements contre les Prussiens…
Je me souviens aussi de ce sermon surréaliste, un soir, dans une paroisse perdue dans les sables de Bruxelles, de la bouche d’un curé conciliaire, tandis que deux petites fillettes de chœur grassouillettes se tortillaient sur la moquette à ses pieds.
Benoîtement, ce prêtre expliquait à ses ouailles que le “jeune homme riche” n’était pas vraiment riche - d’ailleurs comment aurait-il pu l’être, étant jeune, cet argent devait sûrement être celui de son père, et non le sien, il fallait donc entendre “riche” au sens spirituel, ne pas prendre l'injonction du Christ à abandonner toutes ses richesses au pied de la lettre, etc.
“L’option préférentielle pour les pauvres”, si elle est un abus de langage administratif, n’est pas un abus d’interprétation des Évangiles. Ce qui est abusif, comme cela s’est passé, c’est de la proclamer, cette charité à l’égard des pauvres, sans la pratiquer plus que d'autres. Tel fut l’hypocrisie des démocrates-chrétiens et de leurs bazars de la charité.
Non seulement l’abbé de Tanoüarn n’a pas lu Littell, mais il ne lit pas les journaux. Ce que reprochait à Mère Térésa Bernard Kouchner, incarnation de l’humanitarisme télévisuel nouveau, c’était de ne pas se soucier assez des besoins “matériels” des pauvres indiens - pas assez de leur santé et trop de leur âme.
La dérive humanitaire, c’est aussi d’avoir détourné des fonds collectés pour nourrir les pauvres afin d'armer des guérillas dont les pauvres ont été les premières victimes.
Dans une société démocratique où on est contraint de détruire les excédents pour ne pas crever “étouffés sous les richesses”, l’exégèse de Bloy paraît plus utile que celle de Benoît XVI.
L’esprit de pauvreté excessif ne semble pas guetter l’Occident, dont l'évangile capitaliste est : "L'argent ne fait pas le bonheur… mais il y contribue."
D’ailleurs on se doute que l’agioteur rendu millionnaire par l’astuce, qui, tout d’un coup, à la faveur d’un krach perd ses millions, ne sera pas, de ce seul fait, automatiquement sauvé, juste parce qu’il est pauvre, désormais ; ça tombe sous le sens commun.