Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

patrice delbourg

  • Saisir l'occasion

    46d19a405c74ade4480f0c841bfbca4a.gif
    D’après la jaquette de Comme disait Alphonse Allais, une occasion saisie chez Gibert, l’écrivain Patrice Delbourg est “bien connu des auditeurs de “France-Culture”. Ça m’écorche un peu la gueule de l’admettre, vu que “France-Culture” symbolise à mes yeux le moisissement d’une culture française en pleine période de paraphrase, mais l’hommage rendu par P. Delbourg à A. Allais a le mérite de nous emmener hors des sentiers battus ; pour une fois qu’on s’échappe du boulevard Zola, de l’avenue Alexandre Dumas, de l’impasse Lévinas, de la perspective Aragon, du quai Voltaire, du square des surréalistes staliniens, de l’autoroute Nitche, du rond-point des philosophes existentialistes, pour emprunter l’Allais transversale pavée de blagues d’Alphonse, philosophe de la seule espèce supportable, celle des philosophes qui ne se prennent pas au sérieux… On respire l'air frais !

    Le mérite du bouquin de Delbourg, paru discrètement en 2005 à l’occasion des cent ans de la mort de l’écrivain normand, est d’autant plus grand qu’il recopie de larges extraits d’Allais. Il se présente sous la forme d’un dictionnaire à entrées diverses et variées, de “A” comme “absinthe” à “Z” comme “zutiste” en passant par “K” comme “kamikaze”.

    *

    Où on s’aperçoit qu’Allais est le contrepoint de notre époque : aussi scientifique, familier des recherches du chimiste-poète Charles Cros, que notre époque est superstitieuse, aussi drôle que notre époque est philosophique, aussi divers que notre époque est uniforme, aussi sceptique que notre époque est crédule, aussi normand que notre époque est américaine - sa tombe au cimetière de Saint-Ouen a même été bombardée par l’aviation yankie - les salauds !

    Même l’athéisme et l’anticléricalisme d’Allais sont démodés. Allais est bien loin d’être un de ces bigots du Néant, bardés de principes et qui ne cessent de claironner leur foi dans le Vide et le Non-être, que les croyants les gênent dans leur pratique, bref, la litanie habituelle.
    Allais, il ne fait qu’exploiter la vieille parcelle de paganisme normand, il n’a pas de visées expantionnistes. Il est anticlérical comme Rabelais ou Molière ou Aymé, il se contente de remplir son devoir d’humoriste en égratignant les autorités, toutes les autorités, rien que les autorités ; et comme l’Église n’en a déjà plus beaucoup, d’autorité, du temps d’Allais, il n’est guère mordant.

    Nul doute qu’au passage Choiseul le père de Céline lisait les chroniques d’Allais et qu’il n’était pas assez rosse pour priver son fils Ferdinand de journaux. On peut imaginer que Céline a été influencé par ce style direct ou qu’Allais l’a aidé à sentir tout le parfum de son siècle, si caractéristique.

    En conclusion, lisez Allais, il ne vous en coûtera pas beaucoup plus cher qu’une place de cinéma et vous éviterez la migraine qui s’ensuit si le film vous était recommandé par “France-Culture”.