Il y a d’abord eu l’affaire Marie-Léonie, brave fille qui, ne sachant trop comment attirer l’attention de son amant, simula sur elle une agression antisémite dans le RER.
Le truc était assez grossier, mais les amateurs du genre ne peuvent s’empêcher de sursauter dès qu’une porte claque dans un film d’horreur, ainsi journaux et télés se jettèrent sur l’appât comme des morts de faim. Concert de cris d’orfraie. Depuis, Marie-Léonie s’est fait gourmander par Ivan Levaï chez Mireille Dumas, et, c’est promis, elle ne recommencera plus.
Ensuite ce fut l’incendie criminel du centre social juif de la rue de La Roquette ; ça semblait plus sérieux, un officiel israélien fit même le tour des décombres, l’air grave. Il faut dire qu’il était écrit sur les murs : « Le monde sera plus pur quand il n'y aura plus de juifs. » Quand on découvrit que le coupable était le portier séfarade du centre, il fallut faire le deuil de tout antisémitisme, une fois encore ; ce n’était que de l’humour noir juif. La précision de l’origine séfarade du pyromane par les médias me laisse tout de même un peu songeur…
Avant, il y eut “Phinéas”. Sous ce pseudo biblique se cachait un jeune homme dont l’éducateur regretta dans “Le Monde” qu’il n’ait pas su tirer meilleur profit de ses talents de graphiste, sans rire, bien sûr, car on ne rit pas dans “Le Monde”. Ce lascar peinturlurait de croix plus ou moins bien gammées les tombes du cimetière juif le plus proche. Mais, comme il ne se passe pas un week-end sans qu’une bande de gugusses désœuvrés ne vandalise un cimetière, qu’il soit juif ou chrétien, ça minimise un peu la portée du geste de ce Phinéas. En tout cas, grâce à la complaisance des journaux et des télés, Phinéas a obtenu enfin ce qu’il voulait, faire parler de lui, sans passer par “Koh Lanta” ni la “Star Academy”.
Et puis, malgré tous leurs efforts, les enquêteurs n'ont toujours pas retrouvé ne serait-ce qu'un bout de l’ADN de Le Pen dans le cimetière de Carpentras.
Comment n’en conclurerais-je pas que l’antisémitisme bat de l’aile ? Mais ne soyons pas inquiet, Dominique de Villepin se fait fort de rapiécer cette bannière effilochée pour la faire flotter de nouveau au sommet de la Chiraquie gaullienne !
Pas mal occupé en ce moment à dédicacer son dernier livre (et à écrire le prochain, “Le Marabout et la Morue”, sur l’évolution de l’Islam en France), il a préféré envoyer Jean-Christophe Rufin se battre à sa place, le chargeant d’un rapport sur la "Lutte contre le racisme et l’antisémitisme", un vrai chantier, selon les propres termes du ministre-poète-chevalier. C’est très chic pour un homme politique, depuis Mitterrand et Orsenna, de se payer les services d’un larbin qui a obtenu le prix Goncourt. Jean-Christophe Rufin s’en est-il mieux tiré qu’un vulgaire préfet, fait-il moins de fautes d’orthographe dans son rapport que Luc Ferry naguère dans les siens ? That is the question…
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