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Nul n'est parfait

Baudelaire vitupère donc les "modernes professeurs-jurés d'esthétique". Il veut mettre, lui, dans sa contemplation des nouvelles oeuvres proposées à la curiosité du public parisien, le moins de doctrine et d'esprit systématique, bien au contraire, autant de "modestie" qu'il est possible. Et il lâche incidemment cette phrase modeste : "Il m'arrivera souvent d'apprécier un tableau uniquement par la somme d'idées ou de rêveries qu'il apportera dans mon esprit."

Nul n'est parfait, et tout le monde peut se tromper, surtout lorsqu'il veut exprimer des choses positives, bien au-delà des lieux communs circulaires, c'est le sens principal de cette déclaration de principe.

Baudelaire prend des risques à parler clair et il le sait. Il ne pouvait prévoir EXACTEMENT l'avènement d'un race d'ânes bâtés de philosophie, dépourvus d'idées, et surtout de rêveries, qui, singeant le dandysme baudelairien, tireraient de cette manière de contempler la peinture une doctrine systématique permettant de disserter en charabia sur N'IMPORTE QUEL support ou sujet, en vue de toucher un salaire à la fin du mois : "ANYTHING CAN BE A WORK OF ART. WHAT MAKES IT A WORK OF ART IS THAT SOMEONE THINKS OF IT AS A WORK OF ART."

Nul n'est parfait, ça n'empêche qu'on peut être parfaitement nul.

 

 

Commentaires

  • Comme quoi s'empetrer dans la voie de la traditionnalisation(comme chez nous) ou modernisation peut être dangereuse pour l'art et la création.

  • Oui, Gretel, Baudelaire voit bien les limites de ce qu'il appelle "l'art hiératique", trop codifié - art hiératique auquel on est d'ailleurs revenu en Occident sous diverses influences. Certains le disent "naïf", "spontané" ou "mystique". Je le trouve pour ma part "sénile", "calculé" et "mystérieux".

    Je note aussi que Baudelaire a de l'affection pour la peinture "néo-classique", celle d'Ingres par exemple, ou même la peinture pré-raphaélite. Il pense que c'est une hérésie au point de vue artistique, mais il reconnait que c'est encore de la peinture, Ingres, Chenavard.

    C'est Delacroix qui incarne pour lui le mieux l'artiste moderne, qu'il voit comme le continuateur des plus grands, un peintre universel : "Observez, je vous prie, que la couleur générale des tableaux de Delacroix participe aussi de la couleur propre aux paysages et aux intérieurs orientaux, et qu'elle produit une impression analogue à celle ressentie dans ces pays intertropicaux, où une immense diffusion de lumière crée pour un oeil sensible, malgré l'intensité des tons locaux, un résultat général quasi crépusculaire."

  • "Baudelaire prend des risques à parler clair et il le sait". Lapinot aussi...Ce lapin s'exprime sans fard, au risque de se faire tomber sur le râble. On a souvent envie de le contredire, mais c'est parce qu'il a l'honnêteté intellectuelle de s'y exposer. Je continue à vous lire avec plaisir.

  • Oh ! pardon... Lire : LapinoS aussi.

  • Notez qu'on court beaucoup moins de risque aujourd'hui de se tromper. Ca me fait penser à Bernanos, dans "La France contre les robots" :

    "Je vous dénonce ce cancer [la politique du progrès technique et économique]. J'aurais eu un immense mérite, j'aurais pris ma place entre les génies protecteurs de l'humanité, si je l'avais dénoncé il y a une cinquantaine d'années aussi nettement que je le fais à cette minute. N'étant nullement un génie, mais un homme doué de bon sens, je ne tire aucune satisfaction d'amour-propre à vous dire que notre société est en train de crever, parce que cela se voit très clairement à sa mine."

    Bon, l'emphase gaulliste n'est pas mon style préféré, et puis les gaullistes n'ont rien fait pour changer cette politique que Bernanos dénonce, au contraire serais-je tenté de dire, mais il me semble que Baudelaire mérite ce titre, un peu ronflant encore une fois, de "génie protecteur de l'humanité".

    Mais qu'on se rassure, on ne me prendra pas souvent comme ça en flagrant-délit de gaullisme.

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