La femme modèle
C'est sans doute pas une coïncidence si j'ai presque toujours eu le béguin pour des nageuses, rencontrées à la piscine, dans les rouleaux de l'Atlantique ou au bord d'un lac. Les femmes de tête ne me séduisent pas, je m'obstine à préférer les femmes de cuisses, de chevilles ou de tétons.
À ce propos, on ne peut éviter la question épineuse de la symétrie, épineuse sur le plan des canons de beauté. En ce qui me concerne, j'ai l'œil exercé à remarquer le plus léger déséquilibre. Celui des tétons n'est pas le plus choquant, il est assez répandu. Mais un mollet plus gros que l'autre, cela rompt inévitablement l'harmonie, c'est gênant, quelles que soient par ailleurs les qualités de la femme observée, une épaisse chevelure dorée ou des chairs très fermes. L'admiration et le désir diminuent d'autant. Combien de fois j'ai été tenté d'aborder une femme dans la rue, puis, m'apercevant qu'elle avait un bras plus épais que l'autre, j'ai renoncé à mon projet ? Une fois que j'ai fait ce type d'annotation, je ne peux plus me l'ôter de l'esprit : « Cette fille a un bras plus gros que l'autre, cette fille a un bras plus gros que l'autre… », et cela signifie que je préférerai causer avec elle toute la nuit plutôt que de la croquer, ne serait-ce qu'une poignée de minutes.
Ce désir de perfection n'est pas très original, on le retrouve dans l'art grec, bien sûr, qui marque les esprits, que de dépit on veuille le saccager, ou d'amour on veuille l'imiter. Mais ce désir de perfection, en ce qui me concerne, n'est pas aussi poussé s'agissant du visage ; à cet étage un peu de déséquilibre ne nuit pas, un nez tordu n'est pas forcément rédhibitoire. Qu'est-ce qui explique cette distorsion entre le visage et le corps ? Est-ce que le visage n'est qu'une partie du tout, une partie secondaire, ou est-ce que le visage est le lieu où se disent les idées, domaine superficiel où un peu de fantaisie est permis ?
Un mathématicien pourrait être tenté de faire cette objection bénigne que la symétrie n'existe pas dans la nature, mais les mathématiques ne sont qu'une approximation naïve.
La fierté des peintres véritables de savoir rendre les mains et les visages n'est pas contradictoire avec le propos précédent sur la symétrie. C'est que les mains et le visage s'écartent des schémas et sont d'autant plus difficiles à traduire en signes. Les mains et le visage pour les peintres, ça correspond un peu à l'imparfait du subjonctif des poètes.
Commentaires
Tu n'as pas essayé de baiser avec Lara Croft ?
Si justement, mais sans succès. Pas la version américaine, une version française non retouchée, beaucoup plus excitante - assez basanée et franchement symétrique comme il faut, avec une longue natte probablement factice -, et qui avait été déposée sur un podium au Virgin Mégastore pour appâter les marmots adeptes du "joystick-branlette".
J'ai renoncé au dernier moment à me frayer un chemin jusqu'à elle à coup de taloches pour l'arracher à sa condition ignoble de femme-sandwich quand j'ai pensé, Driout, que c'était typiquement le genre de gonzesse qui devait avoir des idées féministes.
En effet, cela correspond... Ne fallait-il pas qu'à Milo (dans le champ d'un paysan madré peut-être) les bras m'en tombassent ?
Ma Vénus à moi, c'est la Madeleine du Louvre, aile Denon (Et les paysannes madrées, ça existe aussi.)
"Un mathématicien pourrait être tenté de faire cette objection bénigne que la symétrie n'existe pas dans la nature, mais les mathématiques ne sont qu'une approximation naïve."
Ah non, s'il y a un truc que je pige pas, c'est votre haine des maths. Mais bon, correction quand même: Les mathématiques n'ont rien à voir avec la nature. Quand on fait des mathématiques, on "joue" avec des abstractions, des concepts (le nombre est un concept), dans le terrain de la logique pure. Plusieurs fois, ces concepts aident pour une autre science, la physique, qui elle est basée sur l'étude de la nature. Remarquez donc que en aucun cas un mathématicien (et un physicien) peut être un savent "intéressé": Les mathématiciens et les physciens sont les uniques types de savants qui peuvent s'énorgueillir de toujours être désinterressés, réellement libres, et donc ce sont ces deux types de savants qui sont les plus sages de toute le domaine de la Science, loin devant les biologistes, les historiens, et tout les autres.
Parenthèse.
(C'est d'ailleurs pour ça qu'entre l'oeuvre entière d'un philosophe "important" (déjà ça, ça me fait doucement rire) type Hume ou autres, et un livre, n'importe lequel, de Poincaré, je choisis le livre de Poincaré sans hésiter et j'y apprends toujours plus qu'avec toute l'oeuvre de Hume.)