La symétrie rêvée des femmes
Mon avis n'est pas celui d'un "expert en anatomie féminine", ça serait un peu prétentieux de ma part, néanmoins je crois que j'ai assez croqué de gonzesses pour pouvoir me permettre quelques observations.
Le modèle idéal, c'est celui qui pose simplement, sans chichis, fier d'exhiber ses abattis, sans plus. Ça fait du bien de se sentir admiré, pas de doute, c'est le moteur de tous les modèles au service de la peinture ou de ce qu'il en reste, le fric vient après. Car comment ferait-on pour dessiner un objet, même une cruche, qu'on n'admirerait pas ?
Souvent ces filles souffrent d'une certaine injustice. Dans la vie de tous les jours, elles passent parfois inaperçues. Telle cette Marion, dont je ne soupçonnai pas la valeur exacte lorsqu'elle se présenta à la grille l'autre jour, jusqu'à ce qu'elle se tienne nue, debout, en pleine lumière. À quoi tenait cette transfiguration ? Au caractère sculptural de son anatomie, la solidité des épaules et des jambes n'excluant pas la finesse de ses terminaisons, pieds, mains, oreilles ; quelque chose dans la texture de la peau aussi qui améliorait son modelé - tout à coup c'était une princesse inca et plus une fille banale sapée à la mords-moi-le nœud. Il faut dire aussi que le regard du peintre est forcément un regard qui rêve. Il y a des modèles sans grâce qui se tortillent, c'est même la majorité, on a envie de les casser en morceaux, d'en faire du petit bois. Souvent ces modèles sont maigres, ils ne tiennent pas en place.
Les filles des photographes, de K. Lagerfeld par exemple, c'est tout l'inverse, les hommes se retournent sur elles dans la rue, parce qu'elles sont en couverture des magazines, sur les affiches du métro, et les chiens mangent ce qu'on met dans leur gamelle, ils voient rarement plus loin que le bout de leur instinct ; mais lorsque ces "top" modèles se foutent à poil, psschitt, circulez, y'a plus rien à voir. C'est le genre de filles qu'un mec veut surtout pour se faire mousser auprès de ses potes. Et il y a de pauvres filles pour se fixer cet idéal de beauté ! Dont certaines par-dessus le marché qui n'hésitent pas à se dire "féministes", ça fait partie de la panoplie.
Il y a le cas aussi des peintres qui demandent à leurs proches de poser nu pour eux. C'est assez délicat. Dans l'absolu il vaut sans doute mieux coucher avec son modèle après qu'avoir couché avec avant, si on est capable de se retenir. Il me revient un exemple un peu différent : un vieux peintre que j'ai connu, pas franchement laid mais très ridé, raviné, et qui avait l'habitude de prendre pour modèle sa ravissante jeune fille de seize ou dix-sept ans. Je ne sais pas s'il le faisait pour ça ou par économie, mais toujours est-il que ça "épatait la galerie" ; il aurait pu faire une petite carrière rien qu'avec ce truc, dans le genre de Balthus, s'il n'avait pas été franchement trop nul. Je trouvais ça plutôt amusant, la dévotion de cette fille pour son vieux papa peintre ; si ç'avait été un photographe, je crois que ça m'aurait écœuré.
Commentaires
L'option "je ne couche pas avec mon modèle" vous semble donc inenvisageable... ah!
Je me doute un peu de votre réponse (mais il n'est pas exclu, par ailleurs, que je puisse me tromper), mais que reprochez-vous précisément à la plastique des "top model"?
Cette histoire d'option, c'est très existentialiste comme idée, Mlle, et moi je vous rappelle que je suis marxiste, je ne vois pas la vie de cette façon.
Les top-modèles, ce que je leur reproche, eh bien c'est justement de ne pas avoir de plastique, elles portent juste bien haut un maquillage ou des accessoires. Parfois elles ont un beau regard. Mais ce n'est pas ça la beauté féminine.
Pourquoi est-ce mieux de coucher après qu'avant ? (cette question m'intéresse extrêmement, rapport à un vieux mystère à éclaircir, je serais très heureux d'avoir vos explications)
Et comme vous êtes marxiste, vous ne répondez pas à ma question, mais vous contre-attaquez en me reprochant la pire des tares: l'existentialisme.
Je dois reconnaître que vous êtes fine mouche et que c'est assez bien joué : vous marquez un point
Rassurez-vous, vous ne perdez rien pour attendre!
Pour clore (momentanément?) notre conversation précédente sur les écrivains "centristes": ça existe ? si c'est le cas, ils ne doivent pas être très... enfin je veux dire qu'ils manquent probablement de virilité.
A vous lire
"Pourquoi est-ce mieux de coucher après qu'avant ?"
Je vais pas répondre pour Lapinos, mais pour ce qui est de mon propre cas, il m'a toujours semblé que la tension qui règne entre le modèle nu et le peintre vêtu qui la voit, eh bien il est préférable qu'elle se résolve sur la toile (ou la feuille ou le bois, bref...) que dans l'étreinte.
Mais l'étreinte qui vient après n'est pas mal non plus...
Oh! Je poserais bien pour toi, Lapin...Dans un sens tu as raison, les plus beaux tableaux représentent des femmes bien en chair, et elles m'interpellent bien plus que ces maigrichonnes
"Dans la vie de tous les jours, elles passent parfois inaperçu."
Vous avez certainement voulu écrire : "inaperçues".
Vos textes sont rafraîchissants et cela fait plaisir de découvrir un athlète des beaux-arts sachant écrire. Ce n'est plus si courant.
Lapinos est un pervers polymorphe, je le savais. Mais quelle honte, mais quelle honte !
Euh, on fait comment pour devenir dessinateur de nues ?
Sur la plastique des top models, il n'y en a effectivement aucune. C'est maigre, maigre, voire squelettique. Sans aller jusqu'à Fragonard ou Poussin, un peu de viande sur la bête, ça permet d'occuper la main de l'honnête homme... Enfin, euh, pas si honnête que ça :o) ! Le jour où ces anorexiques filiformes comprendront ça...
Pas de méprise. Les femmes de Fragonard, Watteau, Rubens, Renoir, etc. sont faites pour être désirables, qu'en les touchant des yeux on les touche presque charnellement, et pour que ce toucher visuel et tactuel soit source d'enchantement. Les top model sont faites pour porter des robes désirables, et pour que ces robes, qui tombent bien, fassent rêver les femmes, leur donne envie de les porter. On peut dire : le modèle du peintre vaut comme contenu, le top model comme contenant. Le modèle est un porte-chair, le top model un porte-manteau. Finalité et destinataires différents. Rendons à César ce qui est à César.
Pardon. Tactuel mis (dans la foulée du visuel) pour tactile... Lapsus calami lié au désir de lier, comme dans le rêve du peintre, deux des cinq sens ?
Bien sûr, c'est ce que je disais, dans la peinture les drapés mettent en valeur les corps, tandis que dans la haute-couture, c'est l'inverse, et c'est dommage pour la beauté. Lagerfeld est peut-être un commerçant cultivé, qui lit Bossuet et parle couramment plusieurs langues, mais c'est un commerçant avant tout.
Pour moi le prototype du centriste, Mlle, c'est le paysan madré, du père Grandet à François Bayrou ; il y a de ça chez Claudel aussi, du moins dans les idées, capable de dire à ses amis juifs un jour le plus grand bien du "peuple élu", jusqu'à trahir le Nouveau Testament s'il le faut, et le lendemain à ses amis "antisémites" pis-que-pendre des juifs. Mais ça n'empêche pas le style ni la virilité.
On peut en effet difficilement reprocher à Claudel son manque de virilité.
Pour le reste, vous avez une approche politique de la littérature que je trouve stimulante, mais en partie seulement : ce que vous dites de Claudel est probablement vrai, je ne le conteste pas, mais vous relevez là son comportement d'homme et non pas d'auteur, si vous m'autorisez aujourd'hui à établir cette distinction que vous m'avez un jour reprochée ; je vais essayer d'être un peu moins confuse : l'attitude que vous soulignez chez Claudel a-t-elle vraiment des répercussions sur son oeuvre ? vous me permettrez d'en douter. Mais j'admets aussi que je ne porte qu'un intérêt très restreint à la politique, ce qui peut altérer ma compréhension des oeuvres littéraires; au fond, je crois qu'un vrai chef d'oeuvre transcende, sans l'exclure, la lecture politique qu'on peut en faire (la véritable Grande Mademoiselle a, je pense, été frondeuse par goût du romanesque et pour emm... son royal cousin).
La différence entre Grandet et Bayrou : l'un est devenu une figure mythique, l'autre ne peut même pas accéder au rang d'écrivain (moi non plus, me direz-vous, mais au moins je n'y prétends pas).
Au plaisir de vous lire
Centriste... Fernand Ledoux dans Tartuffe aussi, non ?...
@ Top là
"Le modèle est un porte-chair, le top model un porte-manteau. "
Très bon ! Merci, Top là. Je vais réutiliser ailleurs cette phrase, mais je m'en attribuerais bien sûr la paternité. :o) !
Je viens de prêter un peu plus d'attention au tableau que vous avez choisi pour accompagner ce post : "Suzanne et les vieillards" du Dominiquin, n'est-ce pas? Suzanne, symbole de la pureté et de la chasteté qui résistent face à l'outrage. Un tel choix de votre part me fait sourire vu les propos que vous tenez par ailleurs sur la gent féminine... mais vous n'êtes pas à un paradoxe près, me trompé-je?
A vous lire,
Merci beaucoup blazu. Je crois que je comprends.
(Daniel, XIII, 7-11.) Suzanne est elle pudique ou effarouchée ?
Ne m'attribuez pas ce paradoxe, Mlle. Ce thème biblique est un des thèmes préférés des vrais peintres, et c'est bien évidemment en raison de son caractère érotique, ou, si vous préférez, parce qu'il leur permet de mettre en valeur leur aptitude à peindre le corps de la femme.
La version du Dominiquin n'est pas, de loin, la plus érotique, je l'ai choisie parce que le vieillard assez ingambe de gauche me ressemble : j'ai exactement la même façon que lui d'enjamber les obstacles.
Puisque nous avons parlé de Claudel, savez-vous que "Partage de midi" sera joué à la Comédie-Française à partir de la fin du mois de mars ? Je pense que je vais m'offrir ce "petit" plaisir.
Je maintiens que la chaste Suzanne n'est pas effarouchée mais qu'elle est outragée : sa beauté n'appartient qu'à son époux, et au risque de provoquer l'ire des féministes de tout poil qui lisent votre blog, je ne vois rien là de dégradant pour elle.
A vous lire,
Cette sorte de pudeur dont vous vous gargarisez, Mlle, me paraît une idée assez moderne. Comme il est moderne de prêter systématiquement aux femmes les plus grandes vertus. Preuve qu'on n'échappe pas à son époque, aussi grande et aussi mademoiselle qu'on puisse être.
Peut-être est-ce dû aux vapeurs de ce délicieux Saint-Emilion que je viens de déguster, mais j'ai parfois du mal à vous comprendre, cher Lapinos.
Les qualités féminines dont je ne me "gargarise" aucunement, mais que j'essaie parfois de prendre en modèle, ne sont pas très modernes, à moins que vous ne considériez la Bible comme un texte moderne, ce qui est probablement le cas, mais sans doute pas dans le sens où vous l'entendez... Chercher à ressembler (plutôt mal que bien, je vous l'accorde) à Marie, ou à d'autres grandes saintes que les siècles de catholicisme qui ont forgé notre civilisation nous ont laissées, ne me semble pas d'un modernisme outrancier.
Il est parfois agaçant de vous voir systématiquement affubler vos interlocuteurs des pires défauts de la création lorsque vous n'êtes pas d'accord avec eux. Cela peut en outre donner l'impression que vous êtes à court d'arguments. Que vous n'appréciez pas ces modèles, soit, que vous trouviez "pisse-froid" une femme qui s'efforce de les suivre, passe encore... mais si vous êtes catholique, ne venez pas leur en faire le reproche!
Que mon époque - qui est aussi la vôtre - prête aux femmes toutes les vertus... cela reste à prouver; cela ne me semble pas flagrant dans le domaine moral...justement!
Quant à mon pseudonyme, que vous critiquez bassement, il m'a été donné par un ami en raison de mon caractère frondeur, de ma petite taille, et de mon goût pour le XVII°... rassurez-vous, je ne prête pas une vertu démesurée aux femmes du Grand Siècle.
Sur ce, je vous souhaite le bonsoir.
Y compris Lorenzo Lotto, qui comme vous savez peut-être était presque un saint (http://www.univ-montp3.fr/~pictura/Images/NePasOuvrir/1/A1579.jpg)
Loin de moi l'idée de vous ôter brutalement votre interprétation de cette scène biblique, Mlle… Laissez-moi penser de mon côté que Suzanne redoutait avant tout d'être violée, déshonorée, convaincue d'adultère, pas seulement d'être observée en tenue d'Ève.
Mais s'il y a une chose qui est sûre, c'est que tous les peintres profitent de cette scène populaire pour peindre un morceau d'érotisme.
Je comprends mieux quelle était votre pensée, et je crois que notre désaccord provenait d'un différend sur le sens des mots.
Voilà ce que j'entends par "effarouché" (à la suite du dictionnaire de l'Académie française : "En parlant d'une personne. Choqué, alarmé, effrayé. Une jeune fille effarouchée par des propos grossiers. Par méton. Un air effarouché. Une pudeur effarouchée."
et voilà une défintion de la pudeur à laquelle je souscris entièrement: "2° La pudeur est l’honneur des corps, l’ornement des moeurs, la sainteté des sexes, le lien de la continence, la source de la (171) chasteté, la paix des ménages, le principe de la concorde. La pudeur ne cherche à plaire qu’à elle-même. Toujours modeste, elle est la mère de l’innocence. Elle se juge assez belle si elle peut déplaire au vice. Elle ne cherche pas les ornements; c’est en elle qu’elle les trouve. Elle nous rend agréables à Dieu et nous unit intimement au Christ. Elle apaise les combats de la chair et nous donne la paix véritable. Bienheureuse elle-même, elle communique sa félicité à ceux en qui elle réside : ses ennemis la contemplent avec respect, et ils l’admirent d’autant plus qu’ils ne peuvent la vaincre." (source :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/cyprien/pudeur.htm"
Bref j'ai l'impression que vous avez désigné par l'adjectif "effarouchée" ce que je qualifiais, quant à moi, d'attitude pudique (honneur des corps, etc...)
Je crois donc que, si vous le voulez bien, la controverse est close entre nous à ce sujet... ;-)
Je comprends mieux quelle était votre pensée, et je crois que notre désaccord provenait d'un différend sur le sens des mots. Voilà ce que j'entends par "effarouché" (à la suite du dictionnaire de l'Académie française : "En parlant d'une personne. Choqué, alarmé, effrayé. Une jeune fille effarouchée par des propos grossiers. Par méton. Un air effarouché. Une pudeur effarouchée." et voilà une définition de la pudeur à laquelle je souscris entièrement: "2° La pudeur est l’honneur des corps, l’ornement des moeurs, la sainteté des sexes, le lien de la continence, la source de la (171) chasteté, la paix des ménages, le principe de la concorde. La pudeur ne cherche à plaire qu’à elle-même. Toujours modeste, elle est la mère de l’innocence. Elle se juge assez belle si elle peut déplaire au vice. Elle ne cherche pas les ornements; c’est en elle qu’elle les trouve. Elle nous rend agréables à Dieu et nous unit intimement au Christ. Elle apaise les combats de la chair et nous donne la paix véritable. Bienheureuse elle-même, elle communique sa félicité à ceux en qui elle réside : ses ennemis la contemplent avec respect, et ils l’admirent d’autant plus qu’ils ne peuvent la vaincre." (source : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/cyprien/pudeur.htm" Bref j'ai l'impression que vous avez désigné par l'adjectif "effarouchée" ce que je qualifiais, quant à moi, d'attitude pudique (honneur des corps, etc...) Je crois donc que, si vous le voulez bien, la controverse est close entre nous à ce sujet... ;-)
Je comprends mieux quelle était votre pensée, et je crois que notre désaccord provenait d'un différend sur le sens des mots. Voilà ce que j'entends par "effarouché" (à la suite du dictionnaire de l'Académie française : "En parlant d'une personne. Choqué, alarmé, effrayé. Une jeune fille effarouchée par des propos grossiers. Par méton. Un air effarouché. Une pudeur effarouchée." et voilà une définition de la pudeur à laquelle je souscris entièrement: "2° La pudeur est l’honneur des corps, l’ornement des mœurs, la sainteté des sexes, le lien de la continence, la source de la (171) chasteté, la paix des ménages, le principe de la concorde. La pudeur ne cherche à plaire qu’à elle-même. Toujours modeste, elle est la mère de l’innocence. Elle se juge assez belle si elle peut déplaire au vice. Elle ne cherche pas les ornements; c’est en elle qu’elle les trouve. Elle nous rend agréables à Dieu et nous unit intimement au Christ. Elle apaise les combats de la chair et nous donne la paix véritable. Bienheureuse elle-même, elle communique sa félicité à ceux en qui elle réside : ses ennemis la contemplent avec respect, et ils l’admirent d’autant plus qu’ils ne peuvent la vaincre." (source : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/cyprien/pudeur.htm). Bref j'ai l'impression que vous avez désigné par l'adjectif "effarouchée" ce que je qualifiais, quant à moi, d'attitude pudique (honneur des corps, etc...) Je crois donc que, si vous le voulez bien, la controverse est close entre nous à ce sujet... ;-)
Je comprends mieux quelle était votre pensée, et je crois que notre désaccord provenait d'un différend sur le sens des mots. Voilà ce que j'entends par "effarouché" (à la suite du dictionnaire de l'Académie française : "En parlant d'une personne. Choqué, alarmé, effrayé. Une jeune fille effarouchée par des propos grossiers. Par méton. Un air effarouché. Une pudeur effarouchée."
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