Pendant la campagne présidentielle, tous les canards les plus monomaniaques, Le Chasseur français, Philosophie Magazine, Jogging International, un à un ont recueilli solennellement les promesses des candidats, qui ont répondu aussi poliment que possible (mention spéciale aux photos de Philippe de Villiers en équipement de footballeur qui tente de faire un retourné acrobatique dans L’Équipe magazine et tient à préciser qu'il aurait pu être sélectionné dans une équipe de "pros" ; je sais maintenant pourquoi il y a quelques ouvriers et quelques bobos qui ont quand même voté pour lui).
Dans la petite bafouille du secrétaire de Sarkozy adressée à Beaux-Arts magazine, un nom est cité : Anselm Kiefer. Bravo, ce mec a tout compris à l’art contemporain ! Dans un cocktail ou un dîner bobo, l’important c’est de citer le nom d’un artiste (“Name dropping”), Werner Büttner ou Dietmar Ganzverrückt, par exemple, sont mes “names” préférés ; que le type existe vraiment ou pas n’est pas fondamental, ce qui compte, en revanche, c’est que ce soit un nom allemand. Les noms français comme Raoul Duchemin ou même André Zweiglück sont complètement “out” en ce moment, et, avec un nom chinois, vous risquez de ne pas le prononcer comme la moyenne et de faire rire tous les jobards autour des petits fours (Il n’est pas interdit, surtout si on n’a pas été invité, de faire une razzia).
Anselm Kiefer existe vraiment, lui, c’est pas très difficile à vérifier, hélas.
Le choix d’Anselm Kiefer est bon pour incarner l’art sarkozyste, d’ailleurs, car l’art de Kiefer est “rassembleur”.
Je ne vais pas faire mon critique d’art contemporain, Jean Clair ou Catherine Millet font ce job mieux que moi, ils maîtrisent mieux le vocabulaire technique. Mais rien que quelques petits prolégomènes coruscants en passant, juste comme ça, sur Kiefer, on me le pardonnera facilement, j'espère :
Donc "rassembleur" parce qu’on n’est pas dans la modélisation 3D de crottes de biquette anthropomorphiques, ni dans le “dripping” de règles de petites japonaises à peine nubiles sur écran plasma, qui pourraient choquer le bourgeois (pour les bourgeois, le plasma c’est sacré) ; et qu’on n’est pas non plus, au contraire, dans le post-impressionnisme ringard, une préoccupation de rendre la lumière qui s’accroche au bord des feuilles des rhododendrons fraîchement arrosés au crépuscule, qui ferait courir le risque de s’aliéner la jeune génération.
Kiefer est à mi-chemin entre Corot, ce qu’il y a de plus caractéristique chez Corot, la représentation morne et plate, bien encadrée, paradoxale par conséquent, d’une nature exubérante, sans autre talent que la sincérité, à mi-chemin entre Corot et le “n’importe quoi” de Marcel Duchamp, ou son “tout pour se faire remarquer”, une chaise de jardin qui vous interpelle, en fibre de carbone et à laquelle il manque un pied, pour montrer qu’on a “évolué”, c'est important d'évoluer.
Kiefer peut donc plaire, non seulement à Jean Clair, mais encore à tout le monde.
Commentaires
Vous êtes pardonné Lapinos! Vous vous rendez-compte, je _ ne connaissais même pas Anselm Kiefer qui existe vraiment, LUI! L''un des plus importants artistes allemands de l'après-guerre!! C'est dire mon inculture!
Heureusement il y a Wiki!
Ainsi, grâce à vous je découvre un grand peintre!!!
- Un atelier de 35 hectares,
- Une bibliothèque de soixante mètres de long
- sculptures monumentales
- série de tableaux grand format
- Ses oeuvres font partie des collections des plus grands musées du monde...
Mais aussi un grand penseur!
* «L'Histoire pour moi est un matériaux comme le paysage ou la couleur.»
* «Pour se connaître soi, il faut connaître son peuple, son histoire... j'ai donc plongé dans l'Histoire, réveillé la mémoire, non pour changer la politique, mais pour me changer moi, et puisé dans les mythes pour exprimer mon émotion. C'était une réalité trop lourde pour être réelle, il fallait passer par le mythe pour la restituer.»
* «Ma biographie est la biographie de l'Allemagne.»
* «Le matin avant de commencer à travailler, je vais dans ma bibliothèque. Elle fait soixante mètres de long, cela me permet de déambuler comme au Vatican. Souvent, je trouve un livre dont j'ai besoin, quel qu'en soit le sujet, qu'il s'agisse de mode ou de littérature. C'est très curieux, comme on trouve très souvent ce que l'on cherche. Je pense que nous avons un accès à nos livres qui ne passe pas par l'intellect, qui transite ailleurs que par le cerveau.»
* «Sans mémoire, il ne peut y avoir d'identité, d'autant que je considère que l'identité remonte bien plus loin dans le temps que notre propre naissance»
Attention aux petits fours, Lapin! Pour monter cinq étages chargé comme un mulet il faut du souffle!
Anselm Kiefer, je trouve que ça sonne plus maghrébin qu'allemand.
Ce Kiefer est un vil provocateur qui se déguise en officier nazi pour attirer l'attention sur lui (dans mon lycée, un type de quinze ans a fait ça une fois, je ne vous raconte pas la gueule des profs, c'était autrement plus gonflé comme farce, et il n'avait rien à vendre), puis, une fois les caméras captivées, Kiefer leur a servi évidemment le petit couplet moralisateur sur la choa, qu'il y a des bons et des méchants sur la terre, que c'en est révoltant que tous les livres accumulés dans les très grandes bibliothèques ne nous préserve pas de la méchanceté des boches.)
Après ça les journalistes soulignent le côté "officiel", l'académisme de la peinture de David ou d'Ingres… un comble !
Pourquoi diantre Sarkozy ou Fillon ne choisissent-ils pas plutôt de promouvoir Isabelle des Charbinières, quitte à lui trouver un pseudo genre Gudrün von Nachtundnebel et à rajouter un vieux parasol déglingué pour ne pas trop déboussoler la critique ? Sarko est malin, mais ça serait encore plus malin de citer une inconnue qui ne figure pas sur les listes officielles ; quand on leur drope un name qu'ils connaissent pas, faut voir la tronche de méduse des bobos babas…
Ah ! j'avais un camarade de lycée qui est arrivé un jour déguisé en garde rouge avec le petit livre de Mao à la main eh bien ! tous les professeurs sont venus lui demander ses ordres !
Votre lycée était sûrement d'un bien meilleur niveau, votre condisciple (je jurerais que vous avez eu le coup de foudre) était beaucoup plus malin que le mien…
Je me suis interrogé longuement sur le coup de folie de mon camarade (je rappelle qu'il portait un déguisement et que c'était donc un camarade de classe, pas de régiment).
Mon hypothèse favorite, c'est qu'il avait eu un grand-père allemand pendant l'Occupation, si vous voyez ce que je veux dire, comme de très nombreux français (plus d'une naissance sur dix à cette période) ; l'épais secret de famille que ce genre de mauvaise appréciation de l'Histoire engendre, l'homosexualité c'est de la rigolade à côté, éclate souvent de cette façon, ce n'est pas le seul cas que je connaisse, en une sorte de "coming out". Grosse panique des profs, encore une fois, majoritairement des démocrates-crétins qui ont craint qu'un tel affront public aux bonnes mœurs ne rejaillisse sur leurs blouses blanches. Le gamin s'est retrouvé à poil en cinq secs. La presse locale était moins développée alors qu'elle ne l'est aujourd'hui, la concurrence entre les supermarchés était alors moins forte, il est donc exclu qu'il ait fait ça pour se faire remarquer comme ce pantin de Kiefer.
Si Sarko m'élève au rang de Mythe (mite) national(e), je vous donne un pourcentage sur les ventes Lapin!
Au train où j'en suis, vous ne risquez pas d'être riche! Il s'avère que j'ai les genoux raides! A part avec vous bien sûr, je ne sais pas être opportuniste!
HA ! c'est drôle, j'ai failli vous demander l'autre jour si vous n'aimiez pas Arasse parce que tout spécialiste de la Renaissance qu'il fût, il kiffait Kiefer (c'est pour Cadichon).
Les personnes qui se chargent de choisir les noms à dropper pour notre président sont incroyablement vulgaires, ça se confirme ; il les choisit peut-être tout seul du reste. Ca n'avait rien de vulgaire de citer ce peintre il y a seulement quelques années, ou quelques mois, mais alors qu'on lui consacre un grand machin à Paris cette saison, c'est... laid.
Dites Isabelle j'espère que vos genoux ne sont pas trop raides pour le Bon Dieu, parce que si toute la partie sérieuse de votre blog est du flan !!! ça ferait beaucoup de loongues pages pour rien ?
C'est vach bat' ! Je kiffe Kiefer ... grave !
Pour le Bon Dieu c'est le coeur Nadine, le coeur!
Les genoux c'est de la "gneugneute"!!
Pour les genoux il y a encore la gymnastique, le massage, la rééducation, en dernier recourt l'opération! Mais pour un coeur dur et sec?
Du loonng Flaann sérieux pour rien ?
"(plus d'une naissance sur dix à cette période)"
Intéressant. Des précisions?
200.000 enfants nés de père allemand pendant l'Occupation ont révélé les archives, soit une naissance sur dix ! À ça il faut ajouter les enfants abandonnés, ceux qui ont été déclarés en Allemagne par leur père, les avortements…
Pour Jean Clair, je le savais, mais pour Arasse je l'ignorais, Nadine, même si c'est parfaitement prévisible. Je vous répète que Jean Clair, avec sa philosophie de l'art bancale empruntée à Diderot et son pseudo, comique pour quelqu'un qui manie des syllogismes ténébreux, est un meilleur sujet de caricature qu'Arasse. Il évoque mieux les "professeurs de philosophie ineptes" qui sévissaient déjà du temps de Baudelaire.
Ce qui fait la force de Baudelaire, qui n'est pas sans défaut mais qui a de l'amour pour l'art, par rapport à tous vos philosophes qui n'ont que de l'intérêt ou de la curiosité, c'est que Baudelaire sait distinguer ce qui a de la valeur, quand les autres ne font qu'argumenter sur le dernier machin-chose ou la dernière machine chouette à la mode.
Trop d'amour tue l'amour, mon cher Lapinos ! Tu es figé au garde-à-vous devant l'A.R.T ! Cela te nuit et conspire à te nuire ...
Merci des précisions.
Je me demande si tout cela au fond n'est pas encore une histoire de lave-linge, comme il y a tout un tas de pétasses journalistiques des deux sexes qui n'ont rien à faire de leurs journées sinon glander dans les expos à cause du progrès technique au lieu d'avoir de saines occupations ménagères et alors qu'on a interdit l'absinthe dans les bistrots, on crée des évènements avec de petits riens.
Ca marche pareil avec le tournoi de Roland-Garros ou la coupe de je ne sais quoi à Petaouchnok !
Le sport est hélas ! un bon dérivatif aux travaux forcés qui forgeaient le moral de la jeunesse délinquante comme le service militaire et les bonnes vieilles guerres celui du peuple.
Lapinos il faut envoyer tout ce petit monde à la messe, ils s'emmerderont peut-être mais au moins ils sauront pourquoi et ils ne nous feront pas chier avec des considérations oiseuses sur l'art brut, l'arte povera ou l'art naïf du sapeur Camembert et du facteur Cheval.
Lapinos veux-tu que je te dise : il n'y a plus de moralité même dans l'art.
La faute aux trente-cinq heures, Sarkozy l'a dit !
Va voter et remplis l'urne à ma place, moi je suis dégoûté.