Ce qui saute aux yeux, dans cet “hommage” de la NRF à Claudel, ce sont donc les persiflages - de Piero Jahier, Robert Mallet, Jouhandeau, Ponge… Témoignage intéressant sur les mœurs littéraires des années cinquante. Comment s’étonner aujourd’hui de la crapulerie des Sollers, d’Ormesson, Beigbeder, Dantzig, et de leur manque total de style ?
On a dit aussi de Léon Bloy pour tâcher de l’évacuer d’une manière ou d’une autre qu’il “exagérait” ; tout au plus ne faisait-il qu’anticiper un peu.
Il y a cependant quelques hommages à peu près sincères ; l’hommage, un peu sec, de Jules Romains ; celui, emphatique, de Saint-John Perse : « Son ascension s’opère au cric de la raison », « Au tranchant de sa foi s’annule pour lui tout nœud gordien. ».
Et puis il y a un texte de Georges Perros sur la “Fureur dramatique”. Je ne connais ce penseur que par ouï-dire, mais sa tournure d’esprit aristocratique laisse entendre que je gagnerais à le connaître mieux :
« Tout grand théâtre est comique, c’est-à-dire, très grossièrement, libre dans ses articulations. Distant.
(…) L’homme qui aurait pu se coucher - ou n’importe ! - le voilà en instance de spectateur, et sourdement travaillé, préparé, comme le sont, à la lumière des lampes de loge, d’autres hommes en instance d’acteur.
(…) On va se rassembler et, pour une fois, il va se passer quelque chose de beau, de bon, d’inoubliable.
(…) Ce jeu théâtral peut être considéré comme un défi amusé, comme un extraordinaire pastiche à la mesure du monde, pastiche dans la glace déformante de laquelle va se prendre la réalité, qui ne cesse de nous échapper, va se prendre et se signer.
(…) Un film médiocre nous laisse indifférent. (Jusqu’à preuve du contraire, on pourrait très bien se passer du cinéma.) Une mauvaise pièce nous attriste, ou nous irrite, comme si on venait d’assister à une dégradation. »
Loin, très loin des billevesées existentialistes à la mode sur la “société du spectacle”.
Commentaires
Cher Lapinos, c'est en suivant en dilettante vos interventions sur le blog de fromage+, dont je partage souvent la pertinence, que j'ai fini par atterrir sur votre blog.
Il m'a permis de redécouvrir cet excellent passage de Drieu La Rochelle qui, à l'heure où Sarko menace l'Iran et met en garde la Russie, reprend une saveur toute contemporaine.
Salutation et merci !
Perros n'est pas exactement ce que l'on peut appeler un "penseur" (le titre de son "roman poème", "Une vie ordinaire", dit assez sa modestie), mais on lit avec bonheur - et, sur la fin, avec émotion - ses "Papiers collés" (Gallimard, "L'Imaginaire", 3 vol.).
Je voulais éviter le terme de "philosophe", si dévoyé. Si Luc Ferry "philosophe", ne peut-on dire que G. Perros "pense" ?