Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Espèce de gaulliste !

Un lecteur s'est offusqué de ce que je traite Jean Galtier-Boissière de "gaulliste" ; on est bien obligé à la lecture de son Journal de faire le constat qu'il le fut. Evidemment, en 1944, Galtier-Boissière, fondateur du "Crapouillot", célèbre journal sorti des décombres de la guerre de 1914 et contempteur des "200 familles" et de leur politique, ne pouvait pas savoir que de Gaulle allait s'avérer leur homme-lige.

Quelques extraits encore du Journal de Galtier-Boissière, dont le ton tranche singulièrement avec le conformisme actuel :

"8 septembre 1944 - L'épuration chez les comédiens.

Il est évident que la plupart de nos vedettes se sont plus ou moins 'mouillées' : Sacha Guitry arborait au bar du 'Maxim's' le seul chapeau mou dans une rangée de casquettes plates ; Fresnay et Préjean ont tourné pour la 'Continental' ; Raimu se vantait d'être l'ami de Laval ; Chevalier chantait à 'Radio-Paris' ; Fernandel aurait dîné au 'Cercle européen'...

Mais dans les campagnes qui s'amorcent, on sent un peu trop la jalousie des petits emplois vis-à-vis des premiers rôles qu'ils voudraient évincer à la faveur de l'épuration.

- Pourquoi ne jouerais-je point Tartuffe, se dit un deuxième valet du répertoire, moi qui ai fait le coup de feu rue de Rivoli ?

La nouvelle presse, béatement conformiste, est d'une platitude que n'excuse plus l'improvisation des premiers jours. Tous les journaux sautent de joie à l'idée d'être libres, libres... mais libres de quoi ?

Nous nous apercevons, non sans mélancolie, que le principal mérite de certaines feuilles, c'était d'être clandestines. Un authentique héros du maquis peut très bien ne pas savoir brocher une chronique ou parler au micro. Mais c'est très délicat de le lui faire comprendre.

La mort de Jean Prévost dans le maquis du Vercors est malheureusement confirmée. C'était un garçon très sûr, ancien normalien et agrégé, remarquablement intelligent et courageux.

19 septembre - Revu Z... officier du service secret qui assurait la liaison Londres-Paris. Cet industriel israélite est devenu léniniste ; il déclare que la classe bourgeoise qui a failli à sa mission doit disparaître et réclame un premier abattage de deux cent mille têtes.

- En somme, lui dis-je, tu es maintenant pour les pogroms d'aryens ?

Nous faisons un tour d'horizon :

- Que penses-tu du Général ?

- Il est stratosphérique.

22 septembre - Des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur ont visité hier le camp de Drancy 'en vue de son agrandissement'. Le nombre des incarcérés de la région parisienne dépasserait actuellement dix mille.

30 septembre - Lefèbvre me raconte la fin tragique de son ami Andrès, as de la Résistance, qui s'était évadé d'un train de déportés et n'avait jamais été repris.

Après la Libération, la Police le prévient qu'elle a retrouvé au fond d'une cave de la Gestapo, avenue Foch, des caisses volées dans son appartement. Andrès va identifier son bien et le lendemain revient avec un camion. Il descend à la cave, mais à peine a-t-il déplacé une première caisse qu'une bombe fait explosion et le tue net.

Trois escarpes du gang Bony-Lafont reconnaissent qu'à Saint-Mandé ils ont torturé une vieille dame et son infirmière pour les rançonner. Après les avoir violées et assassinées, ils ont fait cuire les cadavres dans une marmite et les ont passés à la machine à hacher.

La maîtresse d'un des bandits déclare qu'elle ignorait qu'on dût aussi tuer la vieille dame :

- 'On m'avait dit qu'elle serait simplement déportée !'"

 

Les commentaires sont fermés.