Au journalisme chrétien de son temps, presque aussi bêtement qu'aujourd'hui dédié à la propagande d'une Eglise romaine au bord de la faillite spirituelle, Léon Bloy oppose un examen et une vision des événements politiques pour les confronter à l'apocalypse.
Désorienté par la philosophie politique ou maçonnique chrétienne (!) de Joseph de Maistre, comme Baudelaire le fut aussi d'ailleurs, Bloy commet une erreur historique. Celle de prendre le moyen âge occidental pour une sorte "d'âge d'or" ; alors que c'est la Renaissance qui correspond le mieux au cadre apocalyptique que Bloy veut réassigner à l'art chrétien. Celui-ci ne peut en avoir d'autre, puisque toutes les rêveries orientales sur la civilisation, en plus d'être anti-historiques et d'aboutir à des spéculations aussi stupides que la "fin de l'histoire", sont des idéaux païens, les plus adaptables aux méthodes publicitaires modernes, comme on peut le constater.
Ce n'est pas le problème d'examiner ici en détail comment la Renaissance a pu s'élever au-dessus des contingences triviales, d'ordre moral et politique, avant que l'Occident ne retombe dans la musique baroque infantilisante, goûtée jusqu'à l'ivresse par les opprimés et les faibles d'esprit, probablement parce qu'elle procure la douce illusion de n'avoir jamais été expulsé du sein chaud maternel dans un monde dont l'absurdité n'est pas moins atroce que la violence. Musique ou culture qui ne vaut donc même pas, sur le plan spirituel, le suicide. De façon lapidaire, on peut dire que c'est une question de force. La force de Shakespeare, Michel-Ange, Dürer, est extraordinaire.
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Plutôt que de se soumettre au journalisme et à l'information, bien plutôt faits pour le maintien de la peur, et par là de l'ordre et la civilisation des marchands d'opium, tâchons comme Bloy d'y voir clair. La myriade de détails ne signifie pas la plus grande complexité du monde, mais la fragmentation de l'intelligence en milliers de petites facettes, comme l'oeil d'une mouche.
Les révolutions arabes ou le terrorisme islamique sont parfois pris comme des événements significatifs du temps. Je doute en ce qui me concerne qu'il y ait là autre chose que l'expression de la frayeur de bien-pensant propriétaires, d'une part, et l'ivresse d'autre part de croire qu'on ne sera pas "ad vitam aeternam" un peuple d'esclaves. Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire d'un pouvoir qui soit déstabilisé par autre chose qu'un pouvoir antagoniste. La pauvreté et le manque d'organisation des révolutionnaires arabes est tel que leurs révolutions ne se font pas sans le concours des Etats-majors occidentaux.
Au regard de l'apocalypse, bien plus significative à mes yeux la formule politique en vigueur aux Etats-Unis, plus stupéfiante encore pour un chrétien voire un juif que le nazisme, d'une théocratie égyptienne, placée non pas de façon rationnelle comme le nazisme sous le signe indien ou les symboles de l'architecture romaine, mais dissimulée sous des oripeaux chrétiens. Et non moins stupéfiante encore la relation diplomatique du Vatican avec cette architecture de type babylonien. Quand les sectes ostensiblement démoniaques aux Etats-Unis touchent d'abord les milieux populaires.