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Culture de vie

La "culture de vie" est l'autre nom pour désigner ce que Nitche nomme "morale pure", et qu'il oppose au christianisme. La morale pure est un truc qui suinte des murs ou qui coule à flots en Allemagne, comme la bière. C'est un mensonge de dire que Hitler a inventé seul le "sentiment national" ; il existait bien avant lui, et il persiste après. Il existera tant qu'existera la musique.

Pour le Français à peu près entier et sain d'esprit, en revanche, c'est à peine croyable les proportions qu'une chose aussi anecdotique que le coït a pu prendre dans la civilisation. Et encore, dans la plupart des cas, il s'agit de "safe sex", donc seulement d'imiter les rapports sexuels (un peu comme la bière sans alcool).

Si les Allemands savaient écrire autre chose que de la musique ou des notes administratives, je suis sûr qu'ils prendraient l'initiative déplorable d'écrire avec gravité sur le coït, quand le parti-pris est, en France, de traiter cette matière sur le mode de la gaudriole. Les Français sont disposés à comprendre que Shakespeare a fait quelques tragédies autour du sexe, et pas seulement des comédies ; car la bêtise humaine peut facilement virer à la boucherie. Qu'est-ce que Hitler, en revanche, wagnérien en diable, a pu comprendre à Shakespeare ?

Vous me direz : il doit bien y avoir des Français qui ont écrit sérieusement sur les rapports sexuels, en dehors des manuels d'anatomie ou de chimie organique ? Bien sûr, on trouve de tout dans les bibliothèques publiques, même Harry Potter et la collection Harlequin, mais je ne vois pas vraiment qui a pu faire ça (Chateaubriand était pédé).

C'est vrai qu'il y a Sade, et que la culture de vie de Sade est intéressante pour deux raisons. D'abord, à titre personnel, je suis plutôt surpris qu'un type qui rêve de violer des femmes et de les égorger ne soit pas plus censuré que ça ? Il est vrai qu'entre propriétaires, on a vite fait de plaider le crime passionnel, et le romantisme est la religion des grands bouchers comme des petites saucisses bien rangées.

Ensuite, deuxième raison, l'obsession sexuelle brutale de Sade est liée à une autre, celle de la propriété, pour laquelle il montre un appétit aussi féroce. Il faut dire qu'on inculque aux aristocrates le culte des origines ; ils ont ça dans leur sang bleu et se croient sortis de la cuisse de Dionysos.

Bref, du point de vue français, le côté incestueux ou identitaire apparaît un peu trop clairement dans le roman à l'eau de rose allemand ou italien ; heureusement que Proust a trouvé des produits dérivés à son amour pour sa mère, comme la madeleine ou une petite sonate, la peinture au lait de Vermeer.

L'eau de boudin n'est jamais très loin de la culture de vie.

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