Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Censure totale

La censure n'a jamais été aussi forte en France depuis le XVIIe siècle. On est assez interloqué par l'audace de Molière, quand on la compare à la servilité des artistes contemporains, leurs petits trucs et astuces pour épater la galerie et se donner en spectacle.

Bien que Voltaire n'a pas grand-chose à voir avec l'esprit de la république rentière dans laquelle nous sommes - c'est un effet de la censure scolaire de faire croire le contraire -, il fut d'une impertinence très éloignée du confort intellectuel des élites françaises actuelles, dont l'absence quasi-totale d'esprit critique trahit l'académisme. Ils sont tous d'accord pour en croquer. Et comme ils ont tous des dentiers, leur gastronomie est un spectacle immonde. Quand on tire des traites sur la littérature ou l'art, on ne peut pas le faire indéfiniment plus loin que Jean d'Ormesson, dont la prose est déjà entièrement virtuelle, une sorte d'effet de style.

Ceux qui nient la puissance de la censure aujourd'hui, feignent d'ignorer que l'engouement pour l'internet vient en partie de là, et la faillite de la presse. La négation de la censure est une défense du régime publicitaire où nous sommes, à qui profite le monopole de l'information, et, pour ainsi dire de la vérité, dans un contexte où la plupart de nos "maîtres à penser" affirment les bienfaits du mensonge et la beauté de la merde en plastique, du moment qu'elle possède une valeur spéculative. Ceux qui nient la censure, sans profit, feraient bien de se demander ce qu'ils censurent en eux.

Dans ce contexte-là, tout le monde est mort. Je veux dire que bien des gens pensent qu'ils vivent, mais ils ne font qu'exister, selon les préceptes de la plus nébuleuse des religions, dont tous les objets de culte sont en plastique.

L'aspect nébuleux de l'existentialisme est nécessaire afin d'occulter que les conditions d'une existence tiède et supportable ont pour rançon l'enfer et la douleur d'autrui. "Je ne suis pas responsable de la douleur du monde !" Eh bien, si, ou bien vous n'êtes pas "responsable", mais un foetus, et qui entendez le rester, tout instinct, perpétuellement lové contre le sein de votre mère ; ou un vieillard, puisque ceux-ci sont déjà tout recroquevillés.

Les salauds de juristes et de mathématiciens qui ont conçu le purgatoire, ce havre de tiédeur éthique, ont précipité ainsi une partie de l'humanité dans l'enfer. Bien sûr ils ne l'emporteront pas au paradis. A quoi reconnaît-on un salaud, enfant ? A ce qu'il juge autrui. S'il le fait au nom du Christ, c'est le pape des salauds, portant la tiare. Au tout premier rang de la cohorte de Satan.

Un chrétien n'a pas à juger autrui. Chaque fois qu'il accomplit cet acte vain, il meurt un peu comme un païen, persuadé que l'éthique mène le monde à bon port ; il se place ainsi dans la position de comprendre pourquoi la mort joue un rôle aussi grand dans la culture de vie païenne ou libérale : pourquoi elle est partout, derrière chaque miroir. Il se place aussi dans la position de comprendre pourquoi le christianisme, défi à la mort, l'est aussi à la société ou la civilisation.

Noeud de vipères la théologie catholique romaine pour la raison qu'elle s'efforce de défendre l'ordre social, tout en paraissant défendre la vérité, et se conformer aux saintes écritures. Laissez vos religions  civilisées, dit Marx, c'est le clergé qui y a intérêt, et non pas dieu. Le clergé croit d'abord en lui-même : c'est là la principale cause de l'athéisme moderne et de la concurrence que les pharisiens font à dieu.

Qui le curé dans sa cure soigne-t-il, si ce n'est d'abord lui-même, comme le psychiatre républicain est le plus zinzin de l'asile ? Le curé peut aussi bien se faire médecin, et le médecin se faire curé. Personne n'y verra que du feu, tellement la censure est grande. Proportionnelle au cinéma.

Tel croit que Georges Orwell c'est de l'anticipation, du cinéma justement. Je ne crois pas ; plusieurs siècles avant, Shakespeare dit la même chose, en beaucoup plus fort. Il replace l'évangile dans le contexte de l'Occident, entièrement ravagé par la superstition romaine. La société est une gigantesque aspiration utérine au néant.

 

Les commentaires sont fermés.