La démonstration que Karl Marx n'est pas moderne tient en une phrase : aucun historien un tant soit peu sérieux n'ignore le caractère profondément religieux de la modernité. J'insiste sur le mot "profondément", car Marx est le théoricien d'un fanatisme religieux accru à mesure du temps, que le développement tentaculaire et conjoint des banques et de l'Etat prouve.
Soviétiques ou bien libérales, les élites se sont efforcées et s'efforcent encore de faire passer le marxisme pour un athéisme. En réalité, le reproche de Marx aux Eglises chrétiennes est de s'être servies de l'argument religieux pour conditionner le peuple. De sorte que le conditionnement au malheur, comme au bonheur, est du point de vue marxiste un signe d'aliénation religieuse, et la folie pratiquement significative de cette aliénation.
Freud est moderne, puisqu'il se contente de pointer la cause familiale, disculpant ainsi la superstructure étatique et économique, bien qu'elle soit devenue la première cause du conditionnement, de l'Orient par l'Occident géographique, et de l'Occident par lui-même ; Marx n'est pas moderne ; il guérit au contraire de la bêtise moderniste et sait parfaitement avec quelle force l'économie et le droit modernes imposent leur condition à tous.
De la même façon Balzac, plus ou moins l'équivalent français de Marx, lorsqu'il peint en historien la France du XIXe siècle en proie au vice juridique n'est pas moderne. Ce sont toutes les nouvelles garanties judiciaires et les corporations qu'elles animent qui sont modernes.
L'argument religieux de la modernité est une justification. De ce fait il émane nécessairement de l'élite, dont c'est le rôle essentiel de décréter que la justice sociale est, y compris et surtout quand elle s'avère la plus virtuelle.
Bien sûr Karl Marx n'est pas antimoderne comme cette toupie de Benoît XVI ou le Dalaï Lama, au point de vouloir maintenir un ordre religieux caduc ou le restaurer. L'histoire n'a pas de sens chronologique, ce qui lui évite de tomber dans la casuistique religieuse du voyage dans le temps ou de la science-fiction.
Cette antimodernité là, il faut aussi en dissuader les musulmans les plus pauvres, car elle n'est qu'une niche à l'intérieur de la modernité, destinée à la renforcer. C'est le même tour de prestidigitation dans la modernité que dans le cinéma : faire croire que les choses avancent, alors qu'on nage en plein conservatisme.
La modernité est d'ailleurs synonyme de "technocratie". On ne trouvera rien chez Marx pour la justifier. La technocratie est parfaitement statistique, c'est-à-dire nulle et non avenue. Laissez la modernité aux énarques et aux polytechniciens, robots qui vont à la casse au pas de l'oie.