Si l'athéisme m'a toujours paru une bizarrerie, voire un "handicap" comme je disais étant plus jeune, c'est surtout pour des raisons littéraires. Je ne lisais, étant gosse, aucun bouquin moderne, mais seulement des livres remontant au moins au XIXe siècle.
Que peut bien comprendre un athée à Voltaire, Racine - ou Molière, surtout, qui me frappait le plus, étant donné l'authentique description qu'il fait de la société comme une immonde salope inguérissable ? C'était la question que je me posais alors. Quiconque a quelque notion d'histoire sait que l'athéisme et le socialisme sont synonymes ; par conséquent, l'athéisme n'est que le produit dérivé de la philosophie chrétienne médiévale ; c'est particulièrement net de la part de philosophes nazis comme Heidegger ou Sartre.
J'ai donc été vacciné contre le socialisme par Molière. Celui-ci excelle en effet à montrer comment la brute humaine a besoin du socialisme ; la séduction joue un rôle important dans la partie de chasse planétaire ; et cette part de séduction s'appelle "le socialisme". La débilité profonde des fachistes, c'est d'avoir voulu inventer un socialisme honnête, calqué sur le modèle animal. C'est aussi débile que d'associer, comme Jaurès, le socialisme et la paix.
J'ai déjà oublié quels étaient les écrivains en vogue quand j'avais quinze ans, et que j'apercevais dans l'émission "Apostrophe", mais ceux qui ont lu "Tartuffe" ou "Don Juan" comprendront peut-être que Philippe Sollers puisse apparaître comme une simple hypothèse de travail à côté de Molière. Les fantômes d'aujourd'hui sont les personnes dans le poste de télé.
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Certes, je vivais dans un milieu d'obédience catholique, mais la domination sans partage des femmes dans ce milieu m'a très tôt fait suspecter le mensonge ; de même que je soupçonne 95% des pédés en France d'être issus de milieux catholiques romains, même si c'est sans doute exagéré (pédé = identitaire).
Je crois que c'est grâce à Stendhal - comme quoi on peut retenir certaines choses des auteurs les plus vulgaires - que j'ai pigé le truc de l'indéfectible alliance des curés et des femmes, ou des pharisiens et des veuves, comme dit Jésus-Christ. Sur le terrain social, la misogynie est défaite d'avance.
Donc la religion de mon enfance était assez banale pour un Français, puisque c'était celle de la littérature, dépourvue de l'aspect culturel ou religieux que la modernité implique. En quoi on voit que la République est une idée bien plus allemande que française, puisqu'il n'y a pas de littérature républicaine à proprement parler, sauf Stendhal qui fait coïncider le bourgeois avec le cochon, sous couvert du style. Bien que le gros Beyle se cache à peine, comme tous les ritals, de téter encore sa mère bien après l'âge de raison. "Molti che tengono la fede del figlio e sol fan tenpli nel nome della madre." (De' cristiani) reconnaît déjà Léonard. ("Beaucoup (de chrétiens) qui disent croire dans le fils, n'érigent des temples qu'au nom de la mère (nature).")
Et encore, Stendhal est attaché à l'uniforme et au code napoléon, c'est-à-dire au régime dictatorial qui précéda la République des tartuffes d'aujourd'hui, qui ne peut se passer de l'opération de blanchiment des charniers dont elle fut l'actionnaire. Le curé républicain doit l'avouer (Jean-Claude Milner) : l'histoire marxiste n'a eu aucune influence en France. La raison en est qu'elle n'est pas faite pour le blanchiment.
Commentaires
J’ai aussi rapidement douté de l’athéisme, mais pas pour les mêmes raisons.
Je suis issu d’un milieu plutôt athée : on appelait les curés les « corbeaux », et le dimanche on chantait la marseillaise anticléricale :
« Aux urnes citoyens,
Contre les cléricaux
Votons, votons,
Et que nos voix
Dispersent les corbeaux »
En picolant comme des soudards.
Je trouvais ça assez marrant mais je ne voyais pas bien le pourquoi du comment.
Puis on m’a collé une étiquette d’athée parce que je répétais ces âneries…
« Athée » ? Je ne voyais pas non plus ce que ça voulait dire : je n’en savais absolument rien. Je ne suis jamais allé au catéchisme, sauf une fois pour faire plaisir à une pétasse, mais je m’en foutais bien de leur prêchi-prêcha. Au lycée l’on m’a fait lire toute la kermesse d’écrivains laïcoïdes de l’enseignement républicain, en gros le dix-neuvième siècle, qu’il était convenu de trouver formidables. On présentait le dix-huitième comme celui des Lumières, je ne voyais toujours pas trop pourquoi. Je trouvai le dix-septième globalement plus joli mais je ne bitais rien à Pascal qui m’endormait avec son vide, je faisais des efforts pour prendre tout ça au sérieux mais vraiment j’avais du mal. Je ne m’intéressais pas davantage aux cours d’histoire. Quant à la philosophie, pour moi c’était de l’hébreux : non, ces trucs ne me concernaient pas. Bref, l’inoculation n’a pas pris. D’ailleurs j’ai planté l’école avant le bac, considérant, comme Anatole France, que la meilleure école, « c’est de n’y pas aller ». Et je suis parti vendre des crèmes glacées sur les plages du Sud…
Il a fallu que je rencontre une autre pétasse, qui avait une paire de fesses hallucinante (ma condition d’athée déjà vacillait devant cet ondulant miracle de la Création) et qui faisait une thèse sur Pic de la Mirandole pour que je m’intéresse à des trucs plus sérieux…
- La dimension éthique trahit le caractère religieux de l'athéisme. Le mysticisme moral est étranger au christianisme, comme Nitche a le mérite de le souligner.
- Les militants athées ont tort de croire qu'ils ont inventé le socialisme : si la franc-maçonnerie était un peu plus transparente, elle publierait que le socialisme est le mode de fonctionnement de la théocratie égyptienne. Bien qu'il croie généralement dans l'évolution, l'homme socialiste est celui qui a le moins progressé intellectuellement. BHL est aussi narcissique que Ramsès II ; seule la métamorphose des rapports économiques dissimule que le socialisme, cette religion allemande méprisée en France, est une formule identique à celle de la monarchie païenne. Les socialistes modernes - nazis en particulier -, sont d'ailleurs fascinés par l'Egypte antique et toutes les grandes technocraties régies par le principe matriciel.