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Le terme de Génocide

Il serait bien mesquin de refuser aux Israéliens l'emploi du terme "génocide des Juifs" sous prétexte que la définition du mot génocide implique l'extermination complète d'un peuple. D'ailleurs les Juifs constituent-ils un peuple ? Cela même est contestable selon Sigmund Freud, qui se sentait lui-même plus "Allemand" que "Juif". Le destin du peuple Hébreu est essentiellement spirituel, contrairement à ce que prétendait la doctrine darwiniste du IIIe Reich.

"Génocide des Palestiniens ou non ?", cette querelle sémantique est ignoble. Les disciples d'Orwell ne devraient pas être les seuls à ressentir l'ignominie de cette casuistique. La décence ("common decency") nous force à ne pas entrer dans ce débat.

"1984" enseigne qu'un tel débat sémantique ne peut avoir lieu que dans un contexte négationniste, alors que l'Histoire et les historiens ont entièrement cédé la place aux propagandistes et que l'histoire est réduite à des slogans. La sémantique a ici pour rôle d'aiguiser le slogan, d'accroître son impact.

Au stade totalitaire où le monde est entré, selon Orwell, dans les années 1950, la Vérité a été comme liquidée par le langage. Autrement dit, la Vérité est devenue pure rhétorique, évolutive : ce qui était "vrai" scientifiquement en 1950, peut être faux en 1960, et de nouveau vrai en 1970. Imaginons que V. Poutine remporte son bras de fer économique contre l'OTAN sur le sol ukrainien : cette victoire serait enseignée alors comme une victoire de la civilisation sur le nazisme. Les Français sont familiers de cette méthode dite "du roman national" qui, soit dit en passant, est une insulte à la science et aux Lumières, qui contestaient le monopole des jésuites sur la science.

L'expansion de la culture de masse entre 1950 et 2025 est, en soi, une preuve du totalitarisme ; l'enseignement du roman national ne l'est pas moins. Un Français doit comprendre ici la valeur et l'importance de Shakespeare : le premier il a libéré l'Histoire de la propagande et des propagandistes ; pas tout à fait le premier, puisqu'il s'inscrit dans la continuité de Machiavel - mais l'on peut dire que Shakespeare a décuplé la force satirique de Machiavel. Il n'est pas abusif de dire que Shakespeare a extrait l'Angleterre du Moyen-âge sur le plan culturel.

Il convient de préciser la définition de l'intellectuel, dont Orwell fait un acteur essentiel du totalitarisme (il conçoit la "novlangue", c'est-à-dire l'instrument de destruction d'une Vérité extérieure à l'homme). L'intellectuel au service du totalitarisme fait comme si le langage n'était pas un simple outil, mais qu'il contenait la Vérité. L'utopie communiste d'Emmanuel Goldstein (alias Trotski) est exactement de la même nature que l'Etat totalitaire (Big Brother) d'O'Brien. Ils sont tous les deux pure rhétorique, exactement comme le discours amoureux ; le naïf Winston Smith croit combattre Big Brother par l'utopie, alors que celui-ci se nourrit de celle-là. Indirectement, Orwell pose une question sur le communisme : comment a-t-il pu devenir utopique (ou étatique) alors qu'il fut dirigé par Marx, puis par Lénine, contre l'utopie ?

Bien sûr on ne peut manquer d'évoquer ici le langage mathématique comme modèle du langage totalitaire pur. L'essayiste Simone Weil avait détecté la vocation totalitaire de la physique dite "quantique", en soulignant l'ésotérisme de certaines expressions de la physique quantique. Les mathématiciens du début du XXe siècle étaient conscients de la distance qui sépare la réalité physique du langage mathématique "approximatif", même s'ils expriment souvent de façon confuse comme Einstein ce "hiatus". Le stade totalitaire à proprement parler est celui des mathématiques présentées (paradoxalement) comme une "science dure".

On constate, à côté de la physique quantique totalitaire, la production d'un art totalitaire "pur" lui aussi ; l'expression d'art abstrait devrait être bannie des manuels d'histoire de l'art, car elle ne rend pas compte du phénomène de "modélisation mathématique" qui permet de définir assez précisément l'art totalitaire de la seconde moitié du XXe siècle.

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