Les esclaves sont épris de liberté. Les maîtres, eux, se contentent le plus souvent d'une prison dorée ou de quelque lieu d'aisance du même genre.
"J'ai bien le droit de..." : ce slogan, entendu maintes fois, suffit à me prouver que je vis entouré d'esclaves. Il est pénible d'entendre une telle ritournelle, résultat de l'enseignement religieux républicain. J'ai pitié de celui qui attend qu'on lui rende justice : il y a des chances qu'il se fasse violer par quelqu'un qui n'a pas le temps de croire à ces balivernes. Je crois entendre Sganarelle : "Mes gages ! Mes gages !" Tout le monde se moque de Sganarelle - je ne parle pas des matheux, mais des gens qui savent lire - parce qu'il est stupide d'attendre quelque chose du Séducteur, qui ne promettrait pas s'il pouvait octroyer.
La seule chose à laquelle tout le monde a droit, c'est à un cercueil : d'où le teint blafard des hommes de loi. Ce n'est pas très malin d'organiser des messes noires avec des crânes et de l'hémoglobine, puisque, comme le tain du miroir, la mort est partout dans les cultes juridiques. Dans l'apocalypse, le parangon de la justice humaine -ou sociale-, le cavalier porteur d'une balance, est noir.
- Pour les chrétiens, le désir de liberté n'a pas de sens, car l'homme ne peut pas obtenir la liberté seul - elle est surhumaine. On ne désire d'ailleurs que ce dont on a besoin. Et, toujours pour les chrétiens, la liberté ne répond à aucun besoin, ni manque affectif. La frustration des riches vient de ce qu'ils poursuivent le droit comme si c'était la liberté ; et, comme le droit est infini, les riches peuvent toujours tourner comme des écureuils en cage.
- Pour un juriste un tant soit peu sérieux (hypothèse incertaine, car les juristes sont aussi loufoques que les matheux), les droits de tous ne peuvent être satisfaits, faute de quoi la société s'écroulerait. La promesse d'égalité sociale joue donc le rôle d'appât, dans les sociétés humaines, comme l'homme n'est pas assez bête pour ne pas imaginer la liberté. On lui propose un ersatz.